Sanitaire et financière, la crise due au coronavirus est protéiforme. Les secteurs qu'elle épargne semblent se compter sur les doigts d'une main. Et la recherche française n'en fait pas partie... Maude, chercheuse contractuelle en neurosciences, nous livre son témoignage.


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    Au vu de son rôle essentiel dans cette pandémiepandémie, on pourrait la croire épargnée. Il n'en est rien. La recherche française, et toutes les personnes qui y sont impliquées, payent un lourd tribut dans la crise du coronavirus.

    « Avec le confinement, les laboratoires ont dû fermer. On a été forcé d'arrêter nos expériences en cours », s'attriste Maude, chercheuse contractuelle en neurosciences. Une mise à l'arrêt qui a provoqué la perte de données, puisque certaines expériences nécessitent un suivi strict. Une évaluation dans le temps.

    « Une de mes amies travaille dans les écoles, sur une nouvelle méthode d'apprentissage de la lecture. Elle fait des évaluations à la fin de l'année, pour en mesurer l'impact. Avec le confinement, elle a perdu une année de recherche. »

    En France, selon les chiffres 2020 du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 618.600 personnes travaillent dans le monde de la recherche, dont 295.754 chercheurs et chercheuses. © Alphaspirit, Adobe Stock
    En France, selon les chiffres 2020 du ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche, 618.600 personnes travaillent dans le monde de la recherche, dont 295.754 chercheurs et chercheuses. © Alphaspirit, Adobe Stock

    Money, money, money...

    Une situation d'autant plus tragique que la personne est contractuelle. Certains organismes comme le CNRS embauchent des permanents sur concours, sous un statut de fonctionnaire, mais la plupart des chercheurs demeurent en CDD. Or, « quand les projets sont financés, cela finance aussi les salaires ».

    Chaque année, des chercheurs envoient des demandes de financement à l'ANR. L'Agence nationale pour la Recherche. Celle-ci, au travers d'un long processus, sélectionne les projets qui recevront des subventions. « Environ 10 à 15 % des projets envoyés », estime Maude. Ensuite, les équipes de recherche « allouent une partie de ce budget aux expérimentations et une autre aux salaires ».

    Fatalement, « les fonds alloués aux salaires ne sont pas décalés ». Cela signifie que les recherches qui auraient dû continuer en mars sont perdues. Que la pause forcée par le confinement a mis à terre des mois de travaux.

    « J'ai perdu six mois de salaire »... Maude désespère. Ce salaire « perdu » devait lui permettre d'être payée durant ses recherches. « Je travaille sur la façon dont le cerveaucerveau fonctionne chez les personnes dans le comacoma, et surtout chez celles qui se réveillent pour savoir s'il y a des marqueurs permettant d'indiquer si une personne va se réveiller. »

    Si elle souhaite terminer son protocoleprotocole de recherche, Maude devra le continuer sans revenus.

    En France, le budget 2020 alloué par l'État à la recherche et au développement est de 2,2 % du PIB dont une partie sert seulement au fonctionnement de l'ANR. © Nattakorn, Adobe Stock
    En France, le budget 2020 alloué par l'État à la recherche et au développement est de 2,2 % du PIB dont une partie sert seulement au fonctionnement de l'ANR. © Nattakorn, Adobe Stock

    « On est tous désespérés »

    Parmi les chercheurs, la colère gronde et dénonce ce fonctionnement qui écrase l'avenir. Un avenir « absent » soupire Maude. « J'ai des fonds pour un an, mais j'ai épuisé tous les recours. Je vais devoir me reconvertir. »

    Un constat encore plus amer lorsque l'on enseigne à l'université. À la rentrée prochaine, « toute mon organisation va dépendre des fonds octroyés pour les cours, explique la chercheuse. Il faut des masques, on doit dédoubler les cours pour respecter la distanciation sociale, et certaines universités ont déjà dit qu'elles ne dédoubleraient pas les financements ».

    C'est une chute sans fin. « On est tous désespérés. On est en train de nous asphyxier... Il n'y aura bientôt plus de recherche en France. J'ai un étudiant qui vient d'avoir son master, mais il n'a pas de financement pour sa thèse. Je vais devoir choisir entre le payer lui ou me payer moi. »