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Récemment, suite à l'annonce de la découverte, à 40 années-lumière du Soleil, de sept exoplanètes autour de l'étoile Trappist-1, dont trois sont potentiellement habitables, Futura-Sciences s'était tourné vers l'astrophysicienastrophysicien Franck Selsis pour lui poser quelques questions au sujet de cette avancée scientifique à laquelle il avait participé.
L'un des facteurs les plus influents dans l'habitabilité d'une exoplanète rocheuse est la présence ou non d'une atmosphèreatmosphère et de ses caractéristiques. C'est pour cette raison que nous lui avions demandé s'il n'est pas « problématique que Trappist-1 soit une naine rouge ? » Car en effet, ce genre d'étoile a une jeunesse agitée, avec des flots de rayons Xrayons X, d'ultravioletsultraviolets et de particules, capables d'éroder une atmosphère planétaire.
Il nous avait alors répondu : « C'est bien ce que l'on voudrait savoir et le meilleur moyen d'en avoir le cœur net, c'est de faire des observations. Il est possible qu'en fonction des caractéristiques de l'atmosphère d'une planète, son épaisseur, son contenu en eau liquide et aussi en fonction des interactions entre la magnétosphèremagnétosphère et l'ionosphèreionosphère avec les ventsvents stellaires, une exoplanète autour d'une naine rouge puisse rester habitable. Personnellement, a-t-il continué, je me pose des questions car en appliquant à la jeune Terre plusieurs des arguments qui font douter de l'habitabilité des exoplanètes autour des naines rouges, on aboutit à la conclusion qu'elle ne devrait pas être habitable. Donc, soit les modèles théoriques surestiment beaucoup les pertes atmosphériques, soit les échanges entre le manteaumanteau et l'atmosphère sont à prendre en compte. L'eau et le gazgaz présents dans le manteau et libérés progressivement en surface pourraient être protégés de la phase de forte activité stellaire initiale ».
C'est donc avec un certain intérêt que l'on vient d'apprendre la découverte d'une atmosphère autour de l'exoplanète GJ 1132 b, une superterresuperterre de faible massemasse, 1,6 fois celle de la Terre, avec un rayon comparable, 1,4 fois celui de notre Planète. Elle se trouve en effet sur une orbiteorbite proche d'une naine rouge cinq fois plus petite que notre Soleil et 200 fois moins brillante, située à 39 années-lumière du Système solaireSystème solaire. L'étoile-parent porteporte le nom GJ 1132, dans le célèbre catalogue Gliese-Jahreiss, du nom des astronomesastronomes allemands Wilhelm Gliese et Hartmut Jahreiß qui contient toutes les étoiles connues à ce jour dans une sphère de 25 parsecsparsecs de rayon.
Illustration de la probable exovénus GJ 1132b et de son atmosphère. Cette exoplanète, 1,4 fois plus grande que la Terre, gravite en seulement 1,6 jour à 2,2 millions de kilomètres de son étoile. En comparaison, Mercure se situe à 58 millions de kilomètres du Soleil. Cette naine rouge, GJ 1132, n’est qu’à 39 années-lumière de notre Système solaire. © MPIA
GJ 1132b, une exovénus ou une planète océan ?
Ce n'est pas la première fois que la présence d'une atmosphère autour d'une exoplanète est détectée. Les précédents cas, depuis un moment déjà, furent des Jupiters chaudes et, plus récemment, des superterres. Mais ces dernières sont au moins huit fois plus massives que la Terre. Cette fois, il s'agit donc de la toute première détection d'une atmosphère autour d'une planète rocheuseplanète rocheuse dont la masse et le rayon sont vraiment comparables à ceux de notre Planète bleue. Sauf que dans le cas présent, du fait de la proximité de GJ 1132b à son étoile, il s'agit forcément d'un monde infernal, ressemblant bien plus à une exovénus qu'à une exoterreexoterre.
Comme l'expliquent leurs découvreurs dans un article déposé sur arXiv, c'est par la méthode des transits planétairestransits planétaires qu'ils sont parvenus à cette conclusion. Elle a été mise en pratique avec le télescopetélescope de 2,2 mètres MPG-ESOESO, situés à l'observatoire de La Silla, au Chili. Il est équipé de l'instrument Grond (Gamma-Ray BurstBurst Optical/Near-Infrared Detector) qui permet d'observer simultanément dans sept bandes spectrales du visible à l'infrarougeinfrarouge proche.
Les astronomes ont montré que le rayon de la planète apparaissait plus grand lors d'un transit dans le domaine de l'infrarouge que dans le visible. Cela s'explique très bien par la présence d'une atmosphère qui est opaque dans l'infrarouge mais transparente dans le visible. Les simulations qui ont été conduites suggèrent que celle qui rend le mieux compte des observations est un mélange riche en méthane et... en eau ! Les calculs montrent aussi que l'exoplanète pourrait être une planète océanplanète océan.
La présence de cette atmosphère, quelle que soit au final sa composition, nous incite donc à un optimisme modéré puisqu'elle semble bel et bien nous donner une preuve que l'atmosphère d'une exoplanète peut, au moins dans certains cas, résister aux colères d'une naine rouge (GJ 1132 est âgée d'au moins 5 milliards d'années). C'est donc de bon augure pour l'exobiologie et les programmes d'observations dans un futur proche, comme ceux que l'on va mener avec le futur télescope James Webb, qui se proposent tout à la fois de détecter des atmosphères autour d'exoterres dans la banlieue du Système solaire et d'y rechercher des biosignatures.
Hubble va pouvoir étudier l'atmosphère de l'exoVénus GJ 1132b
Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman publié le 14/11/2015
L'atmosphère de quelques exoplanètes géantes a pu être étudiée à l'occasion de leurs transits devant leur étoile. Mais les planètes rocheuses connues étaient trop loin... Pas GJ 1132b, distante de seulement 39 années-lumière. Son enveloppe gazeuse, si elle existe, va pouvoir être analysée. On sait déjà qu'il fait très chaud et que cette grande Terre devrait plutôt ressembler à VénusVénus.
Sur les 1.978 exoplanètes découvertes depuis 20 ans, seules les atmosphères de quelques géantes ont pu être étudiées par les astronomes. C'est un phénomène encore récent qui réclame des instruments toujours plus affutés afin de caractériser les couches supérieures de ces planètes gazeusesplanètes gazeuses lorsqu'elles passent devant leur étoile (c'est un transit). Bien sûr, le Graal pour tous les chasseurs d'exoplanètes est de débusquer une Terre 2.0, tels les mondes potentiellement habitables Kepler-452b ou Kepler-186f, et de disséquer le spectrespectre de leurs enveloppes de gaz. Mais pour l'instant, leurs distances (respectivement 1.400 et 500 années-lumière) ne le permettent pas. Ce sera bientôt à notre portée, grâce entre autres, aux nouvelles générations de télescopes et d'instruments. En outre, d'autres candidats, plus proches encore, s'ajouteront.
À ce titre d'ailleurs, GJ 1132b présente un profil très intéressant. Pour son codécouvreur Zachory Berta-Thompson (MIT), co-auteur de l'article publié dans Nature qui la décrit, « cette planète va être une des cibles favorites pour les astronomes dans les années à venir ». Pourquoi ? Parce que, rocheuse, elle pourrait justement arborer une atmosphère et qu'elle se situe à seulement 39 années-lumière de nous.
Une planète rocheuse avec une atmosphère que l’on va pouvoir étudier
Ne rêvons pas toutefois à une planète habitable, car elle a vraisemblablement davantage de points communs avec Vénus qu'avec notre biosphèrebiosphère. Rappelons que ces deux dernières, de tailles quasiment identiques, se distinguent notamment par la température qui règne à leurs surfaces. Sur Vénus, plus proche du Soleil (108 millions de kilomètres), on cuit littéralement, le thermomètrethermomètre affichant en moyenne 460 °C. C'est une Terre qui aurait mal tourné, comme en témoigne d'ailleurs sa lente rotation (243 jours et 224 jours pour sa révolution). « Il a dû se produire un désastre majeur au tout début de l'histoire de la planète, expliquait il y a un an Michel Breitfellner, de l'équipe de la sonde Venus ExpressVenus Express (Esa), une collision avec un objet très grand qui a provoqué le ralentissement de sa rotation, et je pense que c'est là le tournant de la vie de Vénus. »
Au sommet du Cerro Tololo au Chili, les télescopes robotisés de 40 cm de diamètre MEarth-South scrutent chaque nuit des centaines de naines rouges à la recherche d’exoplanètes (détectées par transit). © Jonathan Irwin
La découverte de GJ 1132b a été réalisée avec le réseau dédié de télescopes robotisés de 40 cm MEarth-South - consacré à la recherche par transit d’exoplanètes autour de naines rouges dans un périmètre de 100 années-lumière - situé à l'observatoire interaméricain du Cerro Tololo au Chili a été corroborée par le télescope Magellan. Avec le spectrographespectrographe Harps de l'Eso, l'équipe de Zachory Berta-Thompson a pu, en prime, déterminer sa masse. Cette planète présenterait un diamètre de 14.800 km, légèrement supérieur à celui de la Terre (16 %) et une masse 60 % plus élevée. Pour les chercheurs, il s'agit très certainement d'un monde solidesolide et tellurique, donc composé de roches. Un Terrien marchant dessus serait environ 20 % plus lourd que chez lui.
Mais il serait vite grillé ! Sur ce monde distant de seulement 2,2 millions de kilomètres de son soleil, la température moyenne à la surface est celle de nos fours : environ 230 °C. Toutefois, cela reste assez froid pour que cet astreastre relativement massif puisse conserver une atmosphère. Bien sûr, dans le cas où elle possède de l'eau, ces conditions excluent qu'elle soit à l'état liquideétat liquide. GJ 1132b se promène en 1,6 jour autour de son étoile-parent, GJ 1132, une naine rouge, cinq fois plus petite que notre Soleil et 200 fois moins brillante.
Ces étoiles n'ont pas bonne réputation quant à garantir un environnement durablement favorable à la vie (voir « Il est vraiment dur de vivre à côté d'une naine rouge »). Dans le cas présent, de toute façon, tout indique qu'il s'agit d'une exoVénus. Cependant, elle a l'énorme avantage d'être la planète rocheuse avec une atmosphère que l'on peut étudier dès à présent avec le télescope spatial Hubbletélescope spatial Hubble (puis le JWSTJWST dans plus de deux ans), la plus proche de nous.
Ce qu’il faut
retenir
- GJ 1132b est une petite superterre qui orbite en moins de deux jours autour d’une naine rouge de très faible masse.
- L’exoplanète possède une atmosphère comme le montrent les observations faites avec la méthode des transits car elles mettent en évidence une absorption de la lumière infrarouge de son étoile par cette atmosphère.
- L’atmosphère de GJ 1132b semble avoir survécu aux colères de la naine rouge quand elle était jeune, ce qui laisse penser que des exoterres pourraient exister en grand nombre dans la Voie lactée.
- L’atmosphère de GJ 1132b est probablement riche en eau et la planète, bien qu’infernale, pourrait être une planète océan.