En observant le disque de poussières autour de la jeune étoile SZ Chamaeleontis (SZ Cha) à l’aide des téléscopes spatiaux Spitzer et James-Webb, une équipe d’astronomes ont remarqué de brusques changements en l’espace de seulement quinze ans, au fur et à mesure que des planétoïdes se forment dans ce jeune système planétaire. La faute à la dynamique du disque protoplanétaire naissant, encore très erratique. Les auteurs estiment que l’étude de cette jeune étoile et de son disque de poussières peut nous permettre de mieux comprendre la formation et l’évolution de notre Système solaire.
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D'après les modèles les plus communément considérés par les scientifiques, une étoile naît généralement à partir d'un gigantesque nuage de gaz interstellaire principalement composé d'hydrogène et d'hélium, les deux éléments les plus abondants dans l'Univers. De faibles variations de densité au sein du nuagenuage entraînent ce que l'on appelle un effondrementeffondrement gravitationnel : le nuage commence à se contracter sur lui-même, les gaz étant attirés vers le centre pour former la jeune étoile. Si la très grande partie des gaz du nuage se retrouve agglutinée au centre, dans l'étoile (notre SoleilSoleil représente à lui seul 99 % de la massemasse du Système solaireSystème solaire), le reste se met à tournoyer autour, formant ce que les astronomesastronomes appellent le disque protoplanétairedisque protoplanétaire. En quelques millions d'années, les gaz et les poussières qui composent le disque protoplanétaire commencent à s'agglomérer au fil de collisions successives. Les poussières s'agrandissent en blocs de plus en plus gros, jusqu'à former des planétésimaux -- des embryonsembryons de planètes qui évoluent dans un disque protoplanétaire.
Selon les scientifiques, c'est également le scénario qui semble s'être déroulé il y a environ 4,6 milliards d'années, lorsque notre Soleil est né d'un nuage interstellairenuage interstellaire. Le disque protoplanétaire qui en a résulté a formé en quelques millions d'années les planètes que l'on connaît aujourd'hui de notre Système solaire, et tous les ingrédients qui ont par la suite formé la Terre (et permis l'apparition de la vie) étaient déjà présents au sein de ce disque ; mais notre compréhension de la formation et de l'évolution de notre Système solaire demeure cependant très imprécise. Pour tenter de mieux comprendre ses origines, les astronomes cherchent à observer des systèmes stellairessystèmes stellaires naissants dans l'Univers, afin d'en tirer d'éventuelles analogiesanalogies avec le nôtre.
Cette animation montre l'évolution d'un disque protoplanétaire autour d'une étoile. Des trous apparaissent au fur et à mesure que les planètes se forment, agglutinant les gaz et les poussières. © ExploreAstro
La naissance d’un système stellaire à quelques centaines d’années-lumière de nous
Si le télescope spatial James-Webb est aujourd'hui la star des observatoires spatiaux scrutant les confins de l'Univers, d'autres télescopestélescopes l'ont précédé, et les découvertes qu'ils ont permis de réaliser ne sont pas éclipsées par celles réalisées grâce à leur grand frère. C'est notamment le cas du télescope spatial Spitzer (Space Infrared Telescope Facility) de la NasaNasa, lancé en 2003, qui a entre autres effectué la première observation en direct du processus de formation de planètes dans un disque protoplanétaire autour d'étoiles similaires au Soleil. Parmi ces systèmes stellaires naissants observés, les astronomes s'étaient penchés sur la jeune étoile SZ Chamaeleontis (SZ Cha), située à environ 500 années-lumièreannées-lumière de nous dans la constellationconstellation du Caméléon et entourée d'un disque de poussières -- un disque protoplanétaire.
Si la formation de systèmes planétaires n'est pas rare dans l'Univers, dénicher un système planétaire en formation reste en revanche une prouesse, et l'observation des phénomènes qui y ont lieu est précieuse pour les astronomes. En analysant les données récoltées par le télescope spatial Spitzertélescope spatial Spitzer courant 2008 lorsqu'il observait SZ Chamaeleontis, les scientifiques ont détecté la présence surprenante de neon III, l'un des isotopesisotopes naturels du néonnéon. Ils présentaient leurs analyses en 2013 dans la revue The Astrophysical Journal. Les scientifiques étaient surpris de leur découverte car, sur la soixantaine de disques protoplanétaires caractérisés à l'époque, SZ Chamaeleontis était le seul à présenter une concentration en néon III aussi élevée, quand les autres systèmes n'en comportaient que très peu. L'équipe de scientifiques en avait déduit que la présence de néon III dans le système de SZ Chamaeleontis était le signe que le disque protoplanétaire était bombardé majoritairement de rayonnements ultravioletsultraviolets, au contraire des autres systèmes majoritairement touchés par des rayonnements X.
Un indicateur sur l’espérance de vie du disque protoplanétaire
Le type de rayonnement auquel le disque protoplanétaire est majoritairement soumis est crucial pour son évolution : selon les simulations numériquessimulations numériques, un disque dominé par des rayonnements X s'érode beaucoup plus rapidement que lorsqu'il est dominé par des rayonnements ultraviolets. Les planètes sont en quelque sorte dans une course contre la montre pour pouvoir se former avant que le disque ne disparaisse. Dans le système SZ Chamaeleontis en revanche, les modèles numériquesmodèles numériques indiquaient que la domination de rayonnements ultraviolets permettait au moins un million d'années supplémentaires pour la formation de planètes avant que le disque de gaz et de poussières ne s'évapore à jamais.
Si SZ Chamaeleontis sortait déjà du lot lors de son observation par le télescope Spitzer, les scientifiques n'étaient pas au bout de leurs surprises : en observant à nouveau la jeune étoile, cette fois-ci à l'aide du télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb, les astronomes ont été surpris de remarquer que la signature de la présence de néon III dans le système avait presque disparu, seulement quinze ans après les observations réalisées par le télescope Spitzer. Ils présentent leurs nouveaux résultats dans la revue The Astrophysical Journal. Les deux télescopes étant extrêmement performants, les scientifiques avaient écarté la possibilité d'une erreur de mesure.
Autrefois dominé par des rayonnements ultraviolets, le disque protoplanétaire l'est ainsi aujourd'hui par des rayonnements X, limitant le temps disponible pour que des planètes s'y forment. Les chercheurs estiment que les différences de signature de néon dans le système SZ Cha sont le résultat d'un ventvent variable qui, lorsqu'il est présent, absorbe la lumière UV et laisse des rayons Xrayons X. Les vents sont en effet courants dans un système avec une étoile nouvellement formée et énergique ; mais il reste possible d'observer le système pendant une période calme et sans vent -- ce que le télescope Spitzer a fait il y a quinze ans. Les chercheurs prévoient déjà de réaliser de plus amples observations du système ainsi que d'autres jeunes systèmes planétaires afin de mieux comprendre leurs processus de formation. Selon eux, les brèves périodes d'accalmie dans un disque protoplanétaire dominé par des rayonnements ultraviolets pourraient être courantes, mais n'ont que très peu été observées.