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Le mont Sharp est la montagne qui culmine au centre du cratère Gale (150 km de diamètre) à l'intérieur duquel s'est posé Curiosity, le 6 août 2012. Il aura donc fallu un peu plus de deux ans terrestres et quelque neuf kilomètres de route au rover pour rejoindre sa destination finale. En fait, le pied de ce mont Sharp est une limite incertaine, définie de manière quelque peu arbitraire. Si la Nasa annonce que son rover y est bien arrivé, c'est que l'analyse morphologique du terrain sur lequel il se trouve semble indiquer qu'il a franchi une limite. En d'autres termes, la nature du terrain a clairement changé.
Mais il reste du chemin à faire. Or, en raison de l'usure précoce de certaines de ses six roues, la Nasa tient à ménager cette belle mécanique. Elle a donc été contrainte de revoir ses plans pour attaquer l'ascension (ou plutôt son tout début) et l'étude de cette montagne qui culmine à 5.500 mètres. Les buttes de Murray furent donc abandonnées au profit de Pahrump Hills, où il se trouve actuellement. La nature du terrain de ce site est bien moins accidentée que le premier et meilleure aussi pour évaluer l'importance géologique du socle de la montagne au contact des dépôts sédimentaires du cratère. En outre, la nouvelle entrée des pentes inférieures du mont Sharp est scientifiquement considérée comme plus intéressante.
En jaune, le tracé de la nouvelle route de Curiosity pour explorer le mont Sharp. © Nasa, JPL
Curiosity n'a pas encore tranché sur l'habitabilité passée de Mars
Cette nouvelle phase de la mission qui débute s'avère tout aussi passionnante que les deux premières années d'activité du rover au cours desquelles fut démontrée l'habitabilité de la planète au cours d'une période de son histoire. Toutefois, en quittant les plaines du cratère Gale, il laisse sans réponses beaucoup de questions auxquelles les stratesstrates du mont Sharp pourraient répondre.
En effet, ce que l'on sait de l'habitabilité du cratère Gale n'est pas suffisant pour dire si la planète a été habitée. Certes, comme nous l'a si bien expliqué OlivierOlivier Gasnault, planétologue à l'Irap (CNRS, université de Toulouse Paul Sabatier), en charge des opérations scientifiques de ChemCam, « nous savons que dans le cratère Gale, de l'eau à l'état liquideétat liquide s'est écoulée et qu'il y a eu les bons éléments chimiques et le bon environnement ». De surcroît, cette eau n'a été « ni trop acide ni trop basique, voire potable » nous a expliqué Francis RocardFrancis Rocard, responsable des programmes d'exploration du Système solaireSystème solaire au CNESCNES.
Pour l'instant, d'après ce que l'on sait de cette région de Mars, on ne peut pas dire si la vie a pu émerger et se développer durablement. Pour répondre à cette question, les scientifiques ont besoin de connaître les conditions qui régnaient sur Mars il y a 3 à 4 milliards d'années, seules époques où la vie a pu apparaître. Il faut notamment déterminer quelles ont été les quantités d'eau à l’état liquide présentes à la surface de la planète rouge, pendant combien de temps et de quelle nature (acide, salée, douce) était-elle ? Si on découvre que la vie a été possible, il n'y aura donc plus qu'à aller la chercher...
Si la Nasa a choisi le mont Sharp pour répondre à ces questions, ce n'est évidemment pas par hasard. Cette montagne n'est pas un simple pic central résultant d'un rebond lors de la formation du cratère. Gale est en réalité bien plus complexe.
Sur cette image, le site d’atterrissage de Curiosity (ellipse), ses deux premières années d’activité et, en vert, les régions qu’il pourrait explorer ces prochains mois. © Nasa, JPL
Le mont Sharp est un livre ouvert
La Nasa suppose qu'après sa formation, le cratère Gale a été entièrement rempli de matériaux sédimentaires, charriés par une série de débâcles (inondationsinondations catastrophiques) ou par des dépôts de glace et de poussières, des mêmes phénomènes également à l'origine des calottes polaires martiennes. S'en serait suivie une longue période d’érosion, de quelque 2 milliards d'années, laquelle a creusé les sédimentssédiments du cratère mais en conservant une partie centrale.
Le résultat est que le pic central primordial est à présent recouvert d'une succession de couches sédimentaires qui font tout l'intérêt de cette montagne et justifient l'arrivée de cette mission qui a coûté 2,5 milliards de dollars.
Ces couches sont autant de successions d'époques de l'histoire de Mars. De bas en haut, on trouve des strates de minérauxminéraux hydratés, des strates d'argilesargiles, des strates d'oxyde de ferfer, et plus haut des smectites et des sulfates. Un livre ouvert sur l'histoire minéralogique de la planète Mars, en quelque sorte. Pour les géologuesgéologues, le fait d'avoir des couches qui correspondent à une échelle de temps va permettre de confirmer si ce que l'on observe depuis le début de la mission a une étendue géographique plus importante que le petit bassin dans lequel se trouvait CuriosityCuriosity.
Le rover sera ainsi capable d'analyser chaque couche séparément, d'en déterminer la composition et de prélever des échantillons qui donneront des informations sur les quantités d'eau en jeu, sa nature (alcalinealcaline ou acide). S'il trouve des composés organiques, la question sera de savoir s'ils sont liés d'une façon ou d'une autre au vivant ?