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Certaines paires d'étoiles sont constituées de deux étoiles normales dotées de masses sensiblement différentes. Lorsque l'étoile de masse légèrement supérieure vieillit et grossit au point de devenir une géante rouge, de la matière est transférée à l'autre étoile. Au fil du temps, cette matière forme une vaste enveloppe gazeuse qui enserre le système double. Puis le nuagenuage se disperse, ce qui se traduit par le rapprochement des deux étoiles. Cette paire resserrée se compose dès lors d'une naine blanche et d'une étoile plus classique. De telles paires sont qualifiées de « binairesbinaires à post-enveloppe commune ».
V471 Tauri fait partie de ce type de paires stellaires. Son appellation découle du fait que cet objet constitue la 471e étoile variable, ou paire d'étoiles. Elle figure au sein de l'amas des Hyades dans la constellation du Taureauconstellation du Taureau. Son âge est estimé à 600 millions d'années et sa distance à la Terre avoisine les 163 années-lumièreannées-lumière.
Le système est composé de deux étoiles très proches l'une de l'autre et dont la période de révolutionpériode de révolution est d'une douzaine d'heures. À deux reprises, lors de chaque orbiteorbite, l'une des deux étoiles passe devant l'autre - ce type d'éclipseéclipse se traduit par des variations périodiques de luminositéluminosité du système observées depuis la Terre.
Cette vidéo débute sur une vue étendue du ciel puis se focalise sur la brillante constellation du Taureau dans le ciel boréal. Les deux amas brillants des Pléiades et des Hyades se détachent nettement. La vidéo s'achève sur une vue rapprochée de V471 Tauri, qui apparaît comme une étoile simple. L'image acquise par l'instrument Sphere qui équipe depuis peu le Très Grand Télescope de l'ESO infirme l'existence supposée d'une quelconque naine brune à proximité de ce système d'étoiles doubles. © Eso Observatory, YouTube
Le système binaire V471 Tauri sous l'œil de Sphere
Une équipe d'astronomesastronomes conduite par Adam Hardy, de l'université de Valparaiso, au Chili, a dans un premier temps utilisé le système Ultracam installé sur le TélescopeTélescope de Nouvelle Technologie (NTT pour New Technology TelescopeNew Technology Telescope) afin de mesurer, avec grande précision, ces variations de luminosité. Leurs travaux sont disponibles dans un article déposé sur arXiv. Les instants auxquels se produisent les éclipses ont été déterminés avec une précision inférieure à deux secondes - ce qui constitue une réelle avancée comparé aux mesures antérieures.
Le fait que les éclipses ne se produisent pas à intervalles réguliers pouvait fort bien s'expliquer par l'existence d'une naine brune à proximité de la paire d'étoiles - sa présence ayant pour effet de perturber gravitationnellement leurs orbites respectives. D'autres indices plaidaient également en faveur de l'existence d'un second objet de petite taille.
Jusqu'à présent, il s'était toutefois avéré impossible de capturer l'image d'une naine brunenaine brune de faible luminosité qui se situe si proche d'étoiles plus brillantes. Grâce à l'instrument Sphere, récemment installé sur le Très Grand Télescope de l'ESOESO, l'équipe scientifique a été en mesure d'observer, pour la toute première fois, cette région du ciel présumée occupée par la naine brune en question.
Les images de Sphere, dont la très haute résolutionrésolution aurait pu permettre de facilement localiser cet objet n'ont toutefois rien révélé. Ces images sont dotées d'une résolution si élevée qu'elles auraient immanquablement révélé l'existence d'un compagnon tel qu'une naine brune, 70.000 fois moins brillante que l'étoile centrale et distante de seulement 0,26 seconde d'arcseconde d'arc. Dans le cas présent, la naine brune supposée aurait été caractérisée par une brillance nettement plus élevée.
« De nombreux articles suggèrent l'existence de tels objets circumbinaires, mais les résultats obtenus dans le cadre de notre étude mettent sérieusement en doute cette hypothèse », note Adam Hardy.
Une orbite modifiée indirectement par le magnétisme d'une étoile ?
L'absence d'un tel objet en orbite autour de ce système binairesystème binaire étant avérée, quelle pourrait être la cause des étranges variations orbitalesorbitales observées ? Plusieurs hypothèses ont été formulées, certaines d'entre elles ont d'ores et déjà été écartées.
Reste la possibilité que ces perturbations résultent de variations du champ magnétique à l'intérieur de l'étoile la plus massive. Cet effet a été baptisé mécanisme Applegate, du nom de l'astrophysicienastrophysicien qui l'a décrit en 1992. Il se traduit par des variations régulières de la forme de l'étoile, qui peuvent produire des variations de la luminosité apparente de l'étoile double observée depuis la Terre. Ces variations sont semblables à celles observées dans le Soleil mais restent de moindre magnitudemagnitude.
« Une étude telle que celle-ci a nécessité de nombreuses années de travail mais son achèvement a requis l'arrivée d'instruments nouveaux et puissants tel que Sphere. C'est ainsi que la science progresse : les observations effectuées au moyen de nouveaux outils, technologiquement plus aboutis, viennent confirmer, ou dans notre cas infirmer, les hypothèses jadis formulées. Il s'agit là d'un excellent moyen d'entamer la carrière observationnelle de ce formidable instrument », conclut Adam Hardy.