Pluies de diamants, eau super-ionique… Plusieurs hypothèses ont déjà été avancées pour tenter d’expliquer le champ magnétique des deux géantes de glace du Système solaire : Uranus et Neptune. C’est cependant une tout autre explication qui vient d’être publiée dans un nouvel article. Ce champ magnétique serait en fait lié à une structure interne bien spécifique.


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    Que se cache-t-il sous l'épaisse atmosphèreatmosphère des géantes gazeuses ? Mystère.

    Si la structure interne des planètes rocheusesplanètes rocheuses commence à être bien comprise, notamment grâce à l'étude approfondie de la Terre et des sondes envoyées vers Mercure, VénusVénus et Mars, celle des planètes gazeuses reste très mal contrainte. Difficile en effet de percer l’épaisse enveloppe de gaz qui entoure Jupiter, SaturneSaturne, UranusUranus et NeptuneNeptune. Des observations révèlent d'ailleurs qui si JupiterJupiter et Saturne semblent avoir une composition (et peut-être une structure) assez similaire, Uranus et Neptune forment un binôme à part. Ces deux planètes à la couleur bleutée appartiennent en effet à la catégorie des géantes de glace. Contrairement à Jupiter et Saturne, elles ne sont pas composées principalement d'hydrogène et d'hélium, mais plutôt de méthane, d'ammoniac et d'eau. Les observations et modélisationsmodélisations suggèrent d'ailleurs la présence d'autres éléments relativement « lourds » comme le carbonecarbone, l'azoteazote, l'oxygèneoxygène et le soufresoufre.

    Mais comment ces éléments sont-ils distribués au sein de ces deux planètes ? Voilà une question qui intrigue depuis longtemps les scientifiques. D'autant plus qu'une autre observation questionne : la sonde Voyager 2Voyager 2, lors de son passage à proximité des deux géantes de glace dans les années 1980, a en effet mesuré leur champ magnétiquechamp magnétique, qui s'avère étonnamment faible et non dipolaire. Une spécificité qui n'était pas attendue et que les scientifiques pensent être liée à la structure interne des deux planètes.

    Quelle structure interne se trouve sous l'épaisse couche nuageuse d'Uranus ? © JPL, Nasa
    Quelle structure interne se trouve sous l'épaisse couche nuageuse d'Uranus ? © JPL, Nasa

    Uranus et Neptune : un champ magnétique étonnamment faible et désorganisé

    Pour rappel, le champ magnétique d'une planète est créé par un effet dynamoeffet dynamo, qui trouve son origine dans le déplacement de massesmasses conductrices. Sur Terre, c'est ainsi le noyau externe composé d'un alliagealliage de ferfer liquideliquide, qui, animé de puissants courants de convectionconvection, génère un fort champ magnétique dipolaire. Comme un gigantesque aimantaimant, la Terre possède ainsi un pôle Nord et un pôle Sud magnétiques. Une caractéristique que ne possèdent pas Uranus et Neptune, malgré leurs masses bien plus imposante que celle de la Terre. Leur champ magnétique apparaît en effet faible et désorganisé, suggérant qu'il n'existe en leur sein aucune convection de matériel suffisamment importante pour permettre la génération d'un champ dipolaire.

    Le champ magnétique terrestre s'organise globalement de façon dipolaire, ce qui n'est pas le cas d'Uranus et Neptune. © helenos, Adobe Stock
    Le champ magnétique terrestre s'organise globalement de façon dipolaire, ce qui n'est pas le cas d'Uranus et Neptune. © helenos, Adobe Stock

    L'une des solutions précédemment avancées pour expliquer cette observation était que les deux planètes possédaient des niveaux internes qui n'étaient pas misciblesmiscibles, empêchant ainsi la mise en route d'un système convectif de grande ampleur. La convection au sein de chaque niveau pourrait par contre être à l'origine du champ magnétique non dipolaire. Une hypothèse purement théorique qui vient cependant d'être appuyée par une nouvelle étude, publiée dans la revue Pnas.

    Deux couches fluides incapables de se mélanger

    Grâce à des simulations numériquessimulations numériques reposant sur les données de composition connues de Neptune et Uranus, une équipe de chercheurs a en effet montré que ces géantes de glace se structuraient en plusieurs niveaux de composition différente, incapables de se mélanger sous les conditions dantesques régnant en leur sein (3,4 millions de fois la pression atmosphériquepression atmosphérique sur Terre et une température de plus de 4 400 °C).

    Sous la couche de nuagesnuages d'hydrogène et d'hélium les entourant, se trouverait ainsi un premier niveau composé d'eau et hydrogène liquide, puis un niveau plus profond représenté par un mélange fluide de carbone, azote et hydrogène. Ces deux niveaux feraient environ 8 000 kilomètres d'épaisseur chacun. Tout au centre, se trouverait un « petit » noyau solidesolide, de la taille de Mercure. « Nous avons désormais une bonne théorie permettant d'expliquer pourquoi Uranus et Neptune ont un champ magnétique très différent de la Terre, de Jupiter et de Saturne, explique Militizer, professeur à l'université de Berkeley et auteur principal de l'étude, dans un communiquéC'est comme de l'huile et de l'eau [qui nécessairement forment deux phases différentes], sauf que dans ce cas, le niveau d'huile se situe en bas. »

    Modèle proposé pour la structure interne d'Uranus et Neptune. Les deux géantes de glace possèderaient chacune deux niveaux fluides, le premier principalement composé d'eau, animé de courants de convection, et un second riche en hydrocarbures, inactif. La non-miscibilité de ces deux couches serait à l'origine de l'absence d'un champ magnétique dipolaire. © Burkhard Militzer, <em>UC Berkeley</em>
    Modèle proposé pour la structure interne d'Uranus et Neptune. Les deux géantes de glace possèderaient chacune deux niveaux fluides, le premier principalement composé d'eau, animé de courants de convection, et un second riche en hydrocarbures, inactif. La non-miscibilité de ces deux couches serait à l'origine de l'absence d'un champ magnétique dipolaire. © Burkhard Militzer, UC Berkeley

    Les modèles suggèrent que le niveau riche en eau serait bien animé de convection, générant un petit champ magnétique désordonné, alors que le niveau riche en carbone serait, au contraire, bien stratifiéstratifié et totalement inactif.

    L'objectif, désormais, est de tester cette hypothèse en laboratoire, en reproduisant les hautes pressions et températures qui règnent à l'intérieur de ces planètes.