Frédérick Mathis a créé ETRE, la première école qui forme les jeunes en rupture scolaire aux enjeux de la transition écologique. Un modèle d'école novateur, gratuit et moteur de la diversité, qui tente de donner une alternative à des profils qui ne demandent qu'à s'engager. Entretien avec son fondateur.
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L'école ETRE forme des jeunes en rupture scolaire aux enjeux et aux métiers de la transition écologique. Selon Frédérick Mathis, son fondateur, la théorie se fait par l'expérimentation sur le terrain, ainsi que par la rencontre avec des professionnels. Il souhaite offrir à ces jeunes « en perte de repères » une opportunité pour opérer, eux aussi, une transition dans la vie et pour s'intégrer comme citoyens à part entière dans la société.
Pourquoi avez-vous créé cette école ?
La thématique de la transition écologique est apparue assez vite aux alentours des années 2005. J'ai commencé à faire des actions dans les quartiers de Toulouse pour sensibiliser les jeunes à ces questions d'environnement et je me suis rendu compte qu'ils n'étaient pas hyper intéressés par le sujet. Alors je me suis dit qu'on allait partir à la campagne, à 40 kilomètres de Toulouse dans mon village d'enfance, pour les sortir de leur contexte quotidien et les mettre en action. Parmi les 10 ou 15 jeunes en décrochagedécrochage scolaire avec qui on partait une dizaine de jours, un tiers d'entre eux revenait pour me dire qu'ils aimeraient bien continuer. Petit à petit, on a imaginé des formations jusqu'à arriver à la formule qui a été mise en place à Lahage dès 2017. Je me souviens d'une phrase d'une jeune qui nous a dit : « Vous avez créé une école pour les jeunes qui n'aiment pas l'école ».
Quelles formations retrouve-t-on dans cette école ?
Il existe quatre types de dispositifs dans l'école. Tout d'abord, celui de la « remobilisation » qui accueille des jeunes ayant quitté l'école à 16 ans, qui ne savent pas ce qu'ils veulent faire. Ce module est axé autour de la pratique et de l'expérimentation sur les métiers de l'environnement. Ensuite, il y a la « formation pré-qualifiante » qui dure entre 6 et 9 mois, où les jeunes travaillent sur la compréhension des questions de la transition jusqu'à la façon d'agir concrètement au quotidien. Puis enfin, il y a la formation qualifiante où les jeunes passent un diplôme et répondent à des commandes concrètes des collectivités, des entreprises. Dans l'école de Lahage, on y délivre un CAP Menuiserie par exemple et bientôt un diplôme sur le maraîchage.
Et le quatrième dispositif ?
C'est un dispositif plus global. On travaille sur la notion de l'engagement et du sens qui est le lien entre tous ces modules, car un jeune du module « remobilisation » va pouvoir ensuite accéder, s'il le souhaite, aux autres. Dans ce dernier, on fait principalement de l'accompagnement à la création d'association ou d'entreprise.
Il y a plusieurs écoles en France. Quelles différences existe-t-il entre elles ?
Chaque école a une couleur différente. C'est-à-dire qu'on va retrouver un cœur de métier propre à la région. À Lahage (Haute-Garonne), on travaille la menuiserie ; dans l'Hérault on travaille sur l'assainissementassainissement naturel et l'agriculture biologiqueagriculture biologique ; à Argentonnay (Deux-Sèvres), on travaille sur la rénovationrénovation écologique ; à Paris, on travaille sur les métiers du vélo. Le but est de créer un réseau, afin de permettre par exemple à des élèves de Paris qui souhaitent poursuivre dans la menuiserie de venir à Lahage.
Comment recrutez-vous les élèves ?
Nous essayons de recruter des groupes de 8 à 12 élèves pour qu'ils puissent travailler ensemble et les mettre en activité, car pour certains la passivité est dévastatrice. Ces groupes sont composés à 80% de jeunes en transition au parcours complexe (décrochage, déscolarisation, etc.) et à 20% de personnes en reconversion professionnelle. On mise beaucoup sur la mixité des publics pour amener d'autres réflexions et nourrir les parcours des uns et des autres.
Vous parlez d'école gratuite, mais comment financez-vous ces structures ?
Aujourd'hui, ce sont principalement les régions qui financent les écoles. En Occitanie, les écoles de la transition écologique sont reconnues et cela permet d'accéder à des financements. Les jeunes ont un statut d'étudiants en formation professionnelle, qui se rapproche de celui de l'École de la deuxième chance. Nous faisons partie aussi du réseau des associations partenaires de la Fondation Nicolas HulotNicolas Hulot qui nous apporte un soutien financier, et plus largement un rayonnement national.
Vous avez des projets pour 2021 ?
Oui, l'ouverture de nouvelles écoles, notamment dans les Pyrénées-Orientales ou encore dans l'Allier, où nous mettrons en place des formations en maraîchage par exemple. Avec la pandémiepandémie, les projets ont un peu été ralentis, mais en tout, un peu plus de 5 écoles vont ouvrir en 2021. Nous travaillons aussi sur d'autres projets, notamment sur la dimension européenne que l'on veut donner à ce réseau. On veut mettre en place des échanges d'élèves et des partenariats avec d'autres écoles en Europe. Il y a deux projets de création d'écoles en Grèce et à Chypre à ce jour, car nous avons vraiment la volonté de créer un réseau pour favoriser et formaliser le compagnonnage entre écoles.