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Après les quasicristaux en 2011 et les récepteurs couplés aux protéines G en 2012, c'est au tour de la modélisation des systèmes chimiques de recevoir les honneurs du prix Nobel de chimie. Les travaux de Martin Karplus, Michael Levitt et Arieh Warshel ont permis, dans les années 1970, de montrer que l'on pouvait modéliser avec un seul programme des aspects du comportement d'une molécule, bien qu'elles relèvent de différentes échelles, de la physique classique ou quantique.
Quand on considère une molécule dans son ensemble, la physique classique est amplement suffisante pour la décrire au repos. Mais si elle est mise en présence d'autres molécules et qu'une réaction chimique a lieu, alors il faut se reposer sur les acquis de la mécanique quantique pour décrire précisément le comportement des électrons et des différents noyaux atomiques (ruptures de liaisons, formations de nouvelles molécules). On pourrait alors se dire qu'il suffirait de traiter l'ensemble du problème par la lunette quantique : mais comme l'influence de tous les électrons et noyaux doit être prise en compte dans un groupe de molécules, la quantité de calculs à effectuer serait tout simplement trop grande.
Dans la méthode de modélisation développée par les lauréats 2013 du prix Nobel de chimie, on utilise la physique quantique (quantum physics) pour décrire le lieu des réactions chimiques, tandis que la physique classique (classical physics) est plus adaptée pour décrire la périphérie. Au-delà, les charges électriques ne sont pas susceptibles de se déplacer de manière macroscopique : c’est le milieu diélectrique (dielectric medium). © Nobel Media AB
Au début des années 1970, Arieh Warshel vint trouver Martin Karplus à l'université Harvard. Le premier était spécialiste des potentiels intramoléculaires et intermoléculaires, le deuxième maîtrisait la chimie quantique. Ensemble, ils réussirent à mettre au point un programme capable de calculer, pour des molécules planes et symétriques, le comportement des électrons des liaisons σ (recouvrement latéral des orbitalesorbitales) et des noyaux atomiques grâce à une approche classique, et celui des électrons des liaisons π (recouvrement axialaxial des orbitales) avec des outils quantiques. Ainsi, ils ont montré la faisabilité d'une approche hybridehybride classique-quantique dans la modélisationmodélisation des molécules. Une manière de profiter du meilleur des deux mondes. Quant à Michael Levitt, il généralisera ce procédé de modélisation avec Arieh Warshel, pour l'appliquer aux autres molécules dès 1976.
La molécule comme ensemble simplifié de briques
Entre-temps, Michael Levitt et Arieh Warshel ont aussi étudié les conformationsconformations d'une protéine, la BPTI (ou bovine pancreatic trypsin inhibitor)). Au cours de ces travaux, les chercheurs ont montré qu'il était possible de grouper les atomesatomes en unités rigides, afin de les traiter comme des pseudo-atomes classiques. Avec des gains de temps de calcul conséquents à la clé.
Les lauréats 2013 du prix Nobel ont été récompensés pour leurs travaux sur la modélisation des processus chimiques. De gauche à droite, l’Austro-Américain Martin Karplus, l’Américano-Britannique Michael Levitt et l’Israélo-Américain Arieh Warshel. © Photo de gauche : Nobel Media AB ; au centre, Keilana, Wikimedia Commons, DP ; à droite, Catgunhome, Wikimedia Commons, cc by sa 3.0
Depuis, ce procédé de modélisation a reçu de nombreuses améliorations, et ses applicationsapplications sont légion pour les chimistes. On peut ainsi étudier des systèmes chimiques impliquant de très grandes molécules en gardant un temps de calcul acceptable, qu'il s'agisse de molécules impliquées dans le vivant où celles étudiées dans le cadre d'applications industrielles (cellules solaires, médicaments, polymèrespolymères, etc.).
Quant à la recherche dans le domaine de la modélisation moléculaire, elle est toujours très active dans le monde. En témoigne, à Harvard, le groupe fondé par Martin Karplus (également professeur à l'université de Strasbourg et directeur du laboratoire de chimie biophysique de l'Institut de science et d'ingénierie supramoléculaires, Isis), qui continue à mener dans ce sens le programme Charmm, pour Chemistry at HARvard Macromolecular Mechanics, et maintient une suite d'outils informatiques largement utilisés en dynamique moléculaire. Michael Levitt, lui, rêve de pouvoir un jour simuler un organisme vivant au niveau moléculaire. Une piste de travail tentante pour de futurs lauréats du prix Nobel de chimie...