En combinant leurs forces, les réseaux de radiotélescopes VLA et Alma nous montrent des images inédites de centaines de disques protoplanétaires entourant de jeunes proto-étoiles dans le fameux complexe d'Orion, où se trouve la nébuleuse du même nom. Ces images devraient nous aider à mieux comprendre la naissance des étoiles et des planètes.
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Lorsque Kant et Laplace ont proposé la première théorie scientifique de la formation du Système solaire avec ses planètes et le Soleil, respectivement en 1755 et 1796, ils ne pouvaient certainement pas rêver qu'elle serait spectaculairement vérifiée par les observations aujourd'hui accessibles à des instruments comme le Karl G. Jansky Very Large Array (VLA) et l'Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (Alma). Il s'agit en effet de radiotélescopes. Non seulement il avait fallu attendre la découverte du rayonnement infrarouge en 1800 par l'astronomeastronome britannique William HerschelWilliam Herschel et du rayonnement ultraviolet en 1801 par le physicienphysicien allemand Johann Wilhelm Ritter pour se rendre compte qu'il existait autre chose que le spectrespectre de la lumièrelumière visible, mais la lumière elle-même à cette époque n'était pas encore comprise dans le cadre de la théorie des ondes. On préférait la modéliser selon les idées de NewtonNewton, c'est-à-dire en la supposant formée de particules.
Des pouponnières de proto-étoiles dans Orion
Une équipe internationale de radioastronomes livre pourtant aujourd'hui des images radio de plusieurs centaines de disques protoplanétaires autour de jeunes étoilesétoiles et proto-étoilesproto-étoiles en accord avec la théorie visionnaire de Kant-Laplace, basée sur quelques idées de la physiquephysique de Newton.
Ces images en fausses couleurscouleurs proviennent de la combinaison par les ordinateursordinateurs théorisés par Alan Turing des ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques à différentes longueurs d'ondelongueurs d'onde, que le VLA et Alma ont collectées en tournant leur regard métallique vers le nuagenuage moléculaire complexe d'OrionOrion (appelé aussi le complexe d'Orion car il contient en fait plusieurs nuages ainsi que d'autres objets). Situé dans la constellation d'Orionconstellation d'Orion, on le confond parfois avec plusieurs de ces composantes en particulier M42M42, la nébuleuse d'Orion. D'autres composantes de ces nuages sont ainsi célèbres comme la nébuleuse de la Tête de Cheval et la nébuleusenébuleuse de la Flamme (NGCNGC 2024).
Les images synthétisées par interférométrie (on combine les observations de plusieurs petits radiotélescopes espacés pour obtenir l'équivalent d'un très grand instrument) grâce à la nature ondulatoire de la lumière ont été constituées à l'aide des données de la campagne d'observations baptisée VLA/Alma Nascent Disk and Multiplicity (Vandam), la plus grande menée à ce jour concernant de jeunes étoiles avec leurs disques protoplanétairesdisques protoplanétaires. Deux articles sur arXiv accompagnent leur mise en ligne dans un communiqué du National Radio Astronomy Observatory (NRAO).
Un laboratoire pour tester les variantes de la théorie de Kant-Laplace
Rappelons que dans ses grandes lignes, la forme moderne de la théorie de Kant-Laplace est la suivante. Tout commence par un grand nuage moléculaire, initialement très froid, contenant du gazgaz et des poussières. Sous certaines conditions il va s'effondrer gravitationnellement et devenir turbulent. Il va alors se fractionner en plusieurs petits nuages plus denses et en rotation de plus en plus rapide, avec un moment cinétiquemoment cinétique, au fur et à mesure que la contraction se poursuit.
La force centrifugeforce centrifuge perpendiculaire à l'axe de rotation va tendre à s'opposer à l'effondrementeffondrement gravitationnel de sorte qu'un disque se forme perpendiculaire à cet axe. Il apparaît aussi au cœur du nuage une zone plus dense qui s'échauffe en se comprimant. Elle rayonne en donnant ce que l'on appelle une proto-étoile, alors que le reste de l'enveloppe de gaz et de poussière continue à tomber sur le disque et la proto-étoile qui grossissent. À un moment, les températures au centre de la proto-étoile permettent l'allumage des réactions de fusionfusion thermonucléaire et une étoile est née.
Ce scénario est simple mais il cache des zones d'ombre que l'on aimerait mieux comprendre, par exemple en ce qui concerne la massemasse et l'épaisseur du disque protoplanétaire qui s'est formé et où vont donc naître les planètes, ainsi que la façon dont la proto-étoile et l'étoile se débarrassent d'une partie du moment cinétique initial. On a découvert ce problème avec le Système solaire car le Soleil tourne trop lentement sur lui-même dans le scénario initial de Kant-Laplace, ce qui l'avait fait rejeter au XIXe siècle. On explique aujourd'hui ce ralentissement en faisant notamment intervenir des jets de matièrematière qui emportent du moment cinétique et que l'on observe bel et bien.
Vandam fournit justement des informations pour mieux répondre à toutes ces questions. C'est ce qu'explique l'astronome John Tobin qui a mené l'équipe de recherche : « Cette campagne d'observations a révélé la masse et la taille moyennes des très jeunes disques protoplanétaires. Nous pouvons désormais les comparer à des disques plus anciens qui ont également fait l'objet d'études approfondies avec Alma ».
Les chercheurs ont ainsi notamment découvert, comme l'explique le communiqué du NRAO, que les très jeunes disques peuvent être de taille similaire, mais sont en moyenne beaucoup plus massifs que les disques plus anciens. John Tobin précise donc que « Lorsqu'une étoile grandit, elle ronge de plus en plus de matière de son disque. Cela signifie que les disques plus jeunes contiennent beaucoup plus de matériaux à partir desquels les planètes pourraient naître. Des planètes probablement grosses commencent déjà à se former autour de très jeunes étoiles ».