Le système GW Orionis, déjà connu pour abriter un disque entourant ses trois étoiles, pourrait aussi héberger une ou plusieurs planètes, possiblement les premières planètes circumternaires connues. La confirmation de leur existence suggérerait que la formation des planètes est moins inhabituelle qu'on ne le croyait autrefois.


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    GW Orionis est un système stellaire triple hiérarchique, c'est-à-dire un système constitué de deux étoiles proches accompagnées par une troisième étoile plus éloignée. Les deux étoiles centrales, GW Orionis A et B, sont séparées d'une unité astronomique (UA), soit l'équivalent de la distance entre le Soleil et la Terre. La troisième étoile, GW Orionis C, se situe pour sa part à environ 8 unités astronomiques de ses compagnes, ce qui est un peu moins que la distance séparant le Soleil de SaturneSaturne (9,5 UA).

    Comme nous vous le rapportions en septembre 2020 (voir l'article ci-dessous), ce système - situé à environ 1.300 années-lumière de nous - abrite un disque protoplanétairedisque protoplanétaire. Ce disque, dont la poussière s'étend jusqu'à environ 400 UA et le gazgaz jusqu'à environ 1.300 UA, est constitué de trois anneaux de poussières.

    Trois anneaux et un sillon

    L'anneau le plus proche des étoiles, entre 37 et 56 unités astronomiques, a des dimensions comparables à celles de la ceinture de Kuiperceinture de Kuiper, tandis que les deux autres sont beaucoup plus éloignés, entre 154 et 223 unités astronomiques pour l'anneau intermédiaire et entre 270 et 404 unités astronomiques pour l'anneau externe. À titre de comparaison, Voyager 1 est actuellement à 154 UA du Soleil. Les anneaux de GW Ori sont aussi beaucoup plus massifs que les ceintures de débris du Système solaire, leurs massesmasses équivalant respectivement à environ 74, 168 et 245 fois la masse de la Terre. À titre de comparaison, Saturne et JupiterJupiter ont des masses respectives de 95 et 318 fois celle de la Terre.

    Une particularité de ces anneaux est qu'ils ne sont pas alignés. En effet, l'anneau interne est incliné de 11 ± 6°, tandis que l'anneau intermédiaire est incliné de 35 ± 5° et l'anneau externe de 40 ± 5°.

    Un important sillon est par ailleurs présent à environ 100 unités astronomiques, entre les deux anneaux internes. Une telle « rupture » du disque peut a priori être provoquée par le couple du système stellaire triple ou d'une planète suffisamment massive pour creuser un espace dans le disque. Une fois le disque « cassé », les anneaux subissent une précessionprécession nodale à différentes échelles de temps et se désalignent.

    Une première planète circumternaire ?

    Dans un article paru mi-septembre (en libre accès sur arXiv), Jeremy L. Smallwood, de l'université du Nevada à Las VegasVegas (États-Unis), et ses collègues présentent une nouvelle étude de ce système. Grâce à des intégrations à N corps et des simulations hydrodynamiques 3D, ils ont pu constaté que, pour des paramètres motivés par l'observation des disques protoplanétaires, le disque ne se brise pas en raison du couple du système stellaire. Ils suggèrent en conséquence que c'est la présence d'une ou plusieurs planètes massives dans le disque, non détectées, qui sépare les anneaux interne et externe et est à l'origine de la rupture du disque de GW Orionis. Ce serait alors la ou les premières planètes sur une orbite circumternaire, c'est-à-dire en orbiteorbite autour de trois étoiles à la fois.

    William Welsh, astronomeastronome à l'Université d'État de San Diego (Californie, États-Unis), a déclaré que les chercheurs « présentent de bons arguments ». Alison Young, de l'université de Leicester (Angleterre), qui a soutenu l'idée que les étoiles de GW Ori ont causé la séparationséparation dans le disque plutôt qu'une planète, note que les observations d'Alma et du Very Large Telescope au Chili dans les prochains mois pourraient mettre fin au débat, même si Jeremy L. Smallwood et ses collègues indiquent dans leur étude que ces hypothétiques planètes seraient difficiles à détecter directement.


    La formation de la Tatooine de Star Wars a été simulée sur ordinateur

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 13 août 2021

    Une douzaine d'exoplanètesexoplanètes où l'on devrait pouvoir observer des doubles couchers de soleil ont été découvertes ces dernières années dans la Voie lactéeVoie lactée avec le défunt satellite Kepler. On cherche à modéliser la formation de ces « Tatooines » depuis quelques temps et de nouveaux résultats à ce sujet viennent d'être obtenus par deux astrophysiciensastrophysiciens, accréditant l'idée que Star Wars n'est pas seulement de la SF, voire du fantastique.

    Déjà en 2008, l'astronome Karl Stapelfeldt faisait savoir dans une vidéo de la NasaNasa qu'avec ses collègues, il avait trouvé des signes indirects de l'existence de planètes rocheusesplanètes rocheuses associées à des étoiles doubles. Ce sont des données issues des observations dans l'infrarougeinfrarouge du satellite Spitzer qui avaient permis aux chercheurs d'aboutir à cette conclusion. Les capteurscapteurs de l'instrument en orbite montraient clairement la présence de poussières devant provenir de collisions entre astéroïdesastéroïdes.

    Or, qui dit astéroïdes dit presque nécessairement aussi -- selon les modèles déjà bien développés à l'époque de la formation planétaire autour d'une seule étoile, voir la vidéo ci-dessous dans le cas du Système solaireSystème solaire --, la présence justement d'exoplanètes rocheuses ayant laissé après leur naissance un disque de débris. On observe de tels disques autour des étoiles Fomalhaut et β Pictoris par exemple, étoiles dont on sait qu'elles possèdent des exoplanètes puisqu’on les a imagées directement.


    Mojo, pour Modeling the origin of jovian planets, c'est-à-dire modélisation de l'origine des planètes joviennes, est un projet de recherche qui a donné lieu à une série de vidéos présentant la théorie de l'origine du Système solaire et en particulier des géantes gazeuses. On les doit à deux spécialistes réputés, Alessandro Morbidelli et Sean Raymond. Cette théorie peu se transposer à la formation des exoplanètes. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Laurence Honnorat

    Une formation planétaire inhibée par le chaos ?

    La découverte n'avait rien d'évident car on pouvait se poser la question de la stabilité des disques protoplanétaires pouvant entourer des étoiles individuelles faisant partie d'un système binairesystème binaire notamment. Ces disques pouvaient-ils d'ailleurs permettre aux processus connus dans le cas du Système solaire de passer de grains de poussières qui s'agglomèrent pour donner des cailloux, à des embryonsembryons planétaires de plus 1.000 km de diamètre formés par accrétionaccrétion de planétésimaux d'au moins 10 km de diamètre ? On sait qu'en mécanique céleste des phénomènes chaotiques peuvent survenir dès que l'on considère le cas d'au moins trois corps célestes, chacun subissant les champs de gravitation des autres.

    L'existence d'exoplanètes, peut-être habitables pour certaines d'entre elles au point que l'on puisse y observer des doubles couchers de soleil, a pourtant par la suite été confirmée par les observations d'un autre œilœil de l'Humanité en orbite : le chasseur d’exoplanètes de la Nasa nommé Kepler, hélas fermé depuis, tout comme dans le cas de Spitzer.

    Une planète habitable avec des doubles couchers de soleil, c'est précisément ce que Star Wars mettait en scène avec la fameuse planète Tatooine. Aujourd'hui, alors que l'on sait qu'une telle scène ne relève plus de la science-fiction, les astrophysiciens en sont à transposer les savants modèles numériquesmodèles numériques de la genèse des planètes du Système solaire au cas des disques protoplanétaires associés aux étoiles doubles.

    On peut s'en convaincre avec une publication en libre accès dans le célèbre journal Astronomy & Astrophysics, exposant les travaux de Roman Rafikov du Département de mathématiques appliquées et de physiquephysique théorique de l'Université de Cambridge, également membre de l'Institute for Advanced Study à Princeton, travaux accomplis en collaboration avec Kedron Silsbee de l'Institut Max PlanckMax Planck de physique extraterrestre.


    La vidéo de la Nasa datant de 2008, hélas de qualité médiocre, dans laquelle Karl Stapelfeldt annonce la découverte de Spitzer concernant l'existence de Tatooines. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Jet Propulsion Laboratory, Nasa

    Des exoplanètes pour Alpha Centauri AB ?

    Les deux astrophysiciens ont considéré le cas d'étoiles doubles dans une configuration similaire à celle d'Alpha Centauri A et B, qui sont des étoiles semblables au Soleil (classes G et K) et qui forment l'étoile binaire Alpha Centauri AB, le système stellaire le plus proche du système solaire. Il est situé à 4,37 années-lumière du Soleil mais on ne sait pas encore si des exoplanètes existent autour de l'une de ces étoiles. Alpha Centauri AB semble former un système triple avec la naine rougenaine rouge Alpha Centauri CAlpha Centauri C, plus connue sous le nom de Proxima Centauri et qui semble bel et bien posséder deux exoplanètes, elle.

    Les simulations portent donc sur un système contenant deux étoiles de type solaire dont l'une tiendrait lieu du Soleil et l'autre serait en orbite autour de la première à la place d'UranusUranus, avec une période de révolutionpériode de révolution d'environ 100 ans. Un disque protoplanétaire contenant du gaz de la poussière sous forme silicatée, carbonée ou glacée existant autour d'une de ces étoiles.

    Dans le cas d'une cosmogonie planétaire comme celle du Système solaire, les mouvementsmouvements des particules, poussière, cailloux, bloc rocheux etc. sont suffisamment lents pour que les cas des collisions de type boule de neige soient dominants devant les cas où les collisions conduisent à la fragmentation des corps et donc, inhibent la croissance en direction des embryons de planètes.

    Mais, dans le cas des systèmes doubles, les perturbations gravitationnelles des étoiles agitent les disques protoplanétaires comme si l'on battait des œufs en neige de sorte que les vitessesvitesses relatives de collision sont plus élevées.

    Les simulations montrent finalement que l'apparition d'embryons n'est possible que si la formation planétaire permet d'atteindre des planétésimaux de 10 kilomètres de diamètre et si le disque protoplanétaire initial reste relativement circulaire pendant la formation de ces embryons.

    Pour arriver à ce résultat, les simulations ont dû mieux prendre en compte les forces de frottement du gaz dans un tel disque mais surtout l'effet du champ de gravitation du disque de poussière et de gaz sur les petits corps célestes. C'est ce dernier effet, non négligeable, qui tend à protéger la stabilité du disque des perturbations gravitationnelles de la seconde étoile en limitant l'apparition d'instabilités chaotiques. Finalement, des planétésimaux dans certaines parties du disque peuvent se rencontrer à des vitesses raisonnables pour que la collision conduise à un corps de plus grande taille.


    Comment des planètes comme « Tatooine » naissent dans des systèmes avec trois soleils

    Article de Emma HollenEmma Hollen publié le 07 septembre 2020

    L'espace abrite autant de délicats spectacles que d'événements violents. En témoignent les observations faites avec le VLT et Alma, dévoilant les coulisses de la naissance des planètes autour d'un système multiple.

    Bien que le réseau d'orbites formant notre Système solaire ne soit pas parfaitement plan, force est de reconnaître qu'il est raisonnablement acceptable de se représenter ses planètes comme gravitant autour du Soleil à la surface d'un disque (ou une assiette). Il n'en va cependant pas toujours ainsi dans d'autres systèmes, en particulier pour ceux dotés d'étoiles multiplesétoiles multiples. Ainsi, les chercheurs ont pu constater que le jeune GW Orionis, un trio d'étoiles situé à plus de 1.300 années-lumière, était entouré d'un disque proto-planétaire fragmenté, formant des anneaux distincts aux orientations opposées.

    Image composite du système triple GW Orionis vu par Alma et l'instrument Sphere du VLT. Les disques protoplanètaires sont déformés par la danse des trois étoiles. © ESO, Exeter, Kraus et al., Alma (ESO/NAOJ/NRAO)
    Image composite du système triple GW Orionis vu par Alma et l'instrument Sphere du VLT. Les disques protoplanètaires sont déformés par la danse des trois étoiles. © ESO, Exeter, Kraus et al., Alma (ESO/NAOJ/NRAO)

    Un déchirement du disque proto-planétaire

    « Nous avons constaté que les trois étoiles ne gravitent pas sur le même plan mais que leurs orbites sont désalignées les unes par rapport aux autres, et par rapport au disque », commente Alison Young, membre de l'équipe à l'origine de la découverte. Grâce aux observations du Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) de l'ESOESO et du réseau d'antennes Alma à Atacama, mais également grâce à des modélisations informatiques, les chercheurs ont pu confirmer l'hypothèse d'un « effet de déchirement du disque » : les forces gravitationnellesforces gravitationnelles opposées des étoiles participeraient à distendre et finalement briser le disque protoplanétaire qui les entoure.

    L'anneau intérieur de GW Orionis : modélisation (à gauche) et observation (à droite). © ESO, L. Calçada, Exeter, Kraus et al.
    L'anneau intérieur de GW Orionis : modélisation (à gauche) et observation (à droite). © ESO, L. Calçada, Exeter, Kraus et al.

    « Nos images ont révélé un cas extrême, où le disque n'est pas plat du tout, mais distordu et doté d'un anneau disloqué, qui s'est détaché du disque », explique Stefan Kraus, professeur d'astrophysiqueastrophysique à l'Université d'Exeter, et auteur principal de l'étude, parue dans la revue Science. Le disque secondaire, situé au plus proche des étoiles, est constitué de l'équivalent de 30 masses terrestres de poussière, à partir de laquelle les chercheurs pensent que de nouvelles planètes pourraient se former. « N'importe quelle planète formée à l'intérieur de ce disque décalé orbitera autour des étoiles sur une orbite complètement oblique. » Avec plus de 50 % des systèmes dotés de deux étoiles ou plus, les chercheurs pensent découvrir d'autres planètes similaires à l'avenir, formées sur des plans obliques à partir d'un disque principal fracturé.

     

     

     

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