Emmanuel Macron l’a confirmé lors de l’annonce de son plan France 2030 : la France va investir un milliard d’euros dans le développement de petits réacteurs modulaires (PRM) ou Small modular reactor (SMR). Moins chers à construire, plus sûrs, facilement intégrables au réseau, ces mini-réacteurs sont la parfaite alternative décarbonée aux centrales à charbon ou à gaz qui vont devoir fermer dans les prochaines années. La France, qui dispose de son propre projet baptisé Nuward, peut-elle sortir gagnante ?


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    La course au gigantismegigantisme semble bel et bien terminée dans l'industrie nucléaire. La tendance est aujourd'hui aux «Small modular reactor» (SMR), des petits réacteurs modulaires (PRM) d'une puissance de 50 à 250 MW, soit 10 fois moins puissants qu'une centrale classique -- l'EPR de Flamanvile actuellement en constructionconstruction aura une puissance de 1.650 MW.

    De nombreux projets sont ainsi en cours de développement dans le monde. La start-upstart-up NuScale Power, soutenue par des investisseurs privés et par le Département de l'énergie des États-Unis, a ainsi reçu l'approbation de son design par l'Autorité de sûreté américaine (NRC) en 2020. La Russie, qui vient de mettre à flot sa première centrale flottante avec deux réacteurs de 35 MW, travaille également à un concept à terre. La Corée du Sud, la Chine ou même Rolls-Royce planchent aussi sur des petits réacteurs modulaires (PRM).

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    Les SMR, des petits réacteurs nucléaires modulaires comme alternative aux gaz à effet de serre

    En France, le mini-réacteur nucléaire bénéficie du soutien d'Emmanuel Macron, qui a annoncé un investissement d'un milliard d'euros dans le nucléaire dans le plan France 2030. La France dispose de son propre projet, baptisé Nuward. Ce petit réacteur de 2 x 170 MW est le fruit d'une collaboration entre le Commissariat à l'énergie atomique (CEA), EDF, Naval Group et TechnicAtome.

    Nuward, le projet de SMR développé par le CEA, EDF et Naval Group et TechnicAtome. © Nuward Consortium
    Nuward, le projet de SMR développé par le CEA, EDF et Naval Group et TechnicAtome. © Nuward Consortium

    Remplacer les centrales à charbon

    Alors que de nombreux projets sont à l'étude pour le nucléaire du futur, dont les réacteurs à fusion ou au thorium, les PRM ont l'avantage de fonctionner sur un concept éprouvé : l'eau pressurisée. « Globalement, un SMR [petits réacteurs modulaires, ndlrest une centrale nucléairecentrale nucléaire classique miniature, résume Jean-Michel Ruggieri, responsable du programme SMR au CEA. Ces mini-réacteurs présentent de nombreux avantages : ils peuvent être assemblés en usine, ce qui diminue le coût et la durée de fabrication, s'intègrent facilement au réseau et produisent une énergie décarbonée et facilement pilotable ».

    Zéro rejet radioactif même en cas d’accident grave

    Selon l'expert, ces petits réacteurs modulaires seraient parfaitement adaptés pour le remplacement des centrales à charboncharbon ou à gaz, qui ont une puissance similaire (autour de 250 à 400 MW). De plus, comme la puissance est plus faible, il y a moins de chaleurchaleur à évacuer en cas d'accidentaccident, ce qui fait que l'on peut utiliser des systèmes de sûreté reposant sur la convectionconvection naturelle passive, « c'est-à-dire que l'on n'a pas besoin de pompe fonctionnant à l'électricité pour refroidir la centrale », explique Jean-Michel Ruggieri. Or, c'est justement la panne du système de refroidissement qui avait notamment causé l’accident de Fukushima. Pas besoin non plus d'une énorme enceinte en bétonbéton comme pour l'EPR : une simple couverture métallique suffit à garantir un « zéro rejet radioactif » même en cas d'accident grave, certifie Jean-Michel Ruggieri.

    L’Akademik Lomonosov est une centrale nucléaire flottante russe de 70 MW développée par Rosatom. © Rosatom

    Production de chaleur ou d’hydrogène

    Ces mini-réacteurs répondent à une vraie demande, met en avant EDF. « Au fur et à mesure que les pays vont fermer leurs centrales à charbon, ils vont devoir les remplacer par une énergie propre et fiable », appuie Jean-Michel Ruggieri. Les éolienneséoliennes ou les panneaux solaires, qui sont des énergies intermittentes, doivent en effet impérativement être complétées par des centrales facilement pilotables, que l'on peut mettre en route rapidement en cas d'absence de ventvent ou de soleilsoleil. Les SMR (ou PRM) peuvent en outre apporter de l'électricité dans les régions isolées ou peu connectées au réseau. Le Canada, notamment, dispose d'un véritable plan de déploiement de SMR car il n'a pas un réseau interconnecté comme en France. Au-delà de l'électricité, les SMR peuvent également répondre à des besoins spécifiques pour l'industrie, la production de chaleur, le dessalement de l'eaudessalement de l'eau de mer ou encore la fabrication d'hydrogènehydrogène. Certains envisagent même des SMR pour alimenter des fermes à bitcoin !

    Pas avant 2035

    Même s'il s'agit d'une technologie éprouvée, les SMR doivent passer par toute une phase de certificationcertification pour valider leur design ou leurs systèmes de sécurité. Ce qui prend, au bas mot, 8 à 10 ans. Certains projets semblent toutefois plus avancés que d'autres. En juin, la Commission nationale de développement et de réforme (NDRC) a officiellement approuvé la construction d'un petit réacteur modulaire (SMR) ACP100 de démonstration à la centrale nucléaire de Changjiang dans la province de Hainan, en Chine. Le projet français Nuward ne sera lui pas disponible avant 2030 ou 2035, reconnaît Jean-Michel Ruggieri. Mais, pour l'expert, pas question de parler de retard. « Le timing est au contraire parfait, car on arrivera juste au moment où les centrales au charbon arrivent en fin de vie ». La France ne devrait toutefois pas être la première concernée, compte tenu de sa filière nucléaire déjà bien développée. Mais Nuward vise plusieurs pays en Europe, comme la République tchèque, l'Estonie, la Pologne ou encore la Finlande. Des pays du Golfe, comme la Jordanie, seraient également très intéressés.
     

    NuScale développe des mini-réacteurs de 75 mW pouvant être combinés jusqu’à 12 dans une centrale. © NuScale

    Une énergie compétitive

    Reste la question du coût. Comme la centrale est moins grosse et que le design est simplifié, la construction est évidemment beaucoup moins chère. Selon la taille et la technologie, les estimations varient entre 100 millions et 1,5 milliard d'euros, contre 24 à 26 milliards pour le projet Hinkley Point en Angleterre par exemple. NuScale avance, de son côté, des coûts d'exploitation et d'entretien inférieurs à ceux des 25 % principales grandes centrales nucléaires américaines. Mais, selon Jean-Michel Ruggieri, la différence ne devrait pas être significative.

    « L'histoire du nucléaire a plutôt été d'augmenter la taille des réacteurs pour réduire le coût du kilowattheure. On tente donc de compenser la taille plus petite en cherchant une conception très modulaire et en maximisant la part qui pourrait être faite en usine », explique dans les Échos Bernard Salha, qui dirige la R&D d'EDF.

    L'avenir du nucléaire se joue pourtant peut-être sur ces fameux SMR. Car, malgré les progrès de la fusion sur le réacteur expérimental ITER, rien ne dit que cette technologie va un jour aboutir sur des réacteurs commercialisables.