L’exploration requiert des scientifiques qu’ils repoussent les limites de notre technologie, afin de porter des missions toujours plus ambitieuses. Pour cela, ils utilisent et améliorent depuis près de soixante ans l’énergie nucléaire, l’adaptant aux besoins des agences spatiales. 


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    Depuis soixante-dix ans, l'exploration spatiale requiert des avancées technologiques toujours plus poussées. À travers notre Système solaire, les sondes et les appareils observant le cosmoscosmos utilisent diverses ressources pour alimenter leurs instruments. L'une des énergies les plus anciennes et les plus fiables, à disposition : le nucléaire. Le 29 juin 1961, la Nasa lançait le satellite Transit IV-A. Principalement recouvert de cellules photovoltaïquescellules photovoltaïques visant à alimenter ses batteries, il emporte une source d'énergie appelé « Générateur thermoélectrique à radioisotoperadioisotope » (RTG, « Radioisotope thermoelectric generator »). Ce dernier utilise du plutoniumplutonium-238, dont la dégradation du dioxide provoque une émissionémission de chaleurchaleur, elle-même convertie en électricité sur la base d'un couple thermoélectrique (CTE).

    Le programme Transit représente un véritable succès pour l'agence spatiale américaine, collaborant alors avec le laboratoire de physiquephysique appliquée de l'université John-Hopkins. il signe alors le début d'une longue épopée du nucléaire dans l'aérospatial.

    Le pouvoir de l’atome à travers le cosmos

    Le RTG fait preuve d'une efficacité presque infaillible. Il est de nouveau employé par la Nasa lors de diverses missions, dont les légendaires Voyager. Les deux sondes sont lancées respectivement le 20 août et le 5 septembre 1977. Voyager 2Voyager 2 se situe actuellement à 20 milliards de kilomètres de la Terre, tandis que Voyager 1 transite à 25 milliards de kilomètres. Toujours actives malgré de récents problèmes, elles sont opérationnelles grâce à leurs batteries nucléaires, envoyant régulièrement des données au sol. Les sondes nécessitent environ 250 W pour fonctionner correctement.

    La sonde Voyager 1 se situe actuellement à 25 milliards de kilomètres de la Terre, ici observable en temps réel sur le site de la Nasa. © eyes.nasa.gov
    La sonde Voyager 1 se situe actuellement à 25 milliards de kilomètres de la Terre, ici observable en temps réel sur le site de la Nasa. © eyes.nasa.gov

    Les batteries nucléaires sont partie prenante de bon nombre de missions, dont celles d'Apollo, entre la douzième mission en 1969 et la fin du programme en 1972. L'implémentation de la technologie nucléaire sur des engins spatiaux, capables de traverser des millions et des milliards de kilomètres, constituait déjà un bond technologique il y a soixante ans. Comme l'explique Pierre HenriquetPierre Henriquet dans Polytechnique Insights, la conversion de la chaleur du plutonium en énergie se révèle relativement faible, de seulement 10 %. Mais, une RTG produit cette énergie en continu et offre une longévité accrue, correspondant ainsi aux prérequis de longues missions à travers le Système solaire, et plus loin encore.

    Toujours plus loin, toujours plus fort ?

    Plusieurs idées sont évoquées pour améliorer les capacités des sondes spatiales. Aujourd'hui, de nombreux appareils volant au-dessus de nos têtes sont dotés de cellules photovoltaïques. Mais dès lors qu'ils s'éloignent de la Terre et du SoleilSoleil, la captation de la lumière solaire se fait plus ténue. Une mauvaise inclinaison peut aussi influencer la perception des photonsphotons et altérer l'alimentation électrique des systèmes. La technologie solaire est une énergie viable en orbiteorbite basse et moyenne, mais son efficacité est réduite lors de missions plus lointaine, ou de longue duréedurée.

    Le nucléaire est l'alternative de choix. La mission américaine DragonflyDragonfly, prévue pour un lancement en 2028, emportera un RGT. La Nasa prévoit d'envoyer un drone octocoptère pour explorer la surface de la lune de Saturne, Titan. La batterie nucléaire alimentera l'ensemble durant le voyage vers TitanTitan, ainsi que le drone une fois l'octocoptère déposé sur le satellite naturel. Les ingénieurs travaillent aussi à voir plus grand concernant la propulsion des systèmes ayant quitté la Terre. Le Bureau de la propulsion nucléaire spatiale (SNPSNP, « Space Nuclear Propulsion ») élabore des mécanismes de propulsion nucléaire, bien plus légers et deux fois plus efficaces que les systèmes à propergolpropergol actuels. La propulsion nucléaire se base sur le principe de fissionfission, utilisé dans les centrales terrestres. La chaleur induite par la fission générerait de l'électricité, celle-ci venant ioniser le propergol contenu sous forme de gazgaz, engendrant une poussée pouvant propulser l'appareil.

    Plusieurs prototypes et concepts de systèmes à propulsion nucléaire ont été étudiés par les agences américaines. © Nasa, Darpa
    Plusieurs prototypes et concepts de systèmes à propulsion nucléaire ont été étudiés par les agences américaines. © Nasa, Darpa

    D'autres voies sont à l'étude, notamment pour implanterimplanter des réacteurs sur la LuneLune. Ils seraient utilisés pour pourvoir en électricité et en chaleur les futures bases habitées, dans un environnement froid et austère. En 2023, l'Agence de projets de recherche avancée pour la Défense (Darpa, « Defense Advanced Researched Project ») annonçait collaborer avec la Nasa et plusieurs acteurs de l'industrie aérospatiale pour construire un nouveau type de lanceurlanceur. Baptisé Draco, pour Demonstration Rocket for Agile Cislunar Operations, ce démonstrateurdémonstrateur à propulsion nucléaire volerait en 2027. Pour les scientifiques et les industriels, il existe des certitudes : l'utilisation et l'amélioration du nucléaire spatial dans les prochaines années en font partie.