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L'acide ribonucléiqueacide ribonucléique pourrait avoir précédé l'ADN et des protéinesprotéines sur Terre, voici 4 milliards d'années. C'est du moins l'hypothèse du monde à ARN. Cette théorie serait crédible puisque l'ARN peut tout aussi bien servir pour le stockage de l'information génétiquegénétique et intervenir dans des tâches métaboliques. Les ribozymesribozymes catalysent par exemple certaines réactions chimiques. Cette propriété repose sur un point important : l'acide ribonucléique n'a pas une forme prédéfinie comme l'ADNADN.
Pour acquérir les réactions chimiques nécessaires au développement de la vie, les différents réactifs impliqués ont dû, à un moment donné, se rencontrer. La probabilité qu'un événement survienne dans un milieu ouvert est faible, surtout lorsque l'on considère la taille des molécules. Seul l'emprisonnement de brins d'acide ribonucléique au sein de petits compartiments, de la taille d'une cellule, pourrait avoir favorisé les rencontres requises. Mais est-ce possible et comment le prouver ?
Des éléments de réponse viennent d'être fournis par l'équipe de Christine Keating et Philip Bevilacqua de la Penn State University. Grâce à la méthodologie présentée dans Nature Chemistry, des compartiments ont pu être créés en absence de lipideslipides. De plus, des brins d'ARN y ont été emprisonnés et surtout, ils ont interagi.
Structure moléculaire de l'acide ribonucléique. L'ARN est très proche chimiquement de l'ADN. La différence se situe au niveau des bases azotées complémentaires. L'ARN possède de l'uracile à la place de la thymine. © Guillaume Bokiau, Wikimedia common, CC by-sa 3.0
Un tri opéré lors de la compartimentation de l’ARN
Un système aqueuxaqueux à deux phases (ATPS ou aqueous two-phase system) a été réalisé avec de l'éthylène-glycol (PEG) et du dextrane dilués dans de l'eau. Des ribozymes pouvant s'autocliver, dits en « tête de marteau », ont été ajoutés au dispositif. Ils sont tout à la fois catalyseurs et réactifs chimiques et peuvent aisément être allongés artificiellement. À fortes concentrations, les polymères utilisés se sont séparés en deux phases, à l'image de l'huile et de l'eau lorsqu'ils sont mélangés, puis ont formé des sphères riches en eau.
Il a fallu ensuite mesurer la concentration en molécules d’ARN dans les deux phases, avec une belle surprise : elle a été multipliée par 3.000 en présence de dextrane. Ce résultat trahirait une multiplication par 70 de la vitessevitesse de clivageclivage. Des brins d'ARN ont donc été incorporés dans des compartiments où ils ont pu interagir. Toutefois, les auteurs ont testé une hypothèse en utilisant du PEG et du dextrane, mais cela ne signifie pas pour autant que ces macromoléculesmacromolécules aient joué un rôle voici 4 milliards d'années. D'autres composés existant à l'époque auraient très bien pu réagir de la même manière, mais cela reste à expérimenter.
Un fait troublant est apparu durant l'analyse du contenu des sphères. Leur densité en ARN est directement proportionnelle à la longueur des brins d'acide ribonucléique, les séquences de petite taille étant rejetées dans le milieu. Un « tri » a ainsi été effectué lors de la formation des compartiments fermés, ce qui est intéressant puisque les molécules de petite taille présentent une plus faible activité enzymatique et peuvent même inhiber certaines réactions.
La compartimentation pourrait alors avoir joué un rôle important dans le cadre de l'hypothèse du monde ARN, en favorisant notamment des rencontres puis des interactions entre des acides ribonucléiques. L'acquisition des différentes fonctions remplies par l'ARN et nécessaires au développement de la vie primitive et moderne pourrait donc bien descendre de cet événement. Ces expériences ont tout simplement produit un modèle possible d'une des premières cellules à être apparues sur la planète.