La nouvelle a été annoncée peu avant midi. Le prix Nobel de chimie 2023 revient à Louis Brus et à Alexei Ekimov, les découvreurs des quantum dots – les boites quantiques, en bon français. Et à Moungi Bawendi, celui qui a développé une méthode simple pour les produire. Mais pour en apprécier l’importance, encore faut-il comprendre de quoi il s’agit…


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    Tôt ce matin, un journal avait publié trois noms en avance. Trois noms qu'il présentait comme ceux des nouveaux lauréats du prestigieux prix Nobel de chimie. « Une regrettable erreur », selon l'Académie royale des sciences de Suède. D'autant que la décision finale a bien été prise peu avant midi, ce mercredi 4 octobre. Le prix Nobel de chimie 2023 revient à Moungi Bawendi (Massachusetts Institute of Technology, MIT, États-Unis), Louis Brus (université de ColumbiaColumbia, États-Unis) et Alexei Ekimov (Nanocrystals Technology, États-Unis). Ils sont récompensés pour leurs travaux sur les boites quantiques. Les quantum dots, comme on les appelle aussi.

    Mais, les boites quantiques, ce n'est pas du domaine de la physique, ça ? C'est vrai. Mais ce que l'Académie Nobel a voulu récompenser ici, c'est bien la découverte et le développement des boites quantiques. Par des méthodes qui appartiennent... à la chimie ! Pas d'erreur, donc, cette fois. Moungi Bawendi, Louis Brus et Alexei Ekimov ont bien mérité leur prix Nobel de chimie.

    Quand la chimie vient en aide à la physique pour fabriquer des boites quantiques

    Pour y voir plus clair, il va tout de même peut-être nous falloir faire preuve d'un peu de concentration. Et d'imagination. Nous laisser emporter dans un drôle de monde nanométrique. Dans ce monde où les choses ne se passent pas vraiment comme dans le nôtre. Dans ce monde où on en viendrait presque à perdre confiance en nos propres sens. En cause, ceux que les physiciensphysiciens appellent les effets quantiques. Ceux qui interviennent sur des objets, des cristaux qui ne font pas plus que quelques milliers d'atomes.

    Mais revenons à nos lauréats du prix Nobel de chimie. Deux d'entre eux, Alexei Ekimov et Louis Brus, sont récompensés pour avoir, les premiers, observé et créé -- indépendamment l'un de l'autre -- des boites quantiques. C'était en 1981 pour le premier en 1983 pour le second. En 1993, le troisième, Moungi Bawendi, a, quant à lui, révolutionné les méthodes de fabrications de ces quantum dots. C'est à lui que l'on doit leur qualité aujourd'hui extrêmement élevée. Une condition indispensable à leur utilisation dans le domaine des nanotechnologiesnanotechnologies.

    Une illustration pour comprendre comment la taille d’une particule peut avoir une influence sur ses propriétés optiques. Selon la place qu’elle laisse à ses électrons. © Johan Jarnestad, <em>The Royal Swedish Academy of Sciences</em> 
    Une illustration pour comprendre comment la taille d’une particule peut avoir une influence sur ses propriétés optiques. Selon la place qu’elle laisse à ses électrons. © Johan Jarnestad, The Royal Swedish Academy of Sciences 

    Quantum dot ou boite quantique, quel intérêt ?

    Tout cela ne nous dit toujours pas ce que sont ces fameuses boites quantiques.

    Pour comprendre l'importance fondamentale de la contribution des trois lauréats du prix Nobel de chimie 2023, il faut remonter à la fin des années 1930. Un physicien avait alors avancé une théorie selon laquelle les nanoparticulesnanoparticules ne se comporteraient pas comme les autres. Une question de manque d'espace pour leurs électrons. Avec, pour conséquence, des changements radicaux dans leurs propriétés.

    Les mathématiques ont rapidement permis de prédire que les effets quantiques dont il était question-là dépendraient de la taille de ces objets nanométriques. Pour le vérifier, ne restait plus alors qu'à construire de tels objets. Lorsque dans les années 1970 les physiciens y sont parvenus, ils ont pu valider les prédictions de la théorie. Sans pour autant envisager de lui trouver des applications pratiques tant leur technique de production restait difficile à mettre en œuvre.

    Des verres colorés aux quantums dots

    C'est alors, en 1981, qu'Alexei Ekimov entre en scène. Le jeune chercheur ne s'intéressait pas forcément à la théorie des quantum dots, à ce moment-là. Il s'étonnait simplement qu'une même substance -- un mélange de séléniure de cadmiumcadmium et de sulfuresulfure de cadmium, par exemple -- puisse permettre de produire des verresverres de couleurscouleurs différentes -- des verres jaune ou rouge, en l'occurrence. Alors, il a mené quelques expériences.

    Et en sondant ses échantillons aux rayons X, il a observé que des cristaux se formaient dans les verres. Des cristaux dont la taille dépendait du processus de fabrication. De la température et de la duréedurée de chauffe, notamment. Avec pour résultat, une différence marquée dans la façon dont les verres absorbaient la lumièrelumière. En bon physicien qu'il était, Alexei Ekimov a vite compris qu'il venait d'observer un effet quantique dépendant de la taille des nanoparticules mises en jeu.

    Un prix Nobel peut-il arriver par hasard ?

    C'est pour augmenter les chances de déclencher des réactions chimiques en utilisant la lumière du soleilsoleil que Louis Brus, de son côté, cherchait, en 1983, à réduire la taille des particules qu'il mettait dans ses solutions. Et c'est, ce faisait, un peu par hasard qu'il a observé un changement de propriétés optiques. Après avoir abandonné des particules sur sa paillasse. Le temps pour elles de se développer. De grossir.

    D'autres expériences lui ont ensuite permis de confirmer un schéma : plus les particules sont petites, plus la lumière qu'elles absorbent est bleue. Et c'est vraiment important parce que cela implique que d'autres caractéristiques de ces particules changent aussi. Car derrière les propriétés optiques, il y a les électrons. Des électrons qui gouvernent aussi d'autres propriétés des matériaux. Leur capacité à catalyser des réactions chimiquesréactions chimiques, par exemple. Ou encore leur capacité à conduire l'électricité.

    Des quantum dots en solution

    La science avait progressé. Mais les minuscules cristaux fabriqués par Alexei Ekimov ou même Louis Brus s'avéraient de qualité assez aléatoire. Ils présentaient souvent des défauts. Surtout, la taille de chacun d'entre eux dans un échantillon n'était pas contrôlable.

    Je n’arrive pas à croire que ce soit vrai. C’est autant une surprise qu’un grand honneur ! Moungi Bawendi

    La percée majeure en la matièrematière, c'est finalement à Moungi Bawendi que nous la devons. Il avait commencé à travailler sur la question aux côtés de Louis Brus. Mais ce n'est qu'en 1993 qu'il a trouvé la solution. En injectant les substances qui formeraient des nanocristaux dans un solvantsolvant chauffé et soigneusement choisi. Autant de substances que nécessaire pour saturer précisément la solution à la sortie de l'injecteur. De quoi former simultanément de minuscules embryonsembryons de cristaux. Quelques variations de température plus tard, l'équipe de Moungi Bawendi avait réussi à fabriquer des nanocristaux d'une taille spécifique et de surface lisse. De parfaits quantum dots produits à partir d'une méthode de chimie étonnamment simple.

    Voici comment Moungi Bawendi réussit à produire des boites quantiques pour ainsi dire parfaites. Il injecte du séléniure de cadmium dans un solvant chaud. De petits cristaux se forment alors, mais comme l’injection fait baisser la température du solvant, le développement des cristaux se stoppe net. Jusqu’à ce que l’on refasse monter la température. Plus elle est maintenue longtemps, plus les cristaux grossissent. © Johan Jarnestad, The Royal Swedish Academy of Sciences 
    Voici comment Moungi Bawendi réussit à produire des boites quantiques pour ainsi dire parfaites. Il injecte du séléniure de cadmium dans un solvant chaud. De petits cristaux se forment alors, mais comme l’injection fait baisser la température du solvant, le développement des cristaux se stoppe net. Jusqu’à ce que l’on refasse monter la température. Plus elle est maintenue longtemps, plus les cristaux grossissent. © Johan Jarnestad, The Royal Swedish Academy of Sciences 

    La révolution des boites quantiques au bénéfice de l’humanité

    À partir de là, toutes les applications ont pu être envisagées. Les chercheurs ont principalement utilisé les boites quantiques pour produire de la lumière colorée. Lorsqu'ils sont éclairés de bleu, en effet, les quantums dots réémettent de la lumière dans une couleur différente. Voilà comment ils se sont retrouvés dans nos écrans dits QLEDQLED -- le Q étant là pour rappeler que nous évoluons là dans le monde... quantique.

    Les médecins, de leur côté, étudient les capacités des boites quantiques à suivre les tissus tumoraux dans le corps. Et les chimistes, eux, exploitent leurs propriétés catalytiques pour piloter des réactions cimiques.

    Bientôt, nous verrons peut-être des quantum dots contribuer au développement d'une électronique flexible ou de cellules solaires photovoltaïques plus minces que celles qui couvrent aujourd'hui nos toitstoits. Le tout, comme il est de coutume de dire du côté de la Fondation Nobel, « pour le plus grand bénéfice de l'humanité » !


    Le prix Nobel de chimie met en lumière ces « quantum dots » qui ont envahi nos vies !

    La semaine des prix Nobel se poursuit avec l'annonce, aujourd'hui, du prix Nobel de chimie. Il est décerné à Moungi Bawendi, Louis Brus et Alexei Ekimov pour la découverte des boîtes quantiques, les fameux « quantum dots ».

    Article de Nathalie MayerNathalie Mayer paru le 04/10/2023

    Ce mercredi 4 octobre 2023 restera sans doute à jamais marqué dans les têtes de Moungi Bawendi (Massachusetts Institute of Technology, MIT, États-Unis), Louis Brus (université de Columbia, États-Unis) et Alexei Ekimov (Nanocrystals Technology, États-Unis). Ils viennent de se voir décerner le prestigieux prix Nobel de chimie. Pour des travaux qu'ils ont menés dans les années 1980 sur les boîtes quantiques. Celles que les anglophones appellent, les quantum dots.

    Le prix Nobel pour les boîtes quantiques

    La théorie les avait prédites. Mais pendant 40 ans, les chimistes ont pensé qu'il serait impossible d'en produire et d'en exploiter les propriétés. Pourtant, c'est bien ce que Louis Brus et Alexei Ekimov ont fait. Ils ont été les premiers à observer des boîtes quantiques. Moungi Bawendi est celui qui a su, ensuite, mettre au point, une technique redoutablement efficace pour la production de telles boîtes quantiques.

    Depuis, les boîtes quantiques ont envahi notre vie. Sans même que nous en ayons conscience. Les quantum dots sont cachés dans les écrans de nos ordinateursordinateurs et de nos télés. Et ils élargissent la gamme des possibles pour les lampes LED. Ils aident aussi les chirurgiens à visualiser les tissus tumoraux.

    Encore de nombreuses applications à venir

    Une découverte fondamentale, donc, qui apporte le plus grand bénéfice à l'humanité. Qui pourrait même, à l'avenir, contribuer au développement d'une électronique flexible, de minuscules capteurscapteurs, de cellules solaires plus fines ou encore d'une communication quantique cryptée.