Pour garantir la sécurité de la libre circulation des données et leur utilisation, la Commission européenne souhaite doter l’Europe d’une infrastructure de télécommunications quantiques, inédite aujourd’hui. Le but est de renforcer drastiquement la sécurité des applications critiques dans les domaines des télécommunications, de la finance, des soins de santé, de l'approvisionnement en électricité et des services publics par exemple. Les explications très techniques de Mathias Van Den Bossche, directeur Telecom & navigation system R&D, Quantum technology roadmap leader, Thales Alenia Space, et de Marko Erman, directeur technique Thales.


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    À l'ère du numériquenumérique, la sécurité des données, qu'elles soient critiques ou non, est devenue un enjeu majeur avec la nécessité d'un niveau de sécurité très élevé, d'autant plus que tous les domaines et secteurs d'activités sont concernés. À cela s'ajoute qu'à notre époque, un pare-feupare-feu ne suffit plus pour protéger nos données comme cela était le cas il y a encore quelques années en arrière. De la technologie du cloud à l'Internet des objetsInternet des objets, sans oublier l'utilisation massive de systèmes de communications mobilesmobiles, les cybercriminels et autres pirates informatiques ont l'embarras du choix pour mener leurs attaques.

    Pour assurer la protection efficace des données sensibles utilisées par tout un chacun mais surtout les gouvernements, les infrastructures d'intérêt vital et les établissements financiers ou de santé, la Commission européenne a lancé le projet OPENQKD. Il consiste à « installer des infrastructures test de communication quantique dans plusieurs pays européens, aussi bien par des solutions satellitaires que terrestres » nous explique Mathias Van Den Bossche, directeur Telecom & navigation system R&D, Quantum technology roadmap leader, Thales Alenia Space. La principale finalité de ce projet est de renforcer « drastiquement la sécurité des applications critiques dans les domaines des télécommunications, de la finance, des soins de santé, de l'approvisionnement en électricité et des services publics ».

    Depuis les années 1990, « on sait manipuler des systèmes à l'échelle atomique, particule par particule, ce qui ouvre d'immenses possibilités pour les exploiter ». De façon maximaliste, « par exemple pour transférer l'état d'un bit quantique d'un ordinateur quantique vers un autre ordinateur quantique, ou pour mettre en réseau des capteurscapteurs quantiques (Réseau d'information quantique RIQ) » ou exploiter de façon plus réduite, « pour sécuriser des réseaux de télécommunication (réseau à sécurité quantique RSQ) ». Dans ce cas, on utilise des mécanismes quantiques pour se mettre d'accord sur des nombres aléatoiresnombres aléatoires aux deux extrémités d'une ligne, dans des « conditions telles qu'on est sûr que seules les deux extrémités de la ligne connaissent le résultat ». Ces nombres aléatoires peuvent alors servir de clés de chiffrementchiffrement et donc sécuriser des communications. On parle dans ce cas, de façon un peu abusive, de « cryptographie quantique ou de distribution de clés quantiques (QKD) ». Les clés secrètesclés secrètes issues de la QKD permettent un « chiffrement ultra-sécurisé pour  transmettre des données avec un très haut niveau de confidentialitéconfidentialité contrôlée ».

    La participation de Thales à ce projet s’explique par son savoir-faire dans les briques technologiques de base de ces systèmes quantiques depuis presque deux décennies, portée par des solutions brevetées de réseaux sécurisés par le quantique dans la fibre optique autant que par ses capacités d’intégrateur système terrestre et spatial. © metamorworks, Adobe Stock
    La participation de Thales à ce projet s’explique par son savoir-faire dans les briques technologiques de base de ces systèmes quantiques depuis presque deux décennies, portée par des solutions brevetées de réseaux sécurisés par le quantique dans la fibre optique autant que par ses capacités d’intégrateur système terrestre et spatial. © metamorworks, Adobe Stock

    Construire un futur de confiance

    Le but est d'intégrer des « dispositifs quantiques, pour mettre en œuvre des usages comme la cryptographie quantique (Quantum Key Distribution, QKD) », ajoute Marko Erman, directeur technique Thales. L'objectif est de mettre en service un « réseau sécurisé par le quantique opérationnel d'ici 2028 et le passer en mode réseau d'information quantique vers 2035 ».

    Pour comprendre ce dont il s'agit quand on parle d'infrastructure de communications quantiques, il faut savoir que le transfert « des états quantiques d'un endroit à un autre utilise une à une des particules de lumière : les photons qui se propagent dans de la fibre optiquefibre optique ou en espace libre ». Pour tenir compte de cette particularité et des « limites qu'impose l'utilisation de la fibre optique pour le transport de ces particules de lumière », cette infrastructure quantique nécessitera une « composante terrestre en fibre optique dans chaque grande agglomération, connectée aux autres agglomérations par une composante satellite ».

    En effet, dans de la fibre optique, qui est un milieu dense, les photons sont absorbés par la matièrematière. Et comme ils sont quantiques, ces signaux « sont très faibles, et on ne peut pas les amplifier ce qui perturberait leur état ». Il en résulte qu'au bout de quelques dizaines de kilomètres, la « communication n'est plus possible ». Par contre, si on sait « transmettre un faisceau bien focalisé de tels photons entre sol et satellite avec des télescopestélescopes de qualité suffisante », on sait aller beaucoup plus loin que dans de la fibre optique.

    De la fibre et des satellites pour transmettre l’information quantique

    En ce qui concerne la fibre, les « réseaux déjà déployés pourront être réutilisés, au moins dans un premier temps, car il sera seulement nécessaire de changer les boîtiers au bout de chaque ligne », précise Mathias Van Den Bossche.

    Quant à la composante spatiale « nécessaire pour les connexions quantiques à grande distance », tout est à développer mais il est « trop tôt pour être plus précis, car son architecture dépendra d'un certain nombre de contraintes que nous sommes en train d'identifier dans le cadre du projet OPENQKD ». Par exemple, pour dimensionner les satellites, il faut déterminer « la quantité d'informations à transmettre », qui va jouer sur l'altitude de l'orbiteorbite et la taille des télescopes mis en jeu. Une « solution de type constellationconstellation en orbite basse est à ce stade plus crédible ».

    Cela dit, si on sait déjà réaliser des « télécommunications quantiques », qui consistent à « transférer l'état d'un système quantique d'un endroit à un autre », la maîtrise de la technologie propre aux réseaux d'information quantique, est « moins poussée car les défis sont plus ambitieux », nous rappelle Marko Erman.

    Ces nouveaux moyens de télécommunication vont donner lieu à un « nouveau type de réseau. Pas tant par leur support physiquephysique que par la façon dont ils fonctionnent et par l'utilisation qui en est faite », notamment parce que les communications quantiques, comme le calcul quantique ou les capteurs quantiques, « mettent en jeu des phénomènes à l'échelle atomique, où ce sont les lois de la physique quantiquephysique quantique qui prévalent ». Concernant la composante spatiale, la technologie est moins avancée, mais le lancement en août 2016 par la Chine du premier satellite au monde à communication quantique, issu d'une technologie autrichienne, montre que « sa mise en œuvre est tout à fait faisable ».

    Avec le programme Quantum Technologies Flagship de la Commission européenne, réparti dans quatre domaines (le calcul quantique, la simulation quantique, la communication quantique et la métrologie quantique), l'Europe « investit au même niveau que les États-Unis ou la Chine, et reste terre d'excellence académique en physique quantique », concluent les deux responsables.