Blue Origin, l'entreprise aérospatiale fondée par Jeff Bezos, développe le moteur-fusée nommé BE-4, qui devrait équiper sa future fusée New Glenn et sera livré à ULA pour le lanceur Vulcan. Après plusieurs années de retard, le moteur voit enfin le bout du tunnel.
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La force nécessaire pour arracher 245 tonnes du sol, c'est ce que devrait délivrer le nouveau moteur BE-4 de Blue Origin. Ce beau bébé de puissance trouve sa force dans la combustion étagée du méthane liquide, avec une pré-combustion riche en oxygène, une technologie rare, qui jusqu'ici ne fut maîtrisée que par les Soviétiques en leur temps, mais qui revient au goût du jour notamment en Europe.
Un peu de méthane et d'oxygène, la recette du succès
Il devrait équiper le lanceur super-lourd New GlennNew Glenn, lui aussi en développement au sein de la firme de Jeff BezosJeff Bezos, mais il est aussi le sujet d'un contrat avec l'entreprise United Launch Alliance, née de la fusion entre Boeing et Lockheed Martin. En effet, BE-4 doit équiper le premier étage de VulcanVulcan, le lanceur qui succède à la mythique Atlas V. Ce contrat fut réalisé en 2014 pour ne plus dépendre du moteur RD-180 russe, de plus le choix du méthane s'inscrit dans la dynamique actuelle du secteur spatial.
Aujourd'hui, deux ergolsergols sont utilisés majoritairement : le kérosènekérosène (RP-1) et l'hydrogènehydrogène. Le premier délivre plus de force au prix de l'efficacité de la poussée générée, le second fait l'inverse. Le méthane liquide offre un très bon compromis entre les deux, plus efficace que le kérosène, il reste plus simple à produire que l'hydrogène avec des moteurs moins complexes, et donc moins chers. L'impact écologique est aussi réduit par rapport au RP-1, et au mieux, est équivalent aux fusées à hydrogène.
Si la Vulcan n'est pas prévue pour être réutilisable entièrement, le BE-4 pourra se détacher et être récupéré pour être réutilisé au moins 25 fois.
Un test impressionnant
Blue Origin a publié cette vidéo impressionnante du BE-4 sur le banc de test, plus tôt dans l'année. Dès les premières secondes on peut admirer le déferlement de flammes que l'on remarque transparentes. Là aussi, cela illustre le compromis que représente le méthane : les flammes d'hydrogène sont simplement invisibles, et celles de kérosène sont opaques.
On remarque également la présence de cônescônes bleutés au cœur de la flamme, ce sont les disques de Mach (ou diamantsdiamants de Mach), une surdensité provoquée par la dynamique des fluides qui est à l'œuvre.
Au bout de quatre secondes, la flamme s'élargit, s'épaissit et devient plus impressionnante, signe du passage à haut régime de la turbopompeturbopompe qui puise le carburant. La combustion est plus intense, la pressionpression du gazgaz de sortie est augmentée et s'équilibre avec la pression atmosphériquepression atmosphérique. Puis le moteur s'incline grâce à son cardan : des vérins qui permettent d'orienter la poussée (appelée poussée vectorielle). En conditions réelles, le cardan des moteurs-fusées est une solution pour générer un couple, et ainsi faire pivoter la fusée en l'airair, ou plutôt de la maintenir de manière stable sur la bonne trajectoire.
Le saviez-vous ?
Les moteurs-fusées à kérosène sont habituellement testés à la verticale, comme au centre spatial Stennis de la Nasa. Grâce à la gravité, le carburant liquide reste au fond du réservoir et peut alors être puisé dans la tuyauterie sans utiliser de système auxiliaire pour pressuriser le réservoir.
Le méthane liquide n'a pas ce problème grâce à la pressurisation autogène. Il se vaporise naturellement en gaz, ce qui maintient la pression et l'écoulement du liquide. Le test à l'horizontale est alors possible sans complexité supplémentaire.
Comme une fusée en conditions réelles, les tests verticaux doivent éviter que l'onde de choc ne rebondisse au sol et n'endommage le moteur. Une table de test avec des carneaux et des déluges sont alors utilisés. À l'horizontale, les moteurs à méthane s'affranchissent de ces contraintes !