En juin dernier, ce sont près de deux kilos de roches de la face cachée de la Lune qui nous sont parvenus grâce à la sonde chinoise Chang’e 6. Une première qui permet aujourd’hui de mieux comprendre l’histoire géologique de la Lune et plus particulièrement l’origine de sa dichotomie.


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    En juin 2024, la Chine a marqué l’histoire de l’exploration spatiale en devenant le premier pays à rapporter des échantillons de la face cachée de la Lune. Après avoir effectué plusieurs forages jusqu'à un mètre de profondeur dans le sol de l'immense bassin d'impact Pôle Sud-Aitken, la sonde Chang'e 6 s'est en effet envolée avec sa précieuse cargaison pour rejoindre la Terre.

    Près de deux kilos de roches lunaires sont ainsi tombés du ciel le 25 juin dernier, clôturant avec succès une mission ambitieuse. Aux scientifiques désormais d'exploiter cette formidable masse de données que vont apporter les analyses de ces échantillons. Et les premiers résultats commencent à arriver.

    La mystérieuse origine de la dichotomie lunaire

    L'objectif de cette mission était de mieux comprendre l’histoire géologique de la face cachée de la Lune, qui intrigue les scientifiques depuis longtemps. Outre le fait que cette face n’est jamais visible depuis la Terre en raison de la rotation synchronesynchrone de la Lune avec sa période de révolution autour de notre Planète, elle présente également une structure crustale et une composition chimique très différentes de celles de la face visible. Cette dichotomie lunaire est notamment marquée par une importante variation du volume de roches volcaniquesroches volcaniques produites au cours de la période d'activité éruptiveéruptive de la Lune. Alors que les basaltesbasaltes recouvrent environ 30 % de la surface visible, formant les vastes régions sombres que nous appelons les « mers lunaires », ils ne sont présents que sur 2 % de la face cachée.

    Comparaison de la morphologie de la surface lunaire entre la face visible à gauche et la face cachée à droite. © Nasa
    Comparaison de la morphologie de la surface lunaire entre la face visible à gauche et la face cachée à droite. © Nasa

    Des basaltes de composition chimique différente

    Une différence notable donc, qui reste encore mal expliquée. Cette dichotomie prend-elle son origine avec la formation même de la Lune ? Ou résulte-t-elle d'un événement ultérieur ? Certaines études suggèrent en effet que l’impact géant ayant produit le bassin Pôle Sud-Aitken pourrait avoir déstabilisé la structure interne du satellite, entrainant une redistribution des éléments chimiques dans le manteaumanteau lunaire et déclenchant un volcanismevolcanisme massif du côté opposé, c'est-à-dire sur la face visible. Les analyses des échantillons rapportés par les missions ApolloApollo et Luna suggèrent ainsi que cette phase d'intense volcanisme se serait produite majoritairement entre 4,2 et 3 milliards d'années, même si des épisodes plus tardifs ont été documentés récemment. On sait également que les basaltes de la face visible possèdent une composition chimique particulière, enrichie en potassiumpotassium (K), en terres raresterres rares (REE) et en phosphorephosphore (P). On parle ainsi d'une source magmatique riche en « KREEP » pour ces basaltes. À l'inverse, le volcanisme de la face cachée proviendrait principalement d'une source appauvrie en KREEP.

    L’hétérogénéité chimique du manteau principal responsable des variations de volume de lave

    Une observation qui vient d'être validée par l'analyse des échantillons rapportés par Chang'e 6 et provenant du bassin Pôle Sud-Aitken. Les résultats, publiés dans la revue Science, révèlent que ces basaltes sont en effet largement appauvris en éléments KREEP. Leur datation donne d'ailleurs un âge de 2,83 milliards d'années, ce qui suggère qu'un volcanisme « tardif » s'est également produit sur la face cachée. Des résultats en accord avec ceux d'un second article publié de façon parallèle dans la revue Nature.

    Plusieurs épisodes volcaniques ont été identifiés sur la face cachée de la Lune : un premier datant de 4,2 milliards d'années associé à un magma enrichi en KREEP, et un second (majoritaire dans le bassin Pôle Sud-Aitken) datant de 2,8 milliards d'années associé à un magma appauvri en KREEP. © Yang Muhan
    Plusieurs épisodes volcaniques ont été identifiés sur la face cachée de la Lune : un premier datant de 4,2 milliards d'années associé à un magma enrichi en KREEP, et un second (majoritaire dans le bassin Pôle Sud-Aitken) datant de 2,8 milliards d'années associé à un magma appauvri en KREEP. © Yang Muhan

    Ces deux études suggèrent donc que la composition du manteau représente certainement l'un des principaux facteurs ayant contrôlé l'activité volcanique sur la Lune. En effet, malgré le fait que le bassin Pôle Sud-Aitken possède une croûtecroûte fine, ce qui habituellement tend à favoriser l'activité magmatique, la présence d'un manteau appauvri aurait au contraire freiné la production de magmamagma.