Le nouveau film de la saga Alien fait sensation en salle depuis presque deux semaines. Sous couvert d’horreur cosmique, Alien Romulus continue de moderniser et d’étoffer la mythologie d’une histoire culte qui dure depuis maintenant quarante-cinq ans. 


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    La dernière itération de la saga lancée par Ridley Scott en 1979 connaît un gros succès à l'international. Aux États-Unis, les XénomorphesXénomorphes accumulent près de 42 millions dollars de recettes pour leur deuxième week-end d'exploitation. Médias et spectateurs semblent adhérer à ce « retour aux sources », avec 86 % d'avis positifs sur Rotten Tomatoes. Pour cet opus, Scott passe la main à Fede Álvarez (Evil Dead, Don't Breathe)) - le réalisateur uruguayen des fantaisies de PrometheusPrometheus et Alien Covenant pour revenir à une formule simple, celle d'un huis clos spatial agrémenté de scènes sanglantes. L'occasion d'explorer une mythologie vieille de plus de quarante ans qui anime encore les fans et les cinéphiles à travers le monde.  

    À la racine du Xénormorphe : dans l’esprit torturé de H.R. Giger 

    Le postulat de Romulus est simple, mettant en scène de jeunes acteurs coincés à bord d'une station spatialestation spatiale, à la merci de Facehuggers, Xénomorphes et autres joyeusetés sorties de l'esprit d'un artiste de renom : Hans Ruedi Giger. Né en 1940 et mort en 2014 en Suisse, Giger est un créateur singulier considéré comme l'une des figures phares de l'art contemporain. L'univers de l'artiste est sombre voire macabre, Giger mettant en scène dans ses tableaux des entités ou décors biomécaniques, alliant matière en apparence organique avec des résidus artificiels. Immédiatement reconnaissable, le Suisse acquiert une certaine renommée dans les années 1970.

    En 1976, H.R. Giger produit le Necronom IV, trois ans avant la sortie du film Alien. L'œuvre interpelle le jeune Ridley Scott, qui contacte l'artiste pour créer la créature du film qu'il coécrit avec Dan O'Bannon. 

    Le design du Xénomorphe d’Alien part d’une œuvre : le <em>Necronom IV</em>, conçu par Giger en 1976. © H.R. Giger
    Le design du Xénomorphe d’Alien part d’une œuvre : le Necronom IV, conçu par Giger en 1976. © H.R. Giger

    L'alien du film éponyme doit représenter l'organisme parfait, intelligent, indestructible et fondamentalement inhumain. Avant 1979, les traits caractéristiques du Xénomorphe sont trouvables dans les travaux de Giger. Il va alors accoucher d'une créature impressionnante par ses spécificités. L’alien qui infiltre le Nostronomo dans le métrage de Scott mesure environ 2,50 mètres, élancé, avec une gueule allongée et menaçante. Giger voulait faire de sa création un être puissant et esthétique. Un pari réussi, se mariant parfaitement avec le parti pris du film, de ne montrer le Xénomorphe que dans des moments clés.

    Le travail commun de Giger et de Scott permet d'accroître la menace du huitième passager, tout en le rendant intelligent et imperceptible. Si le Xénomorphe n'est pas invincible in fine, s'en débarrasser est un chemin de croix pour Ellen Ripley et l'équipage du Nostromo.

    Jouer avec la mythologie d’une saga culte

    Tout au long de la saga, qui compte désormais sept opus, les réalisateurs redoublent d'efforts pour parvenir à insuffler de nouvelles idées et faire évoluer les horreurs présentées à l'écran. Dans Aliens, sorti en 1986, James Cameron introduit la reine Xénomorphe à la fin du film. De nouveau, Giger permet d'élaborer un vrai système reproductif dans une représentation lovecraftienne. Dans Alien 3, diffusé en 1992, c'est un chienchien qui se fait parasiter par un Facehugger, duquel émerge un Xénomorphe hybridehybride. En 1997, Jean-Pierre Jeunet réalise l'étrange Alien Résurrection. Cette fois, c'est un clone du personnage principal, Ellen Ripley, qui donne naissance à un hybride Xénomorphe. 

    Outre les Xénomorphes, c’est l’imagerie de la planète LV-426 que Giger a imaginée, avec notamment le célèbre « Space Jockey ». © <em>XXth Century Fox </em>
    Outre les Xénomorphes, c’est l’imagerie de la planète LV-426 que Giger a imaginée, avec notamment le célèbre « Space Jockey ». © XXth Century Fox

    Les expérimentations scénaristiques et visuelles continuent dans Prometheus en 2012, puis dans Covenant en 2017. De nouvelles créatures et même de nouvelles espècesespèces viennent étoffer ou opacifier une mythologie déjà dense. Romulus ne déroge pas, en reprenant les éléments les plus récents, vus dans les derniers films, tout en amorçant le retour aux sources précédemment évoqué. Le Xénomorphe standard redevient l'antagoniste majeur, mais d'autres créatures font leur apparition. En sa qualité de « stand-alone », il est difficile de déterminer si les événements du récit auront une influence sur le futur de la saga. Le film démontre néanmoins que la mythologie d'Alien est plus vivante que jamais.

    Malgré le décès de Giger il y a dix ans, son héritage complexe continue de vivre à travers Romulus et ses hypothétiques suites. Et un océan de possibilités s'ouvre aux créateurs de la série : qui sait quelles horreurs peuvent cacher les vaisseaux de la corporation Weyland-Yutani et les planètes terraformées par les Ingénieurs depuis les événements de Prometheus...