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Le tableau Fleurs dans un vase bleu, acquis par le musée Kröller-Müller d'Otterlo (Pays-Bas), a été recouvert d'un vernisvernis, en principe protecteur, durant la première moitié du XXe siècle, comme beaucoup d'autres œuvres de Van Gogh, qui n'avait pas l'habitude de vernir ses créations. Un traitement de conservation en 2009 a révélé la présence d'une croûtecroûte gris opaque, très inhabituelle, sur les parties du tableau peintes avec du jaune cadmium.
Cette matière utilisée par Van Gogh, du sulfure de cadmium (CdS), était un pigment relativement nouveau à son époque, dont on sait aujourd'hui qu'il s'oxyde en sulfate de cadmium (CdSO4) avec l'air, perdant ainsi couleur et luminositéluminosité. Mais les pigmentspigments de ce tableau étaient anormalement couverts d'une croûte sombre craquelée au lieu de la couche d'oxydationoxydation transparente attendue.
Pour identifier le processus de dégradation, le musée a prélevé sur l'œuvre originale deux échantillons de peinture microscopiques (chacun ne faisant qu'une fraction de millimètre). Les scientifiques les ont étudiés à l'aide des faisceaux de rayons Xrayons X et infrarougesinfrarouges très intenses de l'European Synchrotron Radiation FacilityEuropean Synchrotron Radiation Facility (ESRF) et de Deutsches El ektronen Synchrotron (Desy), ce qui a permis d'analyser leur composition chimique et leur structure interne à l'interface de la peinture et du vernis.
Illustration légendée indiquant la provenance des microéchantillons prélevés sur le tableau et montrant une image en microscopie optique de ces échantillons. La partie supérieure correspond à la zone étudiée et les quatre graphiques révèlent la concentration des quatre composants principaux qu'elle contient. © K. Janssens, Université d'Anvers
Des œuvres de Van Gogh protégées de manière inappropriée
À leur grande surprise, ils n'ont pas trouvé les composés de sulfate de cadmium cristallisés qui auraient dû se former au cours du processus d'oxydation. Mais de l'anglésite (PbSO4), un composé opaque retrouvé presque partout dans le vernis, formé par la réaction des anionsanions de type sulfate au contact des ions de plomb provenant probablement d'un siccatif rajouté à l'agent « protecteur ». À l'interface entre celui-ci et la peinture, les ionsions de cadmium (provenant du pigment jaune incriminé) se sont associés avec des produits de dégradation du vernis lui-même pour former une couche d'oxalate de cadmium (CdC2O4). C'est le mélange de cette matière avec de l'anglésite qui a causé l'apparition de la croûte opaque, gris orangé, défigurant certaines parties du tableau à l'échelle macroscopique. Ces résultats sont publiés sur le site de la revue Analytical Chemistry.
Ces travaux permettent de mieux comprendre l'effet de certains vernis appliqués à postériori sur des pigments du tableau et son aspect actuel. Beaucoup d'œuvres d'art de Van Gogh de la période française ont été protégées dans le passé de façon inappropriée. Ces couches de vernis non originaux posent problème car enlever du vernis ou une couche superficielle n'est pas sans conséquence sur la matière d'origine du tableau.
Voilà de quoi aider les conservateurs dans leurs choix concernant des traitements de nettoyage aussi complexes. Les scientifiques vont désormais travailler sur l'effet des conditions de conservation à l'intérieur du musée ainsi que sur celui de la pollution de l'air sur le jaune cadmium et les autres pigments contenant des sulfures utilisés par les peintres et qui affectent la durabilitédurabilité des tableaux.