En vue de la mission Europa Clipper qui débutera d'ici quelques années, les scientifiques explorent en détail les photographies de la lune jovienne collectées par la sonde Galileo il y a 20 ans. Celles-ci révèlent le délicat relief des lignes qui strient sa surface.


au sommaire


    De longues avenues vides sillonnent des étendues de silicatesilicate. Durant près de huit ans, de 1995 à 2003, la sonde Galileo a arpenté le système jovienjovien, survolant par 11 fois Europe, l'une des quatre spectaculaires lunes galiléennes de la géante de gaz. Au cours de son survolsurvol du 26 septembre 1998, la sonde a pu capturer des images détaillées de sa surface craquelée, images aujourd'hui revisitées par les scientifiques en prévision de la future mission Europa Clipper.

    Magnifiques détails de cette région chaotique à la surface d'Europe. Image retravaillée prise par Galileo en 1998. © Nasa, JPL-Caltech, SETI Institute
    Magnifiques détails de cette région chaotique à la surface d'Europe. Image retravaillée prise par Galileo en 1998. © Nasa, JPL-Caltech, SETI Institute

    Une géologie atypique

    Les trois images de GalileoGalileo actuellement étudiées par les chercheurs de la Nasa ont originellement été capturées en noir et blanc, puis minutieusement colorisées par des techniciens à l'aide de photos basse résolutionrésolution de ces mêmes régions. Les couleurs sont exagérées afin de permettre aux géologuesgéologues planétaires d'analyser en détail la composition chimique des roches à la surface. Tandis que les zones claires indiquent la présence d'eau glacée, les stries rougeâtres comportent une plus grande diversité de matériaux, dont des silicates.

    Ce treillistreillis géologique raconte l'histoire de la formation de cette surface jeune de seulement 40 à 90 millions d'années. (La lune elle-même aurait pris forme avec le Système solaire, il y a 4,6 milliards d'années.) Les lignes, ou lineae, qui marbrent Europe s'étendent sur plusieurs milliers de kilomètres, mais ne s'élèvent guère qu'à quelques centaines de mètres. Les chercheurs présument qu'elles seraient le résultat de l'étirement de la surface sous l'influence de l'attraction gravitationnelle de JupiterJupiter. D'autres régions, qualifiées de « terrain de chaos », présentent des blocs de roches aux configurations étranges. Comme les pièces d'un puzzle que l'on aurait mélangées, ceux-ci se sont inclinés ou ont changé de direction avant de geler dans leur nouvelle position, de telle sorte que la continuité des motifs qu'ils présentent est comme brisée d'un bloc à l'autre.

    Détails de la région d'Agenor Linea à la surface d'Europe, à 40,7° de latitude sud et 142,4° de longitude est. La résolution est de 222 mètres par pixel. © Nasa, JPL-Caltech, Seti Institute
    Détails de la région d'Agenor Linea à la surface d'Europe, à 40,7° de latitude sud et 142,4° de longitude est. La résolution est de 222 mètres par pixel. © Nasa, JPL-Caltech, Seti Institute

    Europa Clipper, retour vers la lune

    « Nous n'avons vu qu'une infime partie de la surface d'Europe à cette résolution pour l'instant », explique Cynthia Phillips, géologue planétaire au Jet Propulsion LaboratoryJet Propulsion Laboratory de la Nasa. C'est alors que Europa ClipperEuropa Clipper entre en scène. Destinée à un lancement en 2023-2025, la sonde spatiale effectuera plusieurs dizaines de survols d'Europe afin d'étudier l'océan que l'on devine sous son épaisse croûtecroûte glacée, et son interaction avec la surface, la plus lisse du Système solaire.

    Trois régions d'Europe, revisitées par les chercheurs du JPL, le <em>Jet Propulsion Laboratory</em> de la Nasa. © Nasa, JPL-Caltech
    Trois régions d'Europe, revisitées par les chercheurs du JPL, le Jet Propulsion Laboratory de la Nasa. © Nasa, JPL-Caltech

    Saisissante image d'Europe, satellite de Jupiter

    Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman, publié le 29 novembre 2014

    Ce portrait d'Europe par Galileo a été retravaillé à partir d'anciennes photographiesphotographies pour lui donner un aspect comparable à ce qu'un œilœil humain pourrait découvrir en se rendant sur place. Gravitant autour de Jupiter, cette lune découverte en 1610 par GaliléeGalilée se présente comme un monde fascinant émaillé de fractures. Sous sa surface gelée se cacherait un immense océan d'eau liquideliquide salée considéré comme potentiellement habitable.

    Dans notre Système solaire, de nombreux scientifiques estiment que la Terre ne serait pas le seul monde habitable. L'un des candidats les plus sérieux, présentant des conditions potentiellement favorables à la vie, n'est autre que l'intrigant Europe, satellite galiléen de 3.121 km de diamètre, gravitant à quelque 671.000 km de Jupiter et distant de plusieurs centaines de millions de kilomètres de notre douce biosphèrebiosphère.

    Après de premières approches par de nombreuses sondes spatiales, notamment Voyager I et II (en 1979) dont les images et les données ont éveillé la curiosité des chercheurs, la planète géanteplanète géante et ses principales lunes reçurent la visite exclusive de la mission Galileo, entre 1995 et 2003. Celle-ci survola plusieurs fois Europe et fit découvrir aux habitants de la Terre, ébahis, la diversité de ses terrains, un monde glacé, loin d'être lisse et figé comme l'ont démontré les fractures qui zèbrent sa surface laquelle arbore des paysages et des caractéristiques géologiques insoupçonnées. Mais que cache son épaisse banquisebanquise qui se brise régulièrement, en proie, semble-t-il, à une tectonique des glaces, à l'instar d'Encelade (petit satellite de SaturneSaturne) ? Vraisemblablement un océan d'eau liquide, répondent les chercheurs. En tout cas, les indices sont nombreux. Aussi, s'interrogent-ils sur son habitabilité, car, en effet, tous les ingrédients (énergieénergie, eau liquide, nutrimentsnutriments) y seraient réunis...

    Nouveau point de vue sur Europe

    Cette image « remastérisée » (en haut de l'article) pour notre plus grande joie était à l'origine une mosaïque de clichés en basse résolution capturée par l'instrument SSI (Solid-State Imaging) de la sonde spatiale américaine, au cours de son premier survol en 1995 et du quatorzième, en 1998. Ce portrait d'Europe a été retraité afin d'apparaître tel qu'un œil humain le verrait dans la réalité, si il avait la chance de s'en approcher. La résolution augmentée est à présent de 1,6 km par pixelpixel. Cette retouche inclut un remplissage des lacunes qui tient compte des couleurs et terrains de l'environnement.

    Le pôle Nord de la deuxième lune galiléenne est ici présenté à droite. Nous avons donc au centre, de haut en bas, la ceinture équatoriale qui, comme on peut le constater, est émaillée d'innombrables lignes tortueuses rouges et ocreocre -- celles-ci semblent accumuler des matériaux issus des profondeurs --, au contraire des deux pôles dominés par des couleurs plus froides. Le bleu témoigne d'une glace d'eau pure alors que le rouge reflète plutôt son absence et une densité importante d'éléments non aqueuxaqueux. La taille et la densité des grains ou blocs de glace semblent expliquer les dégradés du bleu au blanc, du pôle vers l'équateuréquateur pour chaque hémisphère.

    Mosaïque d’images d’origine d’Europe, l’un des plus grands satellites naturels de Jupiter, réalisée à partir du premier et du quatorzième survol de Galileo, respectivement en 1995 et 1998. Les photographies ont été prises à travers des filtres vert, violet et proche infrarouge, et les couleurs ont été volontairement exagérées pour mettre en évidence les contrastes géologiques et les différents matériaux qui s’accumulent dans ces fissures caractéristiques. Lors de sa publication en 2001, une étude estimait l’âge de sa surface à environ 30 millions d’années. La visite de la sonde <a title="Juice, la mission européenne vers Jupiter, prend forme" target="_blank" href="//www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronautique-juice-mission-europeenne-vers-jupiter-prend-forme-44869/">Juice</a>, à l’horizon 2030, permettrait de « renifler » les <a title="Hubble révèle des panaches d'eau de 200 km de hauteur sur Europe" target="_blank" href="//www.futura-sciences.com/magazines/espace/infos/actu/d/astronomie-hubble-revele-panaches-eau-200-km-hauteur-europe-50908/">jets de vapeur</a> et de mieux caractériser cette lune potentiellement habitable. © Nasa, JPL, <em>University of Arizona</em>
    Mosaïque d’images d’origine d’Europe, l’un des plus grands satellites naturels de Jupiter, réalisée à partir du premier et du quatorzième survol de Galileo, respectivement en 1995 et 1998. Les photographies ont été prises à travers des filtres vert, violet et proche infrarouge, et les couleurs ont été volontairement exagérées pour mettre en évidence les contrastes géologiques et les différents matériaux qui s’accumulent dans ces fissures caractéristiques. Lors de sa publication en 2001, une étude estimait l’âge de sa surface à environ 30 millions d’années. La visite de la sonde Juice, à l’horizon 2030, permettrait de « renifler » les jets de vapeur et de mieux caractériser cette lune potentiellement habitable. © Nasa, JPL, University of Arizona

    Juice, un projet européen de mission vers Europe

    Au vu de ses reliefs variés qui ne sont que la partie émergée de l'iceberg (enfin d'Europe...), les scientifiques rêvent bien sûr d'une mission entièrement dédiée à son exploration. En orbiteorbite et, mieux encore, au sol et dans ses abysses, terraterra incognita du XXIe siècle. Mais cela reste une opération complexe et très coûteuse qui va nous obliger à patienter quelques décennies.

    Réjouissons-nous cependant, car nous avons appris, ce 27 novembre 2014, que Juice (JUpiter ICy moons Explorer) a reçu le feufeu vert de l'agence spatiale européenneagence spatiale européenne (Esa) pour la prochaine étape de son développement. Si tout va bien, la sonde spatiale devrait s'élancer de la Terre en 2022 pour atteindre Jupiter en 2030 et procéder à l'étude, entre autres, des trois lunes glacées Europe, GanymèdeGanymède et CallistoCallisto. De son côté, la Nasa lance un appel à idées et réfléchit à un atterrisseur (vous pouvez lire la présentation, en anglais, de Europa Lander et également voir Europa Ocean World, une vidéo de la Nasa -- en anglais -- sur les bonnes raisons d'explorer Europe).