Lancées en 1977 vers les confins de notre Système solaire, les sondes Voyager 1 et 2 avaient embarqué avec elles le Golden Record – un disque destiné à une éventuelle intelligence extraterrestre contenant diverses informations sur la Terre et l’humanité. Si cette bouteille à la mer interstellaire a très peu de chances d’être trouvée par des êtres extraterrestres, des scientifiques de la Nasa cherchent tout de même à développer une nouvelle version du Golden Record, remis au goût du jour et incluant un langage censé être compréhensible par tous, même par des êtres qui évoluent ailleurs que sur Terre…
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C'est une éternelle question dont la réponse semble presque inatteignable : comment communiquer avec des êtres extraterrestres évolués et intelligents dont nous ne connaissons rien, ni la morphologiemorphologie, ni le langage, ni même les sens qu'ils ont pu développer pour appréhender leur monde ? À l'heure actuelle, nous ne savons même pas s'il existe ou non de la vie ailleurs que sur Terre, encore moins s'il existe d'autres espècesespèces évoluées dans l'Univers. Les scientifiques ne baissent pour autant pas les bras et tentent sans relâche de détecter d'éventuels signes de vie extraterrestre. Pour communiquer avec une éventuelle espèce évoluée ailleurs que dans notre Système solaire, c'est une autre affaire, car nous n'avons aucune idée de la direction vers laquelle nous tourner. Dans les années 1970, le lancement des missions Voyager de la Nasa, destinées à sortir du Système solaire, avait fait naître un espoir chez les scientifiques de pouvoir lancer un message destiné à d'éventuelles espèces intelligentes...
Le Golden Record, une « bouteille à la mer interstellaire »
En 1977, l'Agence spatiale américaine (Nasa) a lancé ses deux sondes Voyager 1Voyager 1 et 2, destinées à l'observation du Système solaire externe et survolant notamment JupiterJupiter, SaturneSaturne, UranusUranus et NeptuneNeptune, ainsi que 48 de leurs satellites naturels. Conçues pour être longtemps opérationnelles, les deux sondes sont ensuite dirigées vers les frontières du Système solaire : la sonde Voyager 1 est d'ailleurs aujourd'hui l'objet de conception humaine le plus lointain de la Terre, et se trouvait en 2021 à une distance de près de 23 milliards de kilomètres de nous. Elle avait quitté en 2013 l'héliosphère, la zone d'influence de notre Soleil, et elle évolue depuis dans l'espace interstellaire.
De telles missions représentaient une occasion en or pour les scientifiques souhaitant tenter de communiquer avec d'éventuelles intelligencesintelligences extraterrestres, hors de notre Système solaire. La Nasa mit ainsi sur pied une commission présidée par l'astronomeastronome américain Carl SaganCarl Sagan, afin de mettre en place un moyen de graver un message comportant des éléments sur la Terre, le Système solaire, l'humanité et son histoire. La commission développa ainsi un disque de cuivrecuivre plaqué or contenant des sons et des images sélectionnés pour représenter la diversité de la vie et de la culture sur Terre. On y trouve par exemple la localisation du Système solaire, de la Terre, des musiques du monde entier, une variété de bruits de la nature, une centaine d'images de la Terre, des schémas de la morphologie des êtres humains... Cette capsule temporelle comporte tout un tas d'informations sur l'humanité et son histoire, destinées entre autres à montrer que l'humanité n'est pas uniquement motivée par la compréhension de l'Univers, mais qu'elle souhaite aussi comprendre et être comprise par d'éventuelles autres intelligences dans l'Univers, et s'unifier avec ces dernières.
S'il est presque certain que le Golden Record ne soit jamais trouvé par d'autres espèces dans l'Univers (les chances sont bien trop faibles par rapport à l'immensité de l'Univers), les scientifiques n'ont pas perdu espoir ; certains réfléchissent même déjà aux informations qui pourraient être représentées dans une prochaine bouteille à la mer interstellaire.
Une version modernisée du Golden Record ?
Le développement d'une telle bouteille à la mer interstellaire doit répondre à de nombreuses spécifications, auxquelles réfléchit une équipe de scientifiques, dirigée par la Nasa. Ils présentent leurs résultats dans le journal Earth and Space Science. Nous ne pouvons en effet pas savoir à qui nous l'envoyons, ni ce à quoi les symboles et langages utilisés pourraient leur inspirer. Pour tenter de démêler cette difficulté, les scientifiques doivent imaginer leurs interlocuteurs du mieux possible. Selon les auteurs, il est par exemple tout à fait possible que des concepts tels que « la civilisation » ne s'appliquent pas à une intelligence extraterrestre ; mais pour aller de l'avant, il est nécessaire de considérer une intelligence extraterrestre qui serait au moins relativement similaire à nous. Les chercheurs se demandent également quel destin attend notre bouteille à la mer : sera-t-elle interceptée par une intelligence extraterrestre, ou errera-t-elle indéfiniment dans l'espace interstellaire ? Mais surtout, quelles informations incorporer à ce Golden Record modernisé ?
Si les auteurs estiment qu'une partie du message porté par le Golden Record est assez qualitative pour être conservée telle quelle (en y incluant cependant les avancées technologiques qui ont été faites depuis), certains contenus présentent des imperfections qui doivent être corrigées. Les scientifiques souhaitent faire ressortir dans cette nouvelle version l'évolution et la chronologie de la civilisation humaine, jusqu'aux dernières causes actuelles ou éventuelles de nos progrès... ou de notre extinctionextinction. Les auteurs proposent ainsi de structurer le message en deux parties distinctes : la première, comportant des informations basiques sur l'humanité et la Terre, destinée à des civilisations relativement peu évoluées ; la deuxième, contenue dans un mini-ordinateurordinateur et présentant de grandes quantités d'informations numériquesnumériques, destinées à une espèce plus évoluée capable de les lire. Dans le cas où une intelligence extraterrestre parviendrait à recevoir ces messages, deux réponses cruciales doivent être abordées : d'où venons-nous, et de quand venons-nous ? Pour la première question, les scientifiques proposent de nous situer par rapport à certains des objets les plus brillants de la GalaxieGalaxie, comme des amas globulaires ou des pulsars. Pour la seconde, la réponse est plus difficile à donner, du fait de la nature évolutive de l'Univers : il semble ainsi nécessaire de préciser la date du lancement de cette future bouteille à la mer interstellaire, afin que les interlocuteurs puissent retracer notre origine. Il est en effet possible qu'elle ne soit interceptée que dans plusieurs millions, voire milliards d'années.
Les scientifiques souhaitent également incorporer des messages plus « intimes », exposant par exemple notre capacité à se faire la guerre ou encore à détruire nos habitats ; mais ils souhaitent aussi mettre en avant nos exploits, comme nos avancées scientifiques majeures (telles que la fissionfission de l'atomeatome ou l’exploration spatiale), ainsi que des exemples de notre large éventail de cultures et de connaissances, qui structurent la complexité et la beauté de l'humanité. Un tel message interstellaire est également porteur d'informations sur nous-mêmes. Par cet exercice, l'humanité tend à célébrer et à sauvegarder l'expérience humaine commune à tous. Nous sommes en effet aujourd'hui à un point de notre évolution où nous pouvons facilement imaginer notre propre extinction, que ce soit de la main de la nature ou de la nôtre. Cet exercice de tendre vers l'avenir et d'atteindre d'autres intelligences contribue à nous aider à faire face à notre propre avenir incertain. Si ces nouveaux travaux soulignent les grandes lignes à aborder dans notre prochaine bouteille à la mer interstellaire, ils ne sont que les premiers d'une longue série qui discutera de ce qui devrait figurer sur les nouveaux Golden Records.