Il n’y a pas que les planètes qui ont des atmosphères. Les étoiles aussi. Celle de notre Soleil commence à livrer ses secrets. Pour les autres étoiles, l’exploration est plus délicate. Des astronomes viennent d’établir la carte la plus détaillée à ce jour de celle d’Antarès, l'étoile la plus brillante du Scorpion. Et elle nous réserve quelques surprises.
au sommaire
Antarès est la supergéante rouge la plus proche de la Terre. À quelque 550 années-lumière, en direction de la constellation du Scorpion. Ses caractéristiques donnent le tournis. Une masse comprise entre 15 et 18 fois celle de notre Soleil. Et surtout un rayon -- dans le domaine du visible -- de quelque 700 fois celui de notre étoile pour une luminositéluminosité dans le spectrespectre de visible 10.000 fois supérieure.
Antarès, c'est malgré tout, une étoile relativement froide. En fin de vie. Que les astronomesastronomes s'attendent à voir prochainement -- à l'échelle de l'UniversUnivers en tout cas -- s'effondrer en supernovasupernova, à l'instar de Bételgeuse (qui a beaucoup fait parler d'elle cet hiverhiver). Elle projettera alors dans son environnement des éléments essentiels au développement de la vie. Et c'est dans l'espoir de mieux comprendre ce phénomène qu'une équipe internationale de chercheurs a récemment travaillé à la caractérisation de son atmosphèreatmosphère.
Le saviez-vous ?
Le nom de l'étoile la plus brillante du Scorpion, Antarès marie anti et Arès pour « rivale de Mars ». Arès était, pour rappel le dieu de la Guerre dans la mythologie grecque. C'est son éclat rougeoyant comparable à celui de la planète Mars qui lui a valu ce nom. Les deux astres sont cependant très différents, l'un apparaissant fixe (comme toutes les étoiles) dans le ciel, et l'autre, notre voisine la planète rouge, se déplace par rapport aux étoiles (asterres planetes pour astre errant).
Les oreilles du Grand réseau d'antennes millimétrique/submillimétrique de l'Atacama (Alma, Chili), tendues sur des longueurs d'ondelongueurs d'onde relativement courtes, ont permis de cartographier la zone la plus près de la photosphèrephotosphère d'Antarès. La partie de son atmosphère la plus proche de sa surface. Les oreilles du Très grand réseau Karl-G.-Jansky (VLA, États-Unis), concentrées sur des longueurs d'onde plus longues, ont, quant à elles, révélé une partie de l'atmosphère d’Antarès plus éloignée. S'étendant jusqu'à 12 fois son rayon.
La surprenante chromosphère d’Antarès
Parmi les résultats les plus marquants publiés par l'équipe d'astronome : ceux donnant les caractéristiques de la chromosphèrechromosphère d'Antarès. Elle s'étend jusqu'à 2,5 fois le rayon de l'étoile - contre 1/200 fois son rayon pour notre Soleil. Et sa température -- contrairement à ce que laissaient supposer de précédentes observations dans l'optique et l'ultravioletultraviolet qui la voyait plus élevée -- culmine à quelque 3.500 °C -- alors que celle de notre Étoile peut atteindre 20.000 °C. Mais les astronomes pensent que l'atmosphère d'Antarès, comme celle des autres supergéantes rougessupergéantes rouges, est inhomogène. Qu'elle présente des points chaudspoints chauds et des points froids. Ainsi que des points tièdes que cette étude au radiotélescoperadiotélescope a permis de mettre en lumière.
Ces travaux ont aussi, pour la première fois, fait apparaître une nette distinction entre la chromosphère et la région où les vents stellaires commencent à se former. L'image du VLA montre d'ailleurs une énorme rafale soufflée par Antarès et éclairée par sa compagne, Antarès B, une étoile plus modeste, mais plus chaude.
“Une idée de la façon dont les vents stellaires se forment.”
Alors que pour le commun des mortels, les étoiles restent semblables à des points lumineux dans le ciel, les astronomes sont aujourd'hui proches de pouvoir cartographier dans le détail leurs atmosphères. Une avancée tant technologique que conceptuelle majeure. « La connaissance des tailles et des températures réelles des différentes zones de l'atmosphère d'Antarès nous donne une idée de la façon dont ces énormes ventsvents commencent à se former et de la quantité de masse qui est éjectée », commente Graham Harper, astrophysicienastrophysicien à l'université du Colorado, dans le communiqué de l’Observatoire national de radioastronomie.
Une image à couper le souffle de la supergéante rouge Antarès
Visible l'été, vers le sud, reconnaissable à sa teinte rouge, l'étoile Antarèsétoile Antarès est passée devant un des meilleurs photographes du monde : le VLTI, qui combine la luminosité collectée par plusieurs télescopes géantstélescopes géants. Le résultat est un portrait sans précédent, offrant une cartographie des gazgaz en mouvementmouvement à sa surface. C'est la toute première image d'une telle qualité pour une étoile autre que le Soleil.
Article de Xavier DemeersmanXavier Demeersman paru le 24/08/2017
Cet été, vous avez sans doute aperçu Antarès, frémissant au-dessus de l'horizon sud au début de la nuit. L'étoile, une des plus brillantes du ciel en cette période de l'année, arbore une couleurcouleur rouge-orangé qui lui a valu d'ailleurs d'être baptisée dans l'antiquité, la « rivale de Mars », d'où son nom forgé avec anti et Arès, le nom grec de Mars.
Elle brille dans la constellation du Scorpion, non loin (pour nous) du centre de la Voie lactéeVoie lactée. Mais plus pour très longtemps. En effet, la supergéante rouge, environ 700 fois plus grande que notre Soleil s'essouffle... Elle est actuellement plus grande qu'une autre célèbre supergéante rouge, Bételgeuse, dans OrionOrion) et 12 fois plus massive. Au cours de sa vie, relativement courte, l'étoile aurait perdu l'équivalent de trois masses solaires. Plus elle grandit, plus la densité à sa surface diminue, et plus elle se refroidit. Dans peu de temps -- à l'échelle astronomique --, elle deviendra une supernova (effondrementeffondrement de l'étoile sur son cœur). Sans doute, une des prochaines que l'humanité pourra voir.
D’étranges mouvements de gaz détectés sur Antarès
Pour prendre le poulspouls d'Antarès et en savoir un peu plus sur son état et, plus généralement, sur le déclin de ces monstres stellaires, une équipe d'astronomes a pu profiter du puissant interféromètreinterféromètre du VLT (Very Large TelescopeVery Large Telescope). Cet instrument combine la lumière des télescopes géants de l'observatoire du mont Paranal (Chili) pour créer un miroirmiroir virtuel géant de quelque 200 m de diamètre. Grâce à lui, les astronomes ont pu imager et même cartographier en deux dimensions les mouvements à la surface d'Antarès.
Comme l'explique Keiichi Ohnaka, l'auteur principal de l'étude publiée dans Nature (et diffusé par l'ESO), « le processus responsable de la perte de masse si rapide d'étoiles en fin de vie comme Antarès est demeurée incompris durant plus d'un demi-siècle » Aussi, pour tenter de l'éclaircir, qui mieux que le VLTI pouvait le faire ? « Le VLTI est le seul instrument qui nous a permis de mesurer directement les mouvements de gaz au sein de l'atmosphère étendue d'Antarès. »
Animation d’Antarès — l’étoile la plus brillante du Scorpion et 700 fois plus grande que notre Soleil —, et des turbulences à sa surface. © ESO, M. Kornmesser
Donc, grâce au VLTI et aussi à l'instrument Amber (Astronomical Multi-BEam combineR), l'équipe a ainsi pu créer la première carte des « bouillonnements » de gaz dans l'atmosphère d'une étoile autre que le Soleil, et acquérir des images distinctes de sa surface « sur une petite portion du spectre infrarougeinfrarouge », indique un communiqué de l'ESO. Ces données renseignent sur la vitessevitesse des gaz en mouvement, « [...] une étape clé dans la résolutionrésolution de ce problème ».
Les chercheurs ont découvert l'existence de panaches de gaz de faible densité à des distances plus grandes que prévu du centre de la supergéante rouge. Ils ont pu déterminer que ces turbulencesturbulences ne sont pas liées à la convectionconvection à l'intérieur de l'étoile géanteétoile géante. Donc, pour l'instant, leur mécanisme reste une énigme. Bien sûr, pour Keiichi Ohnaka, « le prochain défi consiste à identifier la source de ces mouvements turbulents ». Nul doute que de nouvelles observations sont d'ores et déjà prévues. Satisfait, il conclut : « notre travail offre une nouvelle dimension à l'astrophysiqueastrophysique stellaire et ouvre une nouvelle fenêtrefenêtre d'étude des étoiles ».