Les disques protoplanétaires que nous observons sont similaires à celui où sont nées les planètes rocheuses du Système solaire. On peut penser que les météorites contiennent des informations sur les exoplanètes rocheuses de taille modeste, et notamment sur l'origine et la composition des atmosphères qu'elles pourraient posséder.

Sans la découverte d'une nouvelle physique permettant d'effectuer d'une façon ou d'une autre des voyages beaucoup plus rapidement qu’à la vitesse de la lumière (ou pour le moins presque à cette vitesse) et avec des quantités modestes d'énergie, il est impossible dans une vie d'Homo sapiens de se rendre sur une exoplanète pour échantillonner directement son atmosphère et son sol s'il s'agit d'une planète rocheuse.

Heureusement, cosmochimistes et astrochimistes ne sont pas désarmés devant le problème de la détermination de la composition de ces astres, pas plus que les astrophysiciens dès le XXIe siècle ne l'étaient pour déterminer la composition du Soleil et des étoiles. Tous ces chercheurs ont donc déterminé depuis longtemps déjà la composition de nombreuses atmosphères d'étoiles et aussi du milieu interstellaire où naissent ces étoiles. Nous avons même des renseignements sur la composition minéralogique des disques de poussières et de gaz où se forment des exoplanètes. Pour donner un exemple, le satellite Herschel ayant observé le disque protoplanétaire autour de l'étoile Bêta Pictoris y a découvert des traces d'olivines typiques des comètes solaires. Ce silicate est bien connu aussi sur Terre où il peut exister sous plusieurs formes, dont certaines sont riches en fer, comme la fayalite, ou en magnésium, comme la forstérite. Les cristaux d'olivine riche en fer se retrouvent d'ailleurs aussi dans des météorites provenant de grands astéroïdes.


De belles images et explications concernant la formation du Système solaire. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Goddard

La cosmochimie, une clé de la cosmogonie et de l'exobiologie

On a déjà commencé à analyser la composition des atmosphères de certaines exoplanètes mais ce sont celles qui pourraient exister autour d'exoplanètes rocheuses qui intéressent le plus car on aimerait bien y trouver des biosignatures convaincantes. Ce qu'elles seraient reste encore à définir et la tâche à accomplir n'est en rien aisée, comme l'a expliqué à Futura à plusieurs reprises l'astrophysicien Franck Selsis. Il ne sera donc pas facile de savoir non seulement si la vie ailleurs existe mais aussi si elle se développe et se complexifie facilement dans la Voie lactée.

Il est certain que pour cela nous devons en apprendre le plus possible sur l'origine et l'évolution des atmosphères des planètes telluriques. Les prochaines générations de télescopes, comme le James-Webb, devraient nous permettre d'en apprendre plus sur la composition de ces atmosphères.

Mais si l'on en croit un groupe de chercheurs états-uniens, principalement de l'UC Santa Cruz, il est déjà possible d'avoir des estimations crédibles concernant au moins les atmosphères primitives des exoplanètes rocheuses, comme ils l'expliquent dans un article publié dans Nature Astronomy. Il suffisait pour cela d'étudier en laboratoire sur Terre le dégazage de météorites parmi les plus primitives du Système solaire lorsqu'elles sont vigoureusement chauffées.


Comment l'analyse des météorites en laboratoire a-t-elle été faite ? Quelques éléments de réponses dans cette vidéo. © CRPG

Pour comprendre de quoi il en retourne il faut se souvenir des premiers travaux conséquents des chimistes sur la composition isotopique des météorites. Environ 80 % de celles que l'on trouve sur Terre sont des chondrites. Les autres sont des sidérites - constituées de fer presque pur avec du nickel - et des achondrites, lesquelles sont proches des roches plutoniques et volcaniques. Or, comme l'a notamment montré le grand chimiste Harold Urey, la composition chimique moyenne des chondrites est remarquablement similaire à celle de l'atmosphère du Soleil pour des éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium. C'est l'un des arguments avancés pour développer la théorie de l'accrétion planétaire avec l'hypothèse que ces météorites proviennent du même matériau à l'origine de notre étoile et qu'elles constituent donc une machine à remonter dans le temps permettant de comprendre l'origine des planètes du Système solaire.

Des astres, comme la Terre ou Mars, se seraient donc formés par un effet boule de neige de capture gravitationnelle de petits corps ayant la même composition que les chondrites. Le processus a libéré beaucoup d'énergie gravitationnelle sous forme de chaleur lors des impacts d'astéroïdes à la surface des protoplanètes et le chauffage des matériaux accrétés s'est aussi produit en raison de la présence d'éléments radioactifs.

Il y avait de l'hydrogène et de l'hélium dans le disque ou sont nées les protoplanètes rocheuses mais leurs champs de gravitation étaient trop faibles pour retenir ces éléments volatils. De sorte que les premières atmosphères des planètes rocheuses devaient principalement venir du dégazage de la matière chondritique les composant initialement, sous l'action de la chaleur.

Des échantillons de trois météorites chondrites carbonées – Murchison, Jbilet Winselwan et Aguas Zarcas – ont été analysés dans les expériences de dégazage exposées dans l'article de <em>Nature Astronomy</em>. © M. Thompson
Des échantillons de trois météorites chondrites carbonées – Murchison, Jbilet Winselwan et Aguas Zarcas – ont été analysés dans les expériences de dégazage exposées dans l'article de Nature Astronomy. © M. Thompson

Des atmosphères produites par dégazage d'un matériau chondritique

Or il se trouve que les observations montrent que la composition initiale du disque protoplanétaire à l'origine du Système solaire n'était pas très différente de celle d'autres disques. L'exemple de Bêta Pictoris, mais il y en a d'autres, laisse penser également que le dégazage sur des exoplanètes rocheuses a dû conduire à des atmosphères primitives similaires à celles de Vénus, la Terre et Mars.

Les chondrites carbonées étant les météorites les plus primitives du Système solaire, c'est donc elles qu'il faut chauffer en laboratoire pour tenter de percer les mystères des atmosphères des planètes rocheuses. Les trois météorites analysées pour cette étude étaient la chondrite de Murchison, tombée en Australie en 1969 ; Jbilet Winselwan, collectée au Sahara occidental en 2013 ; et Aguas Zarcas, qui a chuté au Costa Rica en 2019.

Des échantillons de ces météorites ont donc été placés dans un four où ils ont été chauffés sous vide à 1.200 degrés Celsius. Un spectromètre de masse a ensuite été utilisé pour analyser les gaz volatils produits à partir des minéraux de l'échantillon. Il s'est avéré que la vapeur d'eau était le gaz dominant, avec des quantités importantes de monoxyde de carbone et de dioxyde de carbone, et de plus petites quantités d'hydrogène et de sulfure d'hydrogène gazeux également libérées.

On ne peut s'empêcher de penser à l'atmosphère de Vénus telle qu'elle devait être avant que la planète perde massivement de l'eau en raison d'un effet de serre et on sait que l'atmosphère de Mars contient principalement elle aussi du gaz carbonique. Sur Terre, ce gaz a été piégé dans les calcaires.

On peut donc penser que les exoplanètes rocheuses, en tout cas de masse pas trop importante, peuvent posséder des atmosphères primitives similaires. Ce qui permet aussi de préciser nos idées sur l'exobiologie. Mais dans le cas des superterres, plus massives, les choses se passent peut-être différemment, comme nous l'avions expliqué dans un précédent article.

Un échantillon de la météorite de Murchison. Environ 100 kg sous forme de fragments de tailles diverses ont été retrouvés mais d'autres fragments existent certainement. © Randy L. Korotev 
Un échantillon de la météorite de Murchison. Environ 100 kg sous forme de fragments de tailles diverses ont été retrouvés mais d'autres fragments existent certainement. © Randy L. Korotev