Près d'une quarantaine de chercheurs se sont réunis sous l’initiative de la Nasa, afin de discuter d’un concept de mission pour explorer les océans internes des lunes glacées Europe et Encelade et y déceler d’éventuelles traces de vie. Les scientifiques semblent donner crédit au concept d’un cryobot, un robot capable de traverser les couches de glace en produisant de la chaleur.


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    Si l'eau semble relativement abondante dans notre Système solaire, elle n'existe en revanche que rarement à l'état liquideétat liquide, qui nécessite des conditions de température et de pression très strictes. L'eau liquide est pourtant un ingrédient essentiel au développement de la vie telle que nous la connaissons, et les exobiologistes s'intéressent particulièrement aux planètes susceptibles d'en contenir pour rechercher des traces de vie extraterrestre. Dans notre Système solaire, une seule planète, la Terre, contient de l'eau liquide. Mars, notre voisine, en a contenu par le passé, comme en témoignent les chenaux de rivières creusés par son écoulement ; le rover Perseverance y recherche d'ailleurs d'éventuelles traces d'ancienne vie microbienne.

    Les lunes glacées des planètes externes, meilleures candidates pour la recherche de vie dans notre Système solaire

    Pour rechercher des traces de vie actuelle dans notre Système solaire, les scientifiques se tournent donc vers les lunes des planètes externes (les planètes gazeuses JupiterJupiter, SaturneSaturne, UranusUranus et NeptuneNeptune). Elles sont très nombreuses et présentent des caractéristiques très diversifiées, entre les paysages volcaniques de Io, qui orbiteorbite autour de Jupiter, et les rivières et lacs d'hydrocarbureshydrocarbures à la surface de Titan, dans le système saturnien. Mais celles qui intéressent le plus les exobiologistes, ce sont les lunes glacées : certains de ces satellites naturels sont susceptibles d'abriter de l'eau liquide sous leur surface gelée.

    Parmi ces lunes glacées, Europe, qui orbite autour de Jupiter, et Encelade, qui orbite autour de Saturne, intéressent particulièrement les exobiologistes. La présence d'un océan interne, constitué d'eau liquide, y est quasiment avérée sous la surface de ces deux astresastres. Ces océans sont de plus supposés interagir avec la croûtecroûte sous-jacente, potentiellement par le biais de processus hydrothermaux - qui apportent de la chaleurchaleur et des éléments chimiqueséléments chimiques éventuellement capables de générer de la vie. EnceladeEncelade possède d'ailleurs des geysersgeysers éjectant des panaches contenant de l'eau, de la silicesilice et des moléculesmolécules organiques. Ces deux lunes présentent de plus des surfaces peu cratérisées, donc relativement jeunes, signifiant qu'elles ont récemment été renouvelées et témoignant d'une activité géologique.

    Photographie des geysers à la surface d'Encelade, capturée par la sonde Cassini le 21 novembre 2009. © Nasa, JPL, <em>Space Science Institute</em>
    Photographie des geysers à la surface d'Encelade, capturée par la sonde Cassini le 21 novembre 2009. © Nasa, JPL, Space Science Institute

    Un robot pour explorer ces mondes océaniques

    Pour en savoir plus sur ces océans et leur potentielle habitabilité, les scientifiques n'ont d'autre choix que de les étudier sur place ; si les technologies actuelles permettent bel et bien d'envoyer un atterrisseur sur ces satellites, il reste encore à traverser leur épaisse couche de glace en surface (épaisses de plusieurs dizaines de kilomètres, selon les modèles) pour atteindre les océans sous-jacents. Pour tenter de développer un concept de mission capable d'atteindre ces couches d'eau liquide internes, près de 40 chercheurs se sont réunis en février dernier sous l'initiative du Bureau de la technologie scientifique pour l'exploration planétaire (Pesto, Planetary Exploration Science Technology Office) de l'Agence spatiale américaine. Parmi toutes les propositions avancées pour percer ces croûtes glacées (allant par exemple d'un rover capable de se déplacer dans les crevasses, à un robotrobot équipé de foreuses), les scientifiques semblent préférer la solution du cryobot.

    Image conceptuelle d'un cryobot : un atterrisseur déploie une sonde, qui fond la couche de glace pour la traverser et accéder à l’océan sous-jacent. Un câble et des émetteurs-récepteurs sans fil sont déployés derrière la sonde pendant sa descente pour la communication. © Nasa, JPL-Caltech
    Image conceptuelle d'un cryobot : un atterrisseur déploie une sonde, qui fond la couche de glace pour la traverser et accéder à l’océan sous-jacent. Un câble et des émetteurs-récepteurs sans fil sont déployés derrière la sonde pendant sa descente pour la communication. © Nasa, JPL-Caltech

    Un robot capable de traverser les couches de glace

    Alimenté par une source d'énergieénergie nucléaire en son cœur, le concept du cryobot est déjà utilisé pour diverses recherches sur Terre, par exemple pour étudier les glaciersglaciers ou les calottes glaciairescalottes glaciaires ; de forme cylindrique, ce type de robot est en fait capable de traverser les couches de glace en produisant de la chaleur. Cette chaleur permet de faire fondre la glace sous-jacente. L'eau fondue s'écoule ensuite autour de la sonde avant de se refroidir derrière elle, refermant le passage.

    Si le concept semble simple sur le papier, les scientifiques présents lors de la réunion de la NasaNasa pointent du doigt quelques difficultés notables à prendre en compte pour envoyer un tel engin dans le Système solaire externe. D'abord, le robot doit produire assez d'énergie pour faire fondre plusieurs kilomètres de glace. La chaleur produite doit de plus être localisée vers le bas, et ne doit pas être trop élevée afin d'assurer le fonctionnement des instruments de la sonde. D'éventuelles impuretés peuvent également être présentes dans les épaisses couches de glace (comme du sel ou des poussières, voire des blocs rocheux), et les scientifiques estiment qu'un instrument de cartographie souterraine et un mécanisme de direction orientée devraient être installés sur le cryobot pour pallier ces éventualités. Enfin, le système de communication avec les opérateurs sur Terre devra être capable de passer à travers les épaisses couches de glace.

    Dans l'ensemble, les participants semblent indiquer que ce concept de mission reste réalisable, scientifiquement convaincant et le moyen le plus plausible à court terme de rechercher de la vie sur un monde océanique. Le potentiel de détection directe de la vie ailleurs que sur Terre semble plus possible que jamais. En attendant, la mission Europa Clipper de la Nasa, dont le lancement est prévu pour la fin de l'année 2024, devra nous apporter des informations cruciales sur la lune glacée Europe, qui pourront être utilisées pour développer le cryobot le plus adéquat possible.