Des astronomes ont débusqué un système binaire X avec une orbite bien trop circulaire, qui témoignerait d'une supernova ratée. En outre, ce pourrait être la toute première observation d'un précurseur de kilonova !


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    Alors qu'ils sondaient des données recueillies par le télescope de l'Observatoire interaméricain de Cerro Tololo au Chili, des chercheurs ont découvert un étrange système d'étoile double, identifié comme un binaire X à masse élevée, ou plus exactement Be/X. Il se compose d'une étoile à neutrons, et d'une étoile « Be », très lumineuse, chaude et massive (environ 10 masses solaires). Nommé CPD-29 2176 et situé à 11 400 années-lumière de la Terre, le système a ensuite été scruté en détail par les chercheurs, donnant lieu à une publication dans Nature.

    Ils ont notamment regardé via la spectroscopie la « raie He II à 4 686 Å », révélant d'après ses vitessesvitesses radiales un signal périodique se répétant tous les 59,5 jours. Mais surtout, les calculs des astronomesastronomes ont montré que l'orbiteorbite de ce système était bien plus circulaire que ce qui était attendu ! Car, dans ce type de binaire, l'orbite est en générale très excentrique. La seule explication possible : l'une des deux est une supernova ratée !

    Une illustration du système stellaire binaire CPD-29 2176, avec une étoile à neutrons (la plus petite), et une étoile bleue de type Be. © NOIRLab, NSF, Aura, J. da Silva, Spaceengine
    Une illustration du système stellaire binaire CPD-29 2176, avec une étoile à neutrons (la plus petite), et une étoile bleue de type Be. © NOIRLab, NSF, Aura, J. da Silva, Spaceengine

    Seulement 10 systèmes similaires dans toute la galaxie

    Dans le cas d'une supernovasupernova classique, lorsque l'étoile massive arrive en fin de vie, elle explose violemment et éjecte alors ses couches supérieures à grande vitesse, tandis que son noyau se contracte sur lui-même. Dans le cas où elle se trouve initialement dans un système double, la force de l'explosion est telle que l'étoile compagne est elle aussi expulsée hors du système.

    Une supernova ratée, appelée supernova dépouillée dans l'étude se produit lorsque la majorité des couches externes de l'étoile en fin de vie a été absorbée par son étoile compagne avant l'explosion. L'étoile devient alors une étoile à héliumhélium, de faible masse, tandis que sa compagne grossit. La déflagration résultante qui s'ensuit ne suffit pas à éjecter sa voisine stellaire, même si l'étape d'effondrement gravitationnel du noyau a bien lieu. On se trouve alors avec une étoile à neutrons accompagné d'une étoile massive, le tout dans une orbite toujours circulaire.

    « L'étoile à neutrons actuelle devrait se former sans éjecter sa compagne du système. Une supernova ultra-dépouillée est la meilleure explication de la raison pour laquelle ces étoiles compagnes sont sur une orbite si étroite, a déclaré Noël D. Richardson, premier auteur de l'étude, dans un communiqué de Noirlab. L'étoile était tellement épuisée que l'explosion n'avait même pas assez d'énergieénergie pour lancer l'orbite dans la forme elliptique plus typique vue dans des binaires similaires. »

    L'évolution du système stellaire CPD-292176. Au départ, en 1, on a deux étoiles bleues massives, puis l'une devient petit à petit une supernova ratée, en 5, que les astronomes observent actuellement. La deuxième étoile subira le même sort, puis les deux étoiles à neutrons résultantes fusionneront en produisant une kilonova en 9. © CTIO, NOIRLab, NSF, Aura, P. Marenfeld
    L'évolution du système stellaire CPD-292176. Au départ, en 1, on a deux étoiles bleues massives, puis l'une devient petit à petit une supernova ratée, en 5, que les astronomes observent actuellement. La deuxième étoile subira le même sort, puis les deux étoiles à neutrons résultantes fusionneront en produisant une kilonova en 9. © CTIO, NOIRLab, NSF, Aura, P. Marenfeld

    C'est la première fois qu'un tel système est observé. Et pour cause, il n'en existerait qu'une dizaine d'autres dans toute la galaxiegalaxie ! Pour s'en assurer, les chercheurs ont examiné une multitude de modèles d'évolution d'étoiles binaires« Nous savons que la Voie lactéeVoie lactée contient au moins 100 milliards d'étoiles et probablement des centaines de milliards d'autres. Ce système binairesystème binaire remarquable est essentiellement un système à un sur dix milliards, a déclaré André-Nicolas Chené, coauteur de l'étude. Avant notre étude, l'estimation était que seuls, un ou deux de ces systèmes devraient exister dans une galaxie spiralegalaxie spirale comme la Voie lactée ».

    Le tout premier précurseur de kilonova

    L'équipe s'est ensuite concentrée sur le futur et le passé de ce curieux système binaire. Selon eux, tel qu'il est observé, CPD-29 2176 correspond à seulement quelques millions d'années après la supernova dépouillée. Actuellement, l'étoile Beétoile Be perd petit à petit de sa masse, aspirée par sa compagne étoile à neutrons. D'ici un million d'années, elle deviendra à son tour une étoile à hélium, puis une étoile à neutrons après une faible explosion de supernova. Enfin, encore quelques millions d'années plus tard, les deux étoiles fusionneront, donnant ce que l'on appelle une kilonova.

    L'origine astrophysique des éléments de la table périodique. Ceux créés par des kilonovas sont ceux correspondant à « <em>merging neutron star </em>», et comprennent notamment l'argent et l'or. © Nasa
    L'origine astrophysique des éléments de la table périodique. Ceux créés par des kilonovas sont ceux correspondant à « merging neutron star », et comprennent notamment l'argent et l'or. © Nasa

    Ces fusionsfusions d'étoiles à neutrons dégagent une énergie colossale, émettant des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles et déclenchant des sursauts gamma. L'énergie libérée est telle que les kilonovas envoient des neutrons sur des atomesatomes lourds allant jusqu'au ferfer, produits dans le coeur des étoiles. Les neutrons sont alors capturés par ces noyaux atomiques, produisant ainsi des éléments encore plus lourds, et riches en neutrons ! Ce n'est que depuis quelques années que l'on sait que ce sont les kilonovas qui ont permis leur création.

    Jusqu'à aujourd'hui, des kilonovas avaient été observées grâce à la détection de ces sursautssursauts gamma et des ondes gravitationnelles. C'est ainsi la première fois que des chercheurs se trouvent face à un précurseur de l'événement ! « Pendant un certain temps, les astronomes ont spéculé sur les conditions exactes qui pourraient éventuellement conduire à une kilonova, a déclaré l'astronome André-Nicolas Chené, coauteur de l'étude. Ces nouveaux résultats démontrent que, dans au moins certains cas, deux étoiles à neutrons sœurs peuvent fusionner lorsque l'une d'elles a été créée sans explosion de supernova classique ».