L'argile a-t-elle permis à la vie d'apparaître ? Certains le pensent depuis des dizaines d'années et un groupe de chercheurs vient de trouver des indices laissant penser qu'elle pourrait même expliquer la vieille énigme de la chiralité en biologie.
La structure en feuillet de l'argile interagit différemment avec les versions gauche et droite de l'histidine, un acide aminé. © Oxford University

La structure en feuillet de l'argile interagit différemment avec les versions gauche et droite de l'histidine, un acide aminé. © Oxford University

La vermiculite est un minéral naturel formé par l'hydratation de certains minéraux basaltiques, et souvent associé dans la nature à l'amiante. Elle possède une structure argileuse et les argiles de type vermiculite ont une structure de micas au sein desquels les ions K+ situés entre les feuillets ont été remplacés par des cations Mg2+ et Fe2+. La vermiculite vient d'être utilisée par Don Fraser, de l'Université d'Oxford et ses collègues de l'Université d'Innsbruck, pour tenter de percer les secrets de l'origine de la Vie. Les chercheurs ont en particulier découvert que de l'argile de ce type avaient des propriétés susceptibles de permettre de résoudre une des grandes énigmes des sciences du vivant, celle de la chiralité.

Depuis les expériences de Stanley Miller, influencé par les idées du grand biochimiste russe Alexandre Oparine, on pense que la vie a pu apparaître naturellement sur Terre à partir de processus abiotiques. L'un des premiers à suggérer le rôle important des argiles pour expliquer l'origine de la vie a été le grand cristallographe britannique John Desmond Bernal.

La prescience d'un génie ?

Le grand public le connaît au moins grâce aux projets de stations spatiales des années 1970, en particulier la sphère de Bernal. Mais on sait moins que la description de l'évolution des intelligences extraterrestres à l'origine du monolithe noir du roman d'Arthur Clarke, 2001, l'Odyssée de l'espace est directement transposé d'un texte de Bernal.

Dans celui-ci, après une phase où l'esprit de l'Homme ne ferait progressivement plus qu'un avec des dispositifs biomécaniques adaptés à l'exploration de l'espace, l'intelligence et la conscience finiraient par être stockées sous forme de réseaux de lumière en interaction, comme des circuits neuronaux, mais dans la structure même de l'espace-temps topologiquement compliqué.

John Desmond Bernal a été le premier à déterminer la structure cristallographique du graphite. Il a été un des pionniers de l'application des rayons X pour l'étude des molécules biologiques. © W.Suschitzky-Nature

John Desmond Bernal a été le premier à déterminer la structure cristallographique du graphite. Il a été un des pionniers de l'application des rayons X pour l'étude des molécules biologiques. © W.Suschitzky-Nature

Bernal est donc considéré comme un esprit particulièrement créatif et il a influencé les pionniers de la biologie moléculaire. Il se trouve que l'on dispose depuis quelque temps de plusieurs expériences montrant que l'hypothèse de John Desmond Bernal sur l'apparition de la vie pourrait bien être exacte.

Un outil pour la synthèse de nouveaux médicaments ?

Par exemple, les travaux de James Ferris ont montré que des argiles peuvent agir comme catalyseurs lors de la formation de longues chaînes d'ARN, qui, avec les protéines et l'ADN, sont des composés essentiels à la vie. On peut citer aussi ceux du prix Nobel Jack Szostak sur la capacité des argiles à produire les acides gras formant la membrane des cellules vivantes.

Don Fraser a quant à lui conduit des expériences sur des gels contenant de la vermiculite et ses effets sur des acides aminés, la D-histidine et la L-histidine. L'histidine est l'un des acides aminés composant les protéines. D'autres acides aminés, comme l'alanine et la lysine, ont été considérés. Avec ses collègues, Fraser a montré que se produisait un enrichissement des solutions en forme D ou L. L'argile a donc le pouvoir de faire une distinction entre les molécules chirales et d'en adsorber un type aux dépens de l'autre.

Si l'hypothèse de l'apparition de l'ARN à la surface de l'argile dans la petite mare chaude de Darwin est correcte, alors il est peut-être possible d'expliquer simultanément pourquoi la vie a démarré sous une forme chirale.

Plus généralement, selon les mots mêmes de Fraser : « À long terme, ce travail pourrait avoir des applications importantes, non seulement pour notre compréhension de l'origine de la vie, mais aussi en médecine, par exemple avec la conception des surfaces minérales aidant à la production de médicaments chiraux, d'un grand avantage pour l'industrie pharmaceutique ».