Il y a 10 ans, la Nasa avait montré que l'on pouvait communiquer par laser avec une sonde en orbite autour de la Lune. Or le laser permet d'envoyer des données plus vite, avec moins d'énergie et un dispositif de plus petite taille qu'une antenne radio classique. En préparation des contraintes d'un streaming en direct des futurs astronautes martiens, la Nasa démontre aujourd'hui qu'elle peut déjà communiquer à haut débit par laser en transmettant sur Terre depuis l'espace lointain une vidéo du chat nommé « Taters ».


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    Ce n'est pas très connu mais aux États-Unis, du temps héroïque du développement de la télévision autour de 1930, on se servait d'une petite statue du personnage de dessin animé populaire Félix le chat lors de test de retransmissions télévisées.

    On sait bien aujourd'hui que de nombreux mèmes sur InternetInternet font état de chats dans toutes les situations et pour de nombreuses blagues, de sorte que pour des E.T. facétieux interceptant nos communications récentes, ils pourraient bien décider d'appeler la Terre, « la planète des chats » et pas des singes.

    Toujours est-il que c'est justement avec une vidéo de chat que la Nasa a fait récemment une grande première en montrant que l'on pouvait faire du streamingstreaming comme si l'on disposait d'une très bonne connexion Internet avec fibre optiquefibre optique mais non plus sur Terre, mais avec la sonde Psyché alors qu'elle se trouvait à 80 fois la distance Terre-Lune en route vers l'astéroïde (16) Psyché, orbitant au sein de la ceinture principale entre les orbites de Mars et de JupiterJupiter, et qui est suspecté d'être l'ancien noyau d'une protoplanète. La sonde passera alors deux ans à étudier sa surface.

    Rappelons que comme Futura l'expliquait dans le précédent article ci-dessous, un autre des buts de la sonde Psyché est l'expérience appelée Deep Space Optical Communications (DSOC). Il s'agit précisément d'utiliser des faisceaux laser pour transmettre bien plus vite des images provenant de sondes interplanétaires sur Terre, au point de pouvoir faire du direct avec des astronautes sur la surface de Mars ou encore, peut-être, en montrant des éruptions spectaculaires en direct à la surface de Io, la lune de Jupiter.


    Cette vidéo ultra haute définition de 15 secondes mettant en vedette un chat nommé Taters a été diffusée via un laser depuis l'espace lointain par la Nasa le 11 décembre 2023. Les graphiques superposés sur le chat tigré orange illustrent plusieurs fonctionnalités de la démo technique, telles que la trajectoire orbitale de Psyché et des informations techniques sur le laser. © Nasa, JPL-Caltech

    Du streaming à 267 mégabits par seconde depuis 31 millions de kilomètres

    C'est donc en hommage, ou pour le moins en clin d'œilœil, au temps de Félix le chat qu'une vidéo test de 15 secondes a été envoyée avec un laser fonctionnant dans le proche infrarougeinfrarouge depuis la sonde Psyché vers le télescopetélescope Hale de l'observatoire PalomarPalomar de Caltech, dans le comté de San Diego en Californie. Chaque image de la vidéo en boucle a été téléchargée avec un débitdébit maximum de 267 mégabits par seconde (Mbps), après un voyage ayant duré 101 secondes pour atteindre la Terre sur une distance de 31 millions de kilomètres.

    On peut se faire une idée de la performance actuelle en réalisant qu'au cours de la nuit du 11 décembre 2023, la vidéo transmise a représenté un total de 1,3 térabit de données pendant cette période. À titre de comparaison, la mission Magellan de la Nasa vers VénusVénus a émis 1,2 térabit pendant toute sa mission de cartographie radar de la surface de la Planète de 1990 à 1994.

    Comme l'explique le communiqué de la Nasa au sujet de cette réussite, la courte vidéo en ultra haute définitionultra haute définition à bord de la sonde dès son lancement présente « un chat tigré orange nommé Taters, l'animal de compagnie d'un employé du JPLJPL, poursuivant un pointeur laser, avec des graphiques superposés. Les graphiques illustrent plusieurs fonctionnalités de la démo technique, telles que la trajectoire orbitaleorbitale de Psyché, le dôme du télescope de Palomar et des informations techniques sur le laser et son débit binairedébit binaire de données. La fréquencefréquence cardiaque, la couleurcouleur et la race de Taters sont également affichées ».  

    Ryan Rogalin, responsable de l'électronique du récepteur du projet au JPL, explique de plus que paradoxalement « malgré la transmission à des millions de kilomètres de distance, il a pu envoyer la vidéo plus rapidement que la plupart des connexions Internet haut débit. En fait, après avoir reçu la vidéo à Palomar, elle a été envoyée au JPL via Internet, et cette connexion était plus lente que le signal provenant de l'espace lointain ».


    Bande-annonce modernisée du film « Le chat venu de l'espace » (1978). Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Walt Disney Productions

    Au fait, vous ne trouvez pas que Taters a un petit airair de Jake ?


    La Nasa inaugure une nouvelle ère dans la communication interplanétaire

    Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 28/11/2023

    Il y a 10 ans, la Nasa avait montré que l'on pouvait communiquer par laser avec une sonde en orbite autour de la Lune : la mission Lunar Laser Communications Demonstration (LLCD). Le laser permet d'envoyer des données plus vite, avec moins d'énergieénergie et un dispositif de plus petite taille qu'une antenne radio classique. En préparation des contraintes d'un streaming en direct des futurs astronautes martiens, la Nasa démontre aujourd'hui qu'elle peut déjà communiquer par laser à 40 fois la distance Terre-Lune.

    L'arrivée d'Homo sapiensHomo sapiens sur la Lune s'est faite presque en direct pour des centaines de millions de personnes en 1969. En effet, il ne faut guère plus d'une seconde aux ondes électromagnétiquesondes électromagnétiques pour franchir la distance Terre-Lune. Les images d'Armstrong et Aldrin pouvaient également être envoyées avec assez de puissance depuis notre satellite pour être reçues à relativement haut débit sur notre Planète bleue, ce qui explique pourquoi l'événement a été retransmis à la télévision. Mais tout physicienphysicien sait bien que l'intensité d'une onde électromagnétique varie selon une loi en 1/r2 depuis sa source.

    Ceci explique pourquoi, et pas tellement la duréedurée de quelques dizaines de minutes pour franchir la distance entre la Terre et la Planète rouge, nous n'avons jamais eu l'équivalent d'une retransmission en direct avec les images prises par les rovers martiensrovers martiens. La problématique est encore pire avec les sondes interplanétaires au-delà de l'orbite de Mars, comme on l'a bien vu avec la mission New Horizons lorsqu'il a fallu parfois attendre des mois de transmissions presque au compte-gouttes, si l'on peut dire, avant d'avoir la totalité de l'information contenue dans certaines des images prises.

    Heureusement, les ingénieurs savent qu'il existe une solution à ce problème du faible débit des transmissions radio lorsque l'on s'aventure à de grandes distances de notre berceau céleste : le laser.


    Une présentation de l'expérience Deep Space Optical Communications (DSOC). Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, JPL-Caltech, ASU

    Des télécommunications interplanétaires 100 fois plus rapides ?

    En fait, cette solution avait été envisagée dès les premières années du programme de recherche du Projet Seti. En effet, l'idée que des extraterrestres pouvaient préférer communiquer sur des distances interplanétaires, et même interstellaires, en utilisant des lasers, est ancienne. Elle a déjà été formulée par Schwartz et Townes en 1961, soit un an après l'invention du laser par Townes et deux ans après que Cocconi et Morrison ont proposé le concept de base du programme Seti.

    Dans le cas de l'intelligenceintelligence terrestre, on estime que le débit de transmission d'informations et surtout d'images prises par des sondes interplanétaires peut être amélioré d'un facteur 10 à 100, voire 1 000 et c'est pour développer cette technologie - qui pourrait donc nous permettre de faire des retransmissions presque en direct de la colonisation de Mars - que la Nasa s'est lancée dans une expérience appelée Deep Space Optical Communications (DSOC).

    Une vue de la sonde Psyché avec son dispositif DSOC en orange. © Nasa, Ben Smegelsky
    Une vue de la sonde Psyché avec son dispositif DSOC en orange. © Nasa, Ben Smegelsky

    Le test a été un premier succès le 14 novembre 2023 puisque la sonde Psyché a envoyé en direction du télescope Hale, équipant le tout aussi fameux observatoire Palomar en Californie, des données alors qu'elle était à environ 16 millions de kilomètres, soit environ 40 fois la distance Terre-Lune comme l'explique un communiqué de la Nasa (ces données n'étaient cependant pas encore le produit des observations et mesures de la sonde Psyché). C'est un laser infrarouge qui a été utilisé et cela devrait continuer pendant au moins deux ans, alors que la sonde continue son voyage vers la Ceinture principale d'astéroïdesastéroïdes entre Mars et Jupiter, testant pendant cette durée l'instrument utilisé pour communiquer avec la Terre par laser.

    « Atteindre la première lumièrelumière avec l'instrument est l'une des nombreuses étapes critiques de DSOC dans les mois à venir, ouvrant la voie à des communications à débit de données plus élevé, capables d'envoyer des informations scientifiques, des images haute définition et des vidéos en streaming pour soutenir le prochain pas de géant de l'humanité : envoyer des humains vers Mars », a déclaré Trudy Kortes, directrice des démonstrations technologiques à la direction des missions de technologie spatiale au siège de la Nasa à Washington.