Il y a plus d’un an, une « Nuit des idées » réunissait à San Francisco (États-Unis), l’astronome Franck Marchis et le philosophe Clément Vidal. L’occasion pour eux de discuter de l’avenir de l’humanité dans l’espace. Et de souligner l’importance d’adresser des messages intelligents aux civilisations extraterrestres, menant à l’idée d’envoyer l'intelligence artificielle (IA) ChatGPT dans l’espace. Cette tribune explore l’idée et inclut une étude de faisabilité réalisée avec Ignacio Lopez-Francos de la Nasa.


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    Depuis plus de 40 ans, le Seti et le Meti, la messageriemessagerie d'intelligenceintelligence extraterrestre, se penchent sur la recherche de vie extraterrestre, mais pour l'instant, les messages envoyés sont restés lettre morte. L'avènement de l'IAIA comme modèle de langage pourrait permettre à l'humanité de s'affranchir des vastes distances entre les étoiles, et converser en temps réel avec des extraterrestres. Pour autant, il faut réfléchir à ce que l'humanité souhaite leur dire. Ce modèle inclurait du texte, des images et des sons, dont le contenu serait déterminé par divers experts pour représenter l'humanité.

    « Sommes-nous seuls dans l’univers ? »

    « Sommes-nous seuls dans l'Univers ? » Si la question taraude l'humanité, la réponse est pourtant évidente : non tant l'Univers est immense et la recherche de vie extraterrestre est une discipline récente. D'après les relevés des télescopes tels que Kepler et le Transiting Exoplanet Survey SatelliteTransiting Exoplanet Survey Satellite (Tess), il est estimé qu'il y aurait au moins 300 millions d'exoplanètes pouvant potentiellement abriter de l'eau à l’état liquide. Il est peut-être temps de repenser radicalement notre approche.

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    Et si l'intelligence artificielle nous empêchait d'entrer en contact avec des civilisations extraterrestres ?

    C'est pourquoi en tant que scientifiques et planétologues, nous pensons qu'il faut aller plus loin que de transmettre de la musique, des mathématiques ou encore de brèves descriptions de l'humanité, et ajouter un modèle de langage qui va résumer ce qu'est l'humanité et permettre ainsi aux extraterrestres de converser indirectement avec nous. Ils pourront apprendre sur nous et s'affranchir des vastes distances de l'espace et des délais de communication. Si elle apparaît comme potentiellement à risque - si des extraterrestres hostiles venaient à abuser de ces connaissances -, ce serait tout de même un formidable levier pour attirer des extraterrestres curieux d'en apprendre davantage, voire nous rencontrer.

    Franck Marchis, un astronome et planétologie franco-américain, cherche le meilleur moyen d'entrer en contact avec les extraterrestres. © Franck Marchis
    Franck Marchis, un astronome et planétologie franco-américain, cherche le meilleur moyen d'entrer en contact avec les extraterrestres. © Franck Marchis

    Définir le modèle de langage le plus adapté et maximisé

    Aux origines, le père du Seti et Meti, l'astronomeastronome Frank DrakeDrake avait dirigé la création du message d'AreciboArecibo en 1974 qui comprenait des données mathématiques et chimiques de base, une représentation de l'ADNADN, ainsi que des informations sur la population humaine, notre Système solaire et notre technologie, le tout encodé en 1 679 chiffres binairesbinaires. Il aurait sans doute reconnu le potentiel de l'IA pour améliorer la communication avec les extraterrestres.

    Des modèles de langage open sourceopen source plus petits, comme le Llama-3-70B de Meta et le Mixtral 8x22B de MistralMistral AI, pourraient être utilisés. Le Llama-3-70B, par exemple, mesure environ 130 gigaoctets, mais grâce à une technique appelée quantificationquantification, il serait possible de réduire cette taille à quelques gigaoctets tout en conservant ses performances, ce qui est crucial pour une communication interstellaire où l'IA devrait fonctionner de manière autonome sans connexion InternetInternet.

    Surmonter les défis technologiques pour abolir les distances interstellaires

    Mais quelle technologie pour envoyer ces modèles à des extraterrestres ? Radio, large mais lente, ou laserlaser, directionnel et rapide ? Par exemple, le Lunar Reconnaissance OrbiterLunar Reconnaissance Orbiter de la NasaNasa atteint des débitsdébits de transmission de données allant jusqu'à 100 Mbps pour la liaison descendante, ce qui permettrait de transmettre le modèle Llama-3-70B en environ une demi-heure. La communication laser lunaire, ayant atteint des débits de 622 Mbps, pourrait réduire ce temps de transmission à environ cinq minutes.

    La mission Psyché de la Nasa teste un dispositif de communication laser atteignant quelques centaines de Mbps. Avec la technologie actuelle, la communication interstellaire serait limitée à 100 bits par seconde, nécessitant des centaines d'années pour envoyer une IA à Alpha Centauri, l'étoile la plus proche. En revanche, un modèle de quelques gigaoctets pourrait être transmis en moins de 20 ans. D'autres idées sont proposées pour transmettre davantage de données sur des années-lumièreannées-lumière comme l'utilisation de plusieurs puissants lasers pour atteindre 100 gigawatts ou l'emploi du SoleilSoleil comme lentille gravitationnellelentille gravitationnelle pour amplifier les signaux.

    Dans le futur, une civilisation pourrait trouver un vaisseau spatial équipé d'un ancien ordinateurordinateur ou recevoir un signal avec des instructions pour reconstruire nos IA, révélant ainsi notre passé, nos ambitions et notre essence technologique. Il est temps de profiter des avancées en IA pour inaugurer une nouvelle ère de communication interstellaire, en envoyant des modèles linguistiques dans le cosmoscosmos pour ouvrir la porteporte à des échanges avec des intelligences extraterrestres et garantir la pérennité de notre héritage.

    Par Franck Marchis et Ignacio C. Lopez-Francos