Depuis plusieurs décennies, les scientifiques se rendent graduellement compte de l’activité géologique des petits corps glacés de notre Système solaire. Des indices de la présence d’océans internes ont par exemple été trouvés sur la lune Europe, de Jupiter, et sur Encelade, lune de Saturne, composés d’eau maintenue liquide par la chaleur interne. Dans une nouvelle étude, une équipe de planétologues montre qu’Éris et Makémaké, deux planètes naines situées dans la ceinture de Kuiper et supposées « glacées », ont en fait peut-être une activité géologique, ayant récemment renouvelé leur surface.


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    Si beaucoup de scientifiques se concentrent sur la zone habitable d'une étoile, où l'eau peut subsister à l'état liquideétat liquide à la surface d'une planète, pour rechercher des mondes susceptibles d'accueillir la vie, de nombreux travaux réalisés au cours des dernières décennies ont montré que de l'eau liquide pouvait exister sous la surface de lunes glacées du Système solaire externe, comme Europe, une lune de JupiterJupiter, ou Encelade, une lune de SaturneSaturne. Si ces dernières ont une surface froide du fait de leur grande distance au Soleil, les planétologues y suspectent une activité géologique interne, permettant une production de chaleur suffisante pour qu'une couche d'eau liquide (et d'autres éléments en concentrations encore peu connues) persiste sous leur croûtecroûte gelée.

    Les mondes glacés dans les confins du Système solaire sont-ils inactifs ?

    Il existe même des mondes glacés encore plus lointains, à l'image des planètes nainesplanètes naines Éris ou Makémaké, qui orbitent dans et au-delà de la ceinture de Kuiperceinture de Kuiper. Cette dernière est située bien au-delà de l'orbiteorbite de NeptuneNeptune, à une distance du Soleil variant entre 30 et 55 unités astronomiquesunités astronomiques. Avec ses 2 326 kilomètres de diamètre, ÉrisÉris est la plus massive des planètes naines découvertes à ce jour, avec une massemasse près de 27 % supérieure à celle de PlutonPluton (laquelle est en revanche légèrement plus grande). Du fait de sa masse élevée, les scientifiques suggèrent qu'elle soit essentiellement composée de roches, recouverte par une modeste couche de glaces. Makémaké présente quant à elle un diamètre d'environ 1 430 kilomètres, en faisant le troisième plus gros objet transneptunien connu.

    Vues d'artiste des planètes naines Éris et Makémaké, situées au-delà de l'orbite de Neptune. © <em>Southwest Research Institute</em>
    Vues d'artiste des planètes naines Éris et Makémaké, situées au-delà de l'orbite de Neptune. © Southwest Research Institute

    Situés si loin de la chaleur du Soleil, les astronomesastronomes ont longtemps considéré ces mondes comme froids et inactifs. Mais en se basant sur des observations réalisées par le télescope spatialtélescope spatial James-Webb, une équipe de scientifiques suggère que les deux planètes naines soient en fait géologiquement actives. La composition isotopique de leur surface semble en effet indiquer un renouvellement relativement récent à l'échelle des temps géologiqueséchelle des temps géologiques. Ils présentent leurs résultats dans la revue Icarus.

    Des océans glacés sous la surface des planètes naines transneptuniennes ?

    L'équipe de scientifiques a analysé des données recueillies par le télescope spatial James-Webbtélescope spatial James-Webb, alors qu'il analysait les surfaces gelées des deux planètes naines. Plus particulièrement, ses instruments ont déterminé la composition isotopique des moléculesmolécules de méthane présentes en surface. Le méthane est composé d'un atomeatome de carbonecarbone et de quatre atomes d'hydrogènehydrogène, l'élément le plus abondant dans l'UniversUnivers. Mais certaines molécules de méthane peuvent contenir, à la place de l'hydrogène, du deutérium : c'est un isotopeisotope stable de l'hydrogène, qui contient, au contraire de ce dernier, un neutronneutron. Selon les scientifiques, le deutérium s'est vraisemblablement formé lors du Big Bang ; déterminer les concentrations relatives de deutérium et d'hydrogène au sein des molécules de méthane peut ainsi permettre d'estimer leur origine et les conditions dans lesquelles elles se sont formées.

    Illustration de trois scénarios possibles d'activité interne dans les deux planètes naines, y compris le potentiel que de l’eau liquide puisse exister dans ces corps glacés, loin de la chaleur du Soleil. © <em>Southwest Research Institute</em>
    Illustration de trois scénarios possibles d'activité interne dans les deux planètes naines, y compris le potentiel que de l’eau liquide puisse exister dans ces corps glacés, loin de la chaleur du Soleil. © Southwest Research Institute

    Et les résultats de l'équipe sont sans appel : le ratio D/H (qui quantifie les concentrations relatives en deutérium et en hydrogène au sein des molécules de méthane), observé dans les molécules de méthane présentes sur la surface des planètes naines glacées, est plus faible que ce qui par exemple est détecté au sein des comètes, considérées comme inchangées depuis leur formation. Selon les scientifiques, c'est la preuve que le méthane présent sur les surfaces d'Éris et de Makémaké a été produit après leur formation, par des processus géologiques internes et émis vers la surface. D'après leurs données, elles posséderaient donc un cœur rocheux relativement chaud, tirant probablement leur énergieénergie de la désintégration d'éléments radioactifs et permettant la formation de molécules de méthane. Leurs résultats suggèrent de plus que si ces deux planètes présentaient de fortes concentrations de méthane lors de leur formation, ce dernier a probablement été éjecté depuis. Alors, si leur cœur rocheux produit suffisamment de chaleur, ces deux planètes naines pourraient-elles abriter un océan d'eau liquide ? Si davantage de travaux sont nécessaires avant de percer ce mystère, on sait désormais que les objets transneptuniens ne sont pas aussi inactifs que ce que l'on pensait...