On se souvient de l’annonce spectaculaire en décembre 2013 de l’observation par le télescope Hubble de deux panaches de vapeur d’eau de 200 km de hauteur s’élevant de l’hémisphère sud d’Europe. Se pouvait-il que cette lune mythique de Jupiter soit aussi active qu’Encelade (autour de Saturne) et ses geysers ? L’analyse des observations faites par Cassini lors de son survol d’Europe, avant qu’il ne se dirige vers Saturne, suggère à présent que tel n’est pas le cas.

Comme nous l'avait expliqué André Brahic lors d'une précédente interview, la diversité des mondes du Système solaire a beaucoup surpris les planétologues quand sont arrivés les résultats des observations des missions Voyager. Les deux découvertes les plus emblématiques des deux sondes étant probablement, d'une part celle des volcans sur Io et d'autre part, celle de l'existence probable d'un océan d'eau liquide sous la banquise d'Europe. Des satellites naturels de Jupiter dans les deux cas. La mission Cassini -- autour de Saturne -- n'a elle aussi pas déçu, notamment avec l'étonnante observation des geysers d’Encelade.

On sait que des quantités importantes de vapeur d'eau sont émises par cette lune de Saturne, car elles alimentent un tore dense et froid de matière coïncidant avec l'orbite d'Encelade. On détecte sa présence depuis 10 ans grâce aux observations de l'instrument ultraviolet imaging spectrograph (Uvis) équipant la sonde Cassini. Le gaz de ce tore freine localement les électrons du plasma dans la magnétosphère autour de Saturne qui est, par conséquent, à plus basse température à cet endroit. Les chercheurs de la Nasa se sont demandé s'ils ne pouvaient pas utiliser les observations faites par Cassini avec Uvis pour mettre en évidence un tore similaire autour de Jupiter. La sonde avait en effet survolé Europe en 2001, avant de rejoindre Saturne en 2014 et larguer le module Huygens pour une descente dans l'atmosphère de Titan où il a finalement atterri le 14 janvier 2005.

Une vue d’artiste en coupe de la banquise d’Europe. Des diapirs de glace salée sont en train de remonter à droite. Io est bien visible en éruption, à gauche de Jupiter. Un cryovolcan est actif à gauche sur la surface d’Europe. © Nasa, JPL-Caltech

Une vue d’artiste en coupe de la banquise d’Europe. Des diapirs de glace salée sont en train de remonter à droite. Io est bien visible en éruption, à gauche de Jupiter. Un cryovolcan est actif à gauche sur la surface d’Europe. © Nasa, JPL-Caltech

Europe et Encelade, principales cibles pour les exobiologistes

L'intérêt pour Europe ne cesse de grandir depuis quelques années, car il se pourrait bien que ce satellite de Jupiter soit l'endroit le plus approprié pour faire faire à l'exobiologie un bond de géant, à savoir la mise en évidence pour la première fois, de l'existence de formes de vie en dehors de la Terre.

Selon Freeman Dyson, il suffirait d'ailleurs pour cela d'aller examiner de plus près quelques blocs de glace éjectée par des impacts de météorites sur la surface d'Europe et en orbite rapprochée autour de cette lune. La découverte par Hubble de panaches de vapeur qui se sont élevés de la surface d'Europe, en décembre 2013 a laissé penser qu'échantillonner l'océan sous sa banquise, à la recherche de biosignatures serait bien plus facile qu'on ne l'imaginait.

Malheureusement, les chercheurs de la Nasa viennent de faire savoir qu'ils n'avaient pas trouvé la trace d'un tore de plasma froid autour de Jupiter, associé à Europe. Celui qu'ils ont observé est chaud et provient indirectement de l'activité d'Io. Ils n'ont pas découvert non plus, la présence de molécules d'oxygène en grandes quantités dans l'atmosphère de la lune glacée de Jupiter. Enfin, alors que l'on pensait que la densité de cette atmosphère était déjà considérablement plus faible que celle de la Terre, elle apparait en réalité 100 fois plus faible que celle que l'on avait estimée.

Toutes ces données suggèrent donc fortement que les panaches observés par Hubble en 2013 sont en réalité peu fréquents et particulièrement intermittents, de sorte que les quantités d'eau éjectées d'Europe sont vraiment faibles comparées à celle d'Encelade. Finalement, c'est peut-être à une mission comme celle de Jet (Journey to Enceladus and Titan) que reviendra la timbale de la découverte des premières biosignatures extraterrestres dans notre Système solaire.