Les autorités ukrainiennes accusent la Russie d'avoir utilisé des munitions au phosphore blanc le 23 mars, dans une municipalité à proximité de Kyiv. Le phosphore blanc est un élément chimique incendiaire et corrosif, dont l'utilisation provoque régulièrement des réflexions sur les traités concernant les armes chimiques.
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La Russie viendrait-elle de franchir une nouvelle étape dans son offensive militaire contre l'Ukraine ? Igor Kossov, journaliste au Kyiv Independent, rapportait le 23 mars que la municipalité d'Irpin, à quelques kilomètres du nord-ouest de Kyiv, avait subi une attaque au phosphore blanc. Le 24 mars, l'ambassadeur d'Ukraine en France clamait sur le plateau de BFMTV que du phosphore blanc avait été utilisé dans d'autres villes du pays, notamment Izioum, située entre Kharkiv et Donetsk, dans l'Est. L'utilisation du phosphore blanc fait débat. Si l'élément n'est pas interdit ni même considéré comme une arme chimique selon la Chemical Weapon Convention (CWC, convention des armes chimiques), ses effets sur les populations peuvent être particulièrement terribles, le phosphore blanc pouvant être incendiaire et corrosif.
Phosphore blanc : un atout stratégique ?
Le phosphore blanc est un élément dérivé, ou allotropeallotrope, du phosphore. D'aspect jaunâtre, il peut s'enflammer au contact de l'air, pouvant atteindre une température d'environ 800 °C, et ses vapeurs formées d'acideacide phosphorique s'avèrent corrosives, causant d'importants dégâts aux tissus organiques allant jusqu'à des brûlures au troisième degré. Les premières utilisations de phosphore blanc par des armées conventionnelles datent de la Première Guerre mondiale, en 1916. Au cours des décennies suivantes, de nombreux pays se sont équipés de munitions au phosphore blanc, ces dernières pouvant servir de fumigène en raison de la forte quantité de vapeur s'en dégageant. Leur capacité incendiaire permet parfois d'éclairer des terrains nocturnesnocturnes.
Depuis le début du XXe siècle, le phosphore blanc a été utilisé sur de nombreux théâtres de conflits : durant la Seconde Guerre mondiale, les guerres de Corée et du Vietnam, la première guerre d'Afghanistan. Les munitions au phosphore blanc ont acquis une (mauvaise) réputation ces dernières années lors d'évènements tels que la première bataille de Falloujah en 2004, durant laquelle l'armée américaine avait été accusée d'utiliser ces munitions sous forme incendiaire contre des insurgés. En 2009, c'est l'Israël qui est pointé du doigt pour avoir utilisé du phosphore blanc dans la bande de Gaza, tandis qu'en 2017, la coalition anti-Daesh aura recours plusieurs fois à l'allotrope lors des batailles de Mossul (Irak) et Raqqa (Syrie).
Une ligne rouge... et grise
Si les caractéristiques précédemment citées peuvent laisser croire que le phosphore blanc est classifié comme une arme chimique, ce n'est pas le cas. L'utilisation de phosphore blanc est parfaitement légale et n'entre pas dans le cadre de la Chemical Weapon Convention, ratifiée en 1993. En revanche, le protocoleprotocole III de la Convention sur certaines armes classiques (CCW, Convention on Certain Conventional Weapons, entrée en vigueur en 1983) dispose de l'interdiction d'utiliser le phosphore blanc sous forme de bombe incendiaire à l'encontre de populations civiles ou de cibles militaires. Les seules possibilités d'utilisation : sous forme de fumigène ou de munition éclairante.
Alors que la Russie est suspectée de fomenter une attaque chimique en Ukraine, l'utilisation de bombes au phosphore blanc tel que pointé par les diplomates ukrainiens serait constitutive d'un crime de guerre. Depuis le début de l'invasion en Ukraine, le 24 février 2022, les forces russes ont commis de nombreuses exactions, telles que le bombardement d'hôpitaux, considéré comme un crime de guerre selon l'article 18 de la quatrième Convention de Genève. La Cour pénale internationale ouvrait le 2 mars une enquête concernant les méfaits de l'armée russe au cours des quatre dernières semaines.