Le second site d’atterrissage de Philae, de la mission Rosetta, a été découvert. Le lander y a laissé son empreinte dans de la glace vieille de plusieurs milliards d’années, révélant ainsi que l’intérieur de la comète glacée est plus léger que celui de la neige fraîchement tombée. Les explications de Sonia Fornasier, co-investigatrice dans l’instrument Osiris et scientifique associée de Virtis.


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    L'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne a réussi à identifier le second site d'atterrissage du petit robotrobot Philae de la mission Rosetta en s'appuyant sur les données des instruments Osiris, Virtis et RPC-MAG de la sonde RosettaRosetta, et de l'instrument Romap de Philae. Souvenez-vous, en novembre 2014 Rosetta larguait Philae sur la comète 67P/Churyumov-Gerasimenko (Tchouri) pour une mission inédite d'exploration. Le robot a bien atterri sur le site prévu, Agilkia, avant de rebondir et réaliser un vol d'une durée de deux heures au cours lequel il est entré en collision avec le bord d'une falaise et a dégringolé vers un second site d'atterrissage. Philae s'est finalement arrêté à Abydos, dans un lieu abrité qui n'a été identifié dans les images prises par Rosetta que 22 mois plus tard, quelques semaines avant la fin de la mission Rosetta ! Au final, Philae aura sondé et exploré trois régions différentes de la comète.

    Explorez la région d'Abydos où se situe Philae. © ESA, Gerhard Paar (Joanneum Research Forschungsgesellschaft mbH), O'Rourke et al (2020)

    À l'époque, le second site d'atterrissage n'avait pas pu être identifié, ce qui avait contrarié l'équipe scientifique de la mission. Avec une équipe de scientifiques et d'ingénieurs de la mission, Laurence O'Rourke de l'ESA s'est attelé à rassembler des données des instruments de Rosetta et de Philae. Après plusieurs années de travail, l'équipe a finalement trouvé et confirmé l'emplacement de ce second site d'atterrissage, « localisé dans un lieu dont la forme rappelle un crânecrâne », explique Laurence O'Rourke. Il était « important de trouver ce site parce que les capteurscapteurs de Philae ont indiqué qu'il avait pénétré la surface, exposant ainsi vraisemblablement la glace primitive cachée sous celle-ci, ce qui nous donnerait un accès inestimable à de la glace vieille de plusieurs milliards d'années ».

    L'empreinte de Philae dans cette structure a créé comme un deuxième œil dans le crâne d'un squelette. © ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA; O’Rourke et al (2020)
    L'empreinte de Philae dans cette structure a créé comme un deuxième œil dans le crâne d'un squelette. © ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA; O’Rourke et al (2020)

    Lors de son « atterrissage » sur ce second site, Philae y est resté pendant presque deux minutes complètes, effectuant au moins quatre contacts distincts avec la surface. Un laps de temps très court pendant lequel le petit robot a laissé son « empreinte dans de la glace vieille de plusieurs milliards d'années, révélant ainsi que l'intérieur de la comète glacée est plus léger que celui de la neige fraîchement tombée », nous explique Sonia Fornasier, co-investigatrice dans l'instrument Osiris et scientifique associée de Virtis. Cette empreinte, particulièrement notable, a été créée alors que le dessus de Philae « s'enfonçait de 25 centimètres dans la glace de la paroi d'une crevasse, laissant des marques identifiables de son instrument de forage et de ses côtés », précise la scientifique également maître de conférencesmaître de conférences à l'université de Paris et au LESIA-Observatoire de Paris, membre de l'Institut universitaire de France.

    Les différents sites des touchdown de Philae à la surface de Tchouri. © ESA/Rosetta/Philae/ROLIS/DLR; all other images: ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA; Analysis: O’Rourke et al (2020)
    Les différents sites des touchdown de Philae à la surface de Tchouri. © ESA/Rosetta/Philae/ROLIS/DLR; all other images: ESA/Rosetta/MPS for OSIRIS Team MPS/UPD/LAM/IAA/SSO/INTA/UPM/DASP/IDA; Analysis: O’Rourke et al (2020)

    De la glace vieille de 4,5 milliards d'années

    Au-delà de la performance technique, qui a été de trouver et localiser le second site d'atterrissage du petit lander, cette étude donne des détails sur la glace primitive mais aussi « fournit les premières mesures in situ de la tendreté de l'intérieur glacé et poussiéreux d'un rocher sur une comète ». Au contact du sol, Philae s'est enfoncé dans un rocher, poreux à 75 %, et a soulevé de la poussière sombre qui couvre la surface, « exposant de fait la matière enfouie, bien plus primitive et de six à huit fois plus brillante que la comète » ! Les instruments Osiris et Virtis ont identifié de la glace d'eau occupant une surface glacée de 3,5 m2. Osiris parvenant ainsi à caractériser son abondance : « la composition de cette région est modélisée avec un mélange incluant 46 % de glace d'eau, une valeur parmi les plus élevées mesurées sur la surface de la comète ». Le rapport massique roches/glace de 2,3 qui en a été déduit est « similaire aux valeurs obtenues sur de la glace fraîchement exposée suite à l'effondrementeffondrement d'une falaise sur le site Aswan (Pajola et al., 2017, Nature Astronomy 1, 92) », alors que la valeur globale pour le noyau de la comète est supérieure à 3. Ceci montre que « malgré une surface sombre et dominée par la poussière, la glace d'eau est très abondance juste en dessous de la surface ».

    Ces données ont un autre intérêt. En effet, dans le but de rapporter des échantillons d'une comète, comme cela est envisagé au-delà de la décennie 2040, il est particulièrement important de comprendre la dureté d'une comète pour de futures missions embarquant un atterrisseur. Le fait que la comète ait un intérieur si poreux et à faible force de cohésion est une « information très importante à la fois pour la conception de mécanismes d'atterrissage et pour les procédés mécaniques qui seront peut-être nécessaires pour récolter des échantillons », explique Matt Taylor, scientifique du projet Rosetta de l'ESA.