Grâce au survol de Ganymède par la sonde Juno en 2021, une équipe de scientifiques a dressé la carte la plus précise à ce jour de la présence de sels et de matières organiques à la surface de la plus grosse lune de Jupiter. La composition et la distribution spatiale de ces sels et matières organiques suggèrent que leur origine est endogène, résultant de l’extrusion d’un océan salé souterrain, dont la chimie reflète l’interaction eau-roche à l’intérieur de Ganymède. Les auteurs estiment que leurs travaux permettront une meilleure compréhension des origines de Ganymède et de la composition de son océan interne.
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Découverte en 1610 par l'astronomeastronome italien GaliléeGalilée, Ganymède est la plus grosse lune du Système solaire, en orbite autour de JupiterJupiter. En dehors du fait qu'elle n'orbite pas autour du Soleil, GanymèdeGanymède présente de nombreuses caractéristiques planétaires : elle est par exemple plus grosse que la planète Mercure, et présente une structure totalement différenciée, c'est-à-dire que les matériaux les plus denses sont concentrés au centre. Ganymède est ainsi composée d'un noyau liquideliquide ferreux, entouré par un manteaumanteau de roches silicatées. De plus, elle dispose d'une fine atmosphèreatmosphère et possède son propre champ magnétiquechamp magnétique. Mais ce qui intrigue le plus les scientifiques, c'est la présence d'un océan d'eau liquide sous sa surface glacée, d'abord théorisée dans les années 1970 puis peu à peu confirmée par les observations de la sonde Galiléo et du télescope spatial Hubble. En interaction avec le manteau rocheux, cet océan interne vraisemblablement riche en sels pourrait offrir des conditions favorables à l'apparition de la vie.
La mission Juno prolongée pour percer les secrets des lunes de Jupiter
Lancée par l'Agence spatiale américaine en 2011, la sonde Junosonde Juno était initialement conçue pour étudier Jupiter, et notamment ses couches internes et la composition de son atmosphère. La mission est d'abord prolongée de 2018 à 2021, puis de 2021 à 2025 (ou jusqu'à la fin de vie de la sonde), où elle est alors lancée en direction de certaines lunes de Jupiter, dont Europe et surtout Ganymède. Juno survole ainsi la plus grosse lune du Système solaire le 7 juin 2021, nous révélant au passage de magnifiques images de sa surface glacée jonchée de cratères. La sonde a par la suite survolé la lune Europe, qui a aussi été suspectée d'abriter un océan interne, en octobre 2021 et en septembre 2022. Son survolsurvol de IoIo, l'objet le plus géologiquement actif du Système solaire, est prévu pour décembre 2023.
Le 7 juin 2021, la sonde Juno de la Nasa s’est rapprochée de Ganymède, la lune de Jupiter. © Nasa
La présence de sels et de molécules organiques confirmée
Initialement construit pour sonder les couches internes de Jupiter, le spectromètrespectromètre infrarougeinfrarouge Jiram (Jovian Infrared Auroral Mapper) embarqué sur la sonde Juno a pu observer la surface de Ganymède et collecter des données avec une résolutionrésolution jusque-là jamais atteinte - supérieure à un kilomètre par pixelpixel. Un spectromètre infrarouge mesure le rayonnement infrarouge d'une surface afin d'en déduire sa composition chimique. En analysant les données recueillies par le spectromètre Jiram, une équipe de scientifiques a confirmé pour la première fois la présence de sels et de moléculesmolécules organiques à la surface de Ganymède. Ils présentent leurs résultats dans la revue Nature Astronomy. De précédentes observations réalisées par la sonde Galiléo et par le télescope spatial Hubble avaient déjà suggéré la présence de sels et de molécules organiques à la surface de la lune, mais la faible résolution spatiale des observations n'avait pas permis d'affirmer la découverte.
De précieuses informations sur son océan interne
Selon les données collectées par la sonde Juno, la surface de Ganymède, majoritairement composée d'eau glacée, contient des sels minérauxminéraux, comme le chlorure d'ammonium (NH2Cl), le bicarbonatebicarbonate de sodiumsodium (NaHCO3) ou le chlorure de sodium (NaCl, utilisé comme sel de table). Elle semble également présenter des molécules organiques. Selon les scientifiques, la présence de chacun de ces composés a une implication sur notre compréhension de Ganymède et de son évolution depuis sa formation. Par exemple, la présence de sels riche en ammoniacammoniac suggère que lors de sa formation, Ganymède a agrégé des matériaux suffisamment froids pour condenser l'ammoniac, tandis que la présence de sels carbonatés pourrait indiquer la présence passée de glaces riches en dioxyde de carbonedioxyde de carbone.
La distribution spatiale de ces composés constitue également un indice essentiel. Ils sont principalement détectés dans la région équatoriale de la lune, dans une zone protégée du champ magnétique de Jupiter : leur origine est donc endogèneendogène. Selon les scientifiques, les sels à la surface de Ganymède proviendraient de son océan interne d'eau liquide riche en sel (on parle alors de saumuresaumure). Selon les scientifiques, la présence de ces composés constitue un important marqueur des interactions entre les matériaux rocheux du manteau et l'eau liquide de son océan interne, et pourrait indiquer la présence d'une activité hydrothermale dans ses profondeurs. Pour en savoir plus, les scientifiques misent désormais sur la sonde JuiceJuice, lancée il y a quelques mois en direction du système jovienjovien afin d'étudier les océans sous-glaciaires des lunes de Jupiter.