Dans son dernier livre blanc sur ses activités spatiales pour la période 2021-2025, la Chine fait l'inventaire d'une partie de ses missions et programmes civils et scientifiques. Sans surprise, il fait l'impasse sur les activités militaires du programme spatial.


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    Dans son dernier livre blanc, la chine a réaffirmé ses ambitions spatiales et clairement signifié que la phase de rattrapage technologique était terminée. Puissance spatiale de premier plan, la Chine égale ou surpasse l'Europe et les États-Unis dans quelques domaines spécifiques comme les vols habitésvols habités, la militarisation de l'espace, les télécommunications quantiques et certains aspects de l'exploration robotiquerobotique. Comme nous le précise Philippe Coué, spécialiste de la Chine, ce « livre blanc ne reflète pas la totalité des activités spatiales de la Chine. En effet, il ne prend en compte qu'une partie des activités et programmes spatiaux civils, environ 40 %, et ne parle pas des activités militaires ».

    Cela dit, les informations qu'il contient nous renseignent sur une partie des choix stratégiques du gouvernement chinois et tracent la voie pour les cinq prochaines années. On y apprend que la Chine va renforcer et consolider son infrastructure spatiale autour de la Terre qui fournit des services utiles à tout un chacun dans des domaines aussi variés que la navigation, l'observation de la Terre (météométéo, climatclimat) et les télécommunications spatiales notamment.

    Garant de son autonomieautonomie de l'accès à l'espace, la Chine prévoit de renforcer et moderniser ses capacités en matière de lancement. Sa famille de lanceurs, déjà bien complète, sera renforcée avec la mise en service d'un nouveau lanceur CZ-5 DY pour les vols habités lunaires, de moteurs à propergol solide de forte poussée et la poursuite de développement, entamée depuis 15 ans, du lanceur lourd CZ-9 de forte capacité (de 100 à 140 tonnes en orbite basse). Au cours de ces cinq années, la Chine poursuivra également ses efforts dans la réutilisation et le « retour d'orbite » avec un étage supérieur capable de retourner sur Terre, qui pourrait être un élément de lanceur.

    Des Chinois sur la Lune à la fin des années 2020

    Dans le domaine des vols habités, la constructionconstruction de sa station spatiale se poursuivra avec deux nouveaux modules, Wentian et Mengtian, et la mise en service du télescope spatialtélescope spatial Xutian de deux mètres de diamètre. Ce télescope volera dans une configuration coorbitale avec la station. Il viendra s'y amarrer pour des opérations de maintenance. Son lancement est prévu en 2024. La Chine poursuivra ses efforts pour préparer l'arrivée de taïkonautestaïkonautes sur la LuneLune, qui pourrait avoir lieu dès la fin de cette décennie. Dans ce sens, elle développera un véhicule habité lunaire.

    L'exploration robotique de la Lune se poursuivra à un rythme étonnamment soutenu. Après avoir rapporté 1,731 kilo d’échantillons lunaires de l'océan des tempêtestempêtes (Chang'e 5Chang'e 5), Chang'e 6 rapportera des échantillons du pôle Sud de la Lune, une région que rejoindra aussi Chang'e 7 pour faire une reconnaissance complète du site d'atterrissage, avec pour objectif de rechercher de la glace d'eau. Ces cinq années seront aussi mises à profit pour continuer le développement de Chang'e 8, dont le lancement est prévu en 2027 ou 2028. Cette mission amorcera la mise en place d'une station lunairestation lunaire automatique qui sera construite avec la Russie. Cette station évoluera vers une base habitée dans les années 2030.

    Une mission à la frontière du Système solaire

    En développement depuis une dizaine d'années, la mission de retour d'échantillons d'un astéroïdeastéroïde classé comme un quasi-satellite de la Terre devrait décoller en 2024, voire en 2023. Elle devrait ensuite rejoindre la comètecomète (ou astéroïde actif) 311P/Panstarrs dans la Ceinture principale.

    Bien que son programme martien soit légèrement en retrait par rapport à la Lune, la Chine a de très fortes ambitions et prévoit de rapporter des échantillons de la Planète rouge. Durant la décennie 2030, sont prévus des lancements de sondes qui s'aventureront dans le Système jovienjovien et jusqu'aux confins du Système solaireSystème solaire, pour explorer ses limites.

    Dans le domaine de l'astronomie, le programme est également très ambitieux avec de nombreuses missions dédiées à l'étude des ondes gravitationnelles, la physiquephysique de l'espace-tempsespace-temps, l'universunivers extrême, la recherche de planètes habitables ainsi que les relations Terre-SoleilSoleil et la mesure du champ magnétique terrestrechamp magnétique terrestre.


    Mars, astéroïde, Jupiter… : la Chine précise ses objectifs

    Article de Rémy DecourtRémy Decourt publié le 02/07/2021

    En attendant la publication du nouveau livre blanc sur sa stratégie spatiale pour la période 2021-2025, la Chine, qui vole de succès en succès, a levé le voile sur de nouveaux objectifs lors d'une conférence de presse qui s'est tenue le 12 juin et lors des rencontres de Startup Village 2021 qui ont eu lieu fin mai.

    Les dernières avancées chinoises dans les vols habités et l'exploration robotique de la Lune et de Mars ont fini de convaincre les plus indécis de la formidable puissance spatiale de la Chine qui fait aujourd'hui jeu égal avec la NasaNasa et l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne dans de nombreux domaines. Étonnamment, alors que les relations avec les États-Unis n'ont jamais été aussi exécrables et qu'elles commencent à se tendre avec l'Europe, la Chine veut légitimer son influence internationale et souhaite renforcer ses partenariats existants avec l'ESA et Roscosmos, et les élargir à d'autres nations.

    Lors de l'événement Startup Village 2021, qui s'est tenu fin mai au Centre de recherche de Skolkovo, près de Moscou, et lors d'une conférence de presse, la Chine a donné de nouvelles informations sur son ambitieux programme d'exploration robotique et humaine de la Lune, récemment renforcé par la signature d'un partenariat avec la Russie pour s'installer durablement sur la Lune. Après les missions Chang'e 6 et Chang'e 7, déjà évoquées dans nos articles, s'ajoute Chang'e 8 qui testera l'impression 3D, pour la construction d'infrastructures en dur et la mise au point d'unités ISRU (In-Situ Resource Utilization) pour exploiter et utiliser des ressources lunaires, dans la perspective d'une base habitée prévue pour la décennie 2030.

    Voir aussi

    La Chine et la Russie s'installeront sur la Lune durablement

    Course aux échantillons martiens

    Dans le domaine de l'exploration robotique, de nouvelles destinations ont été ajoutées aux objectifs de l'Agence spatiale chinoise et d'autres confirmées. Ainsi, d'ici la fin de cette décennie, une mission devrait être lancée à destination de JupiterJupiter qui pourrait emporter un landerlander ou un roverrover à poser sur la surface de CallistoCallisto, une des quatre lunes galiléennes de Jupiter. La Chine a également une mission de retour d'échantillons d'un astéroïde d'une dizaine de mètres de diamètre classé comme un quasi-satellite de la Terre. Il récupérera des échantillons de sa surface et devrait ensuite rejoindre la comète (ou astéroïde actif) 311P/Panstarrs dans la Ceinture principale. Son lancement est prévu dans la période 2024-2026. Enhardie par la formidable réussite technologique de sa première mission martiennemission martienne, un sans-faute qui étonne, la Chine prévoit une mission de retour d'échantillons martiensretour d'échantillons martiens avec l'objectif « secret » de les rapporter avant ceux de la mission MSR de la Nasa et de l’ESA, prévus au mieux pour le début des années 2030. Toutes ces missions seront ouvertes à la coopération internationale.

    Pour accéder à l'espace, la gamme de lanceurs existants sera renforcée avec l'arrivée d'un lanceur partiellement réutilisable et d'une gamme de nouveaux lanceurs lourds. À ce sujet, la Chine est plutôt discrète, tout comme sur son projet de drone spatial. Quant à la Station spatiale, dont la construction a débuté et est actuellement occupée par trois taïkonautes, la Chine a réaffirmé que sa construction sera terminée en 2022. Un pari logistique qui ne sera pas une mince affaire, même pour la troisième puissance spatiale mondiale.

    Le rover chinois Zhurong posant fièrement devant l'atterrisseur qui l'a amené sur Mars. © CNSA
    Le rover chinois Zhurong posant fièrement devant l'atterrisseur qui l'a amené sur Mars. © CNSA

    Des développements utilisés pour des systèmes spatiaux civils et militaires

    Dans le domaine de l’observation de la Terre, des télécommunications spatiales et du positionnement par satellite, la Chine va renforcer toutes ses capacités afin de garantir son autonomie et de moins dépendre de données étrangères pour ce type d'applicationapplication. Elle souhaite également se doter d'une constellationconstellation de plus ou moins 13.000 satellites destinés à fournir un accès à InternetInternet. La Chine a également annoncé renforcer sa politique d'investissements en infrastructures, recherche et développement dans le domaine spatial de façon à stimuler l'innovation, soutenir le développement économique et social du pays.

    Les efforts chinois de militarisation de l’espace sont devenus le principal aspect de la rivalité avec les États-Unis

    Enfin, les efforts chinois de militarisation de l'espace sont devenus le principal aspect de la rivalité avec les États-Unis dont le leadership dans ce domaine est mis à mal. Le renseignement américain considère cet aspect du programme spatial chinois comme l'une des principales préoccupations en matière de sécurité pour les États-Unis.

    La Chine qui ne sépare pas les activités militaires des activités civiles ou commerciales, comme le font les États-Unis, ne s'exprime pas sur ce sujet. Pour comprendre les craintes de Washington, il faut prendre conscience que si un pays peut développer un satellite capable de mener des opérations de rendez-vous et de proximité pour le ravitaillement en carburant ou l'enlèvement des débris, cette même capacité technologique peut être utilisée pour attaquer un satellite, dégrader son orbite ou tout simplement s'approcher suffisamment pour y jeter un coup d'œilœil ! Autre exemple, la réutilisation du deuxième étage d'un lanceur à des fins commerciales ou scientifiques a des applications potentiellement militaires telles que l'hébergement de charges utiles ou de capteurscapteurs.