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Voir des systèmes planétaires naître et grandir offre une occasion magnifique aux astrophysiciensastrophysiciens de comprendre la formation et l'évolution de notre système solaire, âgé de 4,56 milliards d'années. Des avancées significatives ont été accomplies en ce domaine ces derniers temps. Grâce à l'acuité et à la sensibilité accrues des instruments, associées aux modèles informatiques développés dans les laboratoires, les chercheurs sont à présent en mesure d'étudier des nébuleuses en gestationgestation, des coconscocons d'étoiles et même des embryonsembryons planétaires. À cet égard, nous avons découvert avec stupéfaction, il y a quelques semaines, la merveilleuse image directe obtenue par Alma (puissant réseau d'antennes submillimétriques de l'Eso) de ce qui est en train de naître autour de HL-Tauri, à seulement 450 années-lumière. Il faudra cependant attendre plusieurs centaines de millénaires avant d'y distinguer un cortège de planètes inachevées. Aussi, afin de mieux comprendre ces processus, nous faut-il regarder ailleurs, vers d'autres jeunes étoiles, d'âge et de masse variables, pour explorer notre passé.
Dans cette perspective, une équipe de chercheurs a annoncé, lors des rencontres des sciences planétaires de l'AAS (American Astronomical Society) qui se sont déroulées entre le 8 et le 15 novembre à Tucson, Arizona, avoir débusqué deux candidats de maturité différente qui évoquent la structure du Système solaire : HD 95086 et HR 8799. Le premier est distant de quelque 295 années-lumière, en direction de la constellationconstellation de la Carène et le second, dans la constellation de Pégaseconstellation de Pégase, n'est éloigné que de 129 années-lumière. Kate Su, coauteure de l'étude, présente HD 95086 comme « un aperçu de ce qu'était notre système solaire quand il n'était âgé que de 10 à 20 millions d'années ».
Un aperçu de notre passé
On y a découvert une planète au moins cinq fois plus massive que JupiterJupiter, qui tourne entre deux larges bandeslarges bandes de poussières autour de l'étoile-parent. Un dispositif qui n'est pas sans rappeler les deux grandes ceintures d'astéroïdesceintures d'astéroïdes du système solaire : la principale, entre Mars et Jupiter, et celle qui se trouve au-delà de l'orbiteorbite de NeptuneNeptune, la ceinture de Kuiper. « C'est une cible prometteuse pour la chasse aux planètes, commente l'astrophysicienne. Les deux systèmes sont très similaires, sauf que HD 95086 possède plus de poussières, ce qui est en accord avec les théories de formation planétaire et nous amène à penser qu'il est le plus jeune des deux. En regardant d'autres systèmes comme ceux-là, on peut reconstituer le développement de notre système solaire. »
Présentation graphique du système HD 95086, vu du dessus. La jeune étoile (corps le plus massif) est au centre, entourée de deux anneaux de débris, l’un plus proche et donc plus chaud que l'autre. Une planète (b) cinq fois plus massive que Jupiter gravite près du bord intérieur du plus vaste anneau. Selon les modèles et l’observation de cas similaires, plusieurs planètes se situeraient entre les deux ceintures d’astéroïdes. © Nasa, JPL-Caltech
Combien de planètes ces jeunes systèmes cachent-ils ?
Nous découvrons HD 95086 et HR 8799 entre 10 et 90 millions d'années après leur naissance, soit les périodes où éclosent les planètes telluriquesplanètes telluriques alors que les géantes sont déjà installées. Les observations conduites avec les télescopestélescopes spatiaux Herschel (Esa) et SpitzerSpitzer (NasaNasa), sensibles au rayonnement infrarougeinfrarouge, montrent, dans les deux cas, la présence d'un vaste halo de poussières fines en marge de leurs ceintures (celle dite de Kuiper est située à plus de 40 unités astronomiquesunités astronomiques du SoleilSoleil), nourries vraisemblablement par des collisions en série d’astéroïdes et autres planétésimaux. Un comportement attendu, indiquent les chercheurs, pour des systèmes qui développent des planètes géantesplanètes géantes et gazeuses voire, ultérieurement, des géantes glacées.
L'espace important qui sépare les deux anneaux de poussières apparaît, à l'instar de ce qui est observé autour des étoiles Véga et Fomalhaut, comme la signature de systèmes planétaires multiples. Un assortiment de planètes qui ne reste plus qu'à débusquer. « Il doit y avoir plus de planètes que nous n'en avons découvert pour présenter une lacune aussi grande », déclare la co-auteur de l'article scientifique, Sarah Morrison, laquelle a participé au développement de modèles informatiques permettant de calculer le nombre de planètes que ces systèmes pourraient potentiellement arborer, ainsi que leur masse et leur orbite. « Nous pensons que le système (HD 95086) est un candidat de premier choix pour une campagne d'imagerie directe à la recherche de ces planètes. » Convaincue avec ses collègues qu'il n'y a pas qu'une planète autour de HD 95086, la doctorante à l'université d'Arizona (département des sciences planétaires) ajoute que « en sachant où sont les débris et les propriétés de la planète déjà connue, on peut avoir une idée de quelles sortes sont les autres planètes susceptibles d'être là ».
Vue graphique du système HR 8799. Quatre planètes connues gravitent entre ses deux anneaux de débris qui ne sont pas sans rappeler les deux ceintures d’astéroïdes du système solaire (entre Mars et Jupiter et au-delà de Neptune). Un immense halo de poussières ceint le jeune système planétaire. © Nasa, JPL-Caltech
Formation planétaire en plein boum
Les deux jeunes systèmes prospectés « sont à un stade de leur évolution où nous pensons que beaucoup d'événements intéressants se sont produits dans notre système solaire, tel que la formation de notre Lune et le démarrage du bombardement massif tardif » commente Renu Malhotra (université d'Arizona), ajoutant que ces « processus que nous voyons à l'œuvre (...) peuvent être corrélés avec les observations faites dans le système solaire et offrent un regard rétrospectif sur notre propre histoire ».
L'équipe de chercheurs rappelle qu'un mystère demeure concernant notre système planétaire et ses semblables : « Pourquoi l'espace entre les planètes est si vide ? » Peut-être sera-t-il résolu lorsqu'on en aura étudié un certain nombre. « Nous savons, poursuit le professeur Malhotra, que sur de longues périodes de temps, la gravitégravité des planètes peut dégager les débris. Les systèmes comme HR 8799 et HD 95086 offrent l'opportunité d'observer les processus dynamiques qui ont opéré il y a très longtemps dans notre système solaire. »