Plus de 2.700 ans avant notre ère, l'empire assyrien régnait d'une main de fer sur sa région. Il avait conquis territoire après territoire, peuple après peuple... avant de s'effondrer brutalement. Bien des thèses ont essayé d'expliquer cette disparition, mais une pièce manquait au puzzle. Comment un peuple si puissant a-t-il pu connaître une chute si rapide ? Après sa chute, pourquoi la région n'a-t-elle pas été occupée pendant plus de 100 ans ? De nouvelles données ont peut-être levé le voile sur la pièce manquante : une grande et longue sécheresse.


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    L'empire assyrien a connu son apogée entre 920 et 730 avant J.-C., avant de subir une chute inexorable jusqu'à l'effondrementeffondrement de sa civilisation en 609 avant J.-C. Les fouilles et l'étude de la région ont déjà permis de retracer une grande partie de l'Histoire et de la culture de ce peuple. Pourtant, les causes de sa disparition demeurent floues.

    Une étude publiée dans la revue Science Advances vient peut-être de lever le voile sur ce mystère. À partir de spéléothèmes présents dans la grotte de Kuna Ba, c'est-à-dire des dépôts minérauxminéraux précipités comme des stalagmitesstalagmites ou des stalactitesstalactites, les chercheurs ont pu caractériser le climatclimat de l'époque. Il apparaît que durant le summum de l'empire assyrien, le climat était particulièrement pluvieux. Tandis que lors de sa chute, les temps se firent extrêmement secs, et cette sécheressesécheresse persista pendant 125 ans. Or, les Assyriens étaient une civilisation agraire. Et contrairement aux Babyloniens, il n'avait pas recours à l'irrigationirrigation, ce qui les a rendus extrêmement sensibles à la pluviométrie.

    L'extension de l'empire assyrien peut être découpée en trois phases. La troisième phase signe la conquête de Babylone. © Zunkir, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0
    L'extension de l'empire assyrien peut être découpée en trois phases. La troisième phase signe la conquête de Babylone. © Zunkir, Wikimedia Commons, CC by-sa 3.0

    Une puissante armée... mais peu de récoltes pour la nourrir

    Cette découverte explique non seulement la disparition de l'empire assyrien, mais aussi pourquoi le rétablissement de la région a pris plus d'une centaine d'années. Jusqu'à présent, la thèse principale stipulait un concours de circonstances entre un affaiblissement interne de l'empire et de la famille royale, et la révolte du peuple babylonien, qui n'a jamais toléré l'accaparement de son territoire. D'autres peuples emboîtèrent le pas de la Babylonie, à l'instar des Mèdes et des Scythes. Mais un nuagenuage obscurcissait cette théorie. Comment un peuple aussi puissant, disposant d'une armée redoutable, avait-il pu être renversé aussi rapidement ?

    Les chercheurs pensent avoir résolu ce mystère. En étudiant les ratios isotopiques de l'oxygène et de l'uranium dans des spéléothèmes, ils ont pu reconstituer 4.000 ans de paléoclimat dans la région. En effet, ces isotopes sont sensibles aux variations de pluviométrie et de température, les transformant ainsi en indicateurs des temps anciens. 

    Dès lors, l'équipe a observé une corrélation. La période florissante de l'empire Assyrien correspond à une période à la pluviométrie plus élevée que la normale, suggérant de somptueuses récoltes. Cela fut suivi d'une grande sécheresse, entre 675 et 550 avant J.-C., laquelle correspond à la chute de l'empire et à l'absence de repeuplement de la région. Les récoltes n'y étaient plus suffisamment abondantes.

    Les données de l'isotope δ<sup>18</sup>O montrent l'évolution de la pluviométrie lors des 4.000 dernières années, avec en rouge, les périodes de grande sécheresse, et en vert, les périodes à la pluviométrie généreuse. La période entre 550 et 950 ans avant J.-C. a été agrandie afin de distinguer les corrélations entre les évènements climatiques et l'Histoire de l'Assyrie. © Ashish Sinha, Science Advances
    Les données de l'isotope δ18O montrent l'évolution de la pluviométrie lors des 4.000 dernières années, avec en rouge, les périodes de grande sécheresse, et en vert, les périodes à la pluviométrie généreuse. La période entre 550 et 950 ans avant J.-C. a été agrandie afin de distinguer les corrélations entre les évènements climatiques et l'Histoire de l'Assyrie. © Ashish Sinha, Science Advances

    De la collapsologie des temps anciens

    Évidemment, l'étude ne prétend pas avoir trouvé l'unique cause de cette chute. Mais cet élément est ressenti comme la pièce terminant le puzzle, à côté de l'instabilité politique et des attaques armées. « Tout fait sens désormais. Pas étonnant qu'ils soient partis et ne soient pas revenus », déclare Harvey Weiss, archéologue à l'université de Yale et un des auteurs de l'étude.

    Néanmoins, on peut se demander pourquoi les autres civilisations de la région n'ont pas subi le même sort. Harvey Weiss l'explique facilement : « L'Assyrie était une société agraire, dépendante des précipitationsprécipitations saisonnières pour la culture de céréalescéréales. Au sud, les Babyloniens se reposaient sur l'agricultureagriculture irriguée, donc leurs ressources, leur gouvernement, et leur société n'ont pas été affectés par la sécheresse. »

    Les phénomènes climatiques feraient partie d'un ensemble de facteurs conduisant à l'effondrement d'une civilisation. © Андрей Яланский, Adobe Stock
    Les phénomènes climatiques feraient partie d'un ensemble de facteurs conduisant à l'effondrement d'une civilisation. © Андрей Яланский, Adobe Stock

    Ce ne serait pas la seule société dont la disparition semble avoir été précipitée par des phénomènes climatiques. La civilisation maya aurait également subi une période de grande sécheresse, qui ne serait pas le seul facteur, mais pourrait être l'un des facteurs de sa chute. Une thèse similaire s'applique à l'empire khmer.

    Colin Kelley, climatologueclimatologue au Centre pour le climat et la sécurité de Washington, est d'ailleurs lucide. « Les sociétés agraires sont très vulnérables à la sécheresse. Il n'est pas difficile de tracer une ligne claire entre la sécurité alimentaire et hydrique et les troubles politiques. »