L'histoire du Système solaire primitif est probablement aussi dynamique que celle de la tectonique des plaques. En l'occurrence, une théorie de migration planétaire prévoyant l'éjection d'astéroïdes, formés proches des géantes gazeuses, vers la ceinture de Kuiper, au bord du Système solaire, vient de recevoir une confirmation avec la découverte de l'astéroïde 2004 EW95.

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    La théorie de la tectonique des plaquestectonique des plaques, plus précisément les observations qui la fondent, nous a appris que les continents et les océans avaient un passé tumultueux marqué par la dérive des continents, leurs collisions et leurs fragmentations accompagnant la fermeture et l'ouverture des océans. Il est de plus en plus clair que l'histoire du Système solaire n'est pas en reste et que la séparationséparation entre monde sublunaire et supralunaire datant d'AristoteAristote, malgré son génie, n'est vraiment pas pertinent comme avaient commencé à le montrer les Bâtisseurs du Ciel qu'étaient Tycho Brahé, Kepler et bien sûr GaliléeGalilée et Newton.

    On invoque en effet, depuis une vingtaine d'années, des migrations planétaires et des collisions de planètes pour expliquer la structure du Système solaire et les caractéristiques des planètes comme le montre le fameux modèle de Nice et la théorie de l'impact géant entre la Terre et Théia. La Ceinture d'astéroïdes entre Mars et JupiterJupiter montre, par exemple, une grande diversité de petits corps célestes dont la composition minéralogique nous est connue par leurs spectresspectres de réflectance et leurs albédosalbédos et en les comparant à ceux des météoritesmétéorites connues sur Terre. Il semble très probable par exemple que les diogénites, eucriteseucrites et howardites, les fameuses météorites HED, viennent de l'astéroïde Vesta d'après l'étude de son spectre de réflectance. D'autres astéroïdes de cette ceinture, dits de type S car ils contiennent beaucoup de silicatessilicates, se trouvent surtout dans son bord intérieur alors que ceux de type C car carbonés, se trouvent dans le bord extérieur.

    Les proportions des différents types d'astéroïdes dans la ceinture principale en fonction de la distance au Soleil en unité astronomique (UA), c'est-à-dire la distance de la Terre au Soleil soit environ 150 millions de kilomètres. © Gradie & Tedesco

    Les proportions des différents types d'astéroïdes dans la ceinture principale en fonction de la distance au Soleil en unité astronomique (UA), c'est-à-dire la distance de la Terre au Soleil soit environ 150 millions de kilomètres. © Gradie & Tedesco 

    Des migrations planétaires qui sculptent le Système solaire

    On explique ce mélange par l'influence de migrations planétaires des planètes géantesplanètes géantes. La composition des petits corps célestes reflète leur origine. Ceux qui sont silicatés se sont formés proches du SoleilSoleil, là où sont nées les planètes rocheusesplanètes rocheuses alors que ceux qui sont carbonés se sont formés au-delà de Mars, au niveau des géantes gazeusesgéantes gazeuses que sont Jupiter et SaturneSaturne. Le modèle de Nice, avec une migration planétaire, prédit que les corps célestes dans la ceinture de Kuiperceinture de Kuiper se sont formés au-delà de ces géantes. Mais le modèle du Grand Tack, qui suppose l'existence de deux migrations planétaires majeures dans l'histoire du Système solaire, prédit que des populations d'astéroïdes de type C ont été injectées aussi bien dans la ceinture principale que dans la ceinture de Kuiper.

    Dans le modèle du Grand Tack, la première migration aurait rapproché Jupiter du Soleil avant celle du modèle de Nice voilà environ 4,5 milliards d'années, repoussant les astéroïdes vers les régions internes du Système solaire jusqu'à ce que Jupiter occupe la position actuelle de Mars. L'influence de Saturne, qui avait aussi migré, aurait ensuite fait à nouveau s'éloigner Jupiter. Rappelons au passage que le fameux modèle de Nice suppose qu'il y a environ 3,9 milliards d'années, les planètes géantes, en particulier Jupiter et Saturne, auraient migré en s'éloignant du Soleil, ce qui aurait causé un grand chamboulement dans les orbitesorbites des astéroïdes et des comètescomètes causant le Grand Bombardement tardif.


    Une présentation de l'astéroïde transneptunien 2004 EW95. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © European Southern Observatory (ESO)

    2004 EW95, un astéroïde exilé par une migration planétaire

    Problème. Jusqu'à présent, on n'avait pas détecté d'astéroïdes carbonés dans la ceinture de Kuiper. Or justement, une équipe internationale d'astronomesastronomes, pilotée par Tom Seccull de l'université de la Reine à Belfast (Royaume-Uni) et qui a utilisé divers instruments installés sur le Very Large TelescopeVery Large Telescope (VLT) de l'ESOESO, vient de faire savoir qu'elle pensait avoir enfin trouvé le tout premier exemple d'objet de ce type dans cette ceinture au-delà de l'orbite de NeptuneNeptune. Baptisé 2004 EW95, d'un diamètre de 300 kilomètres et situé à quelque 4 milliards de kilomètres de la Terre, comme l'explique un article déposé sur arXiv, l'astéroïde avait en fait déjà attiré l'attention de l'astronome Wesley Fraser, également en poste à l'université de la Reine à Belfast, alors qu'il effectuait des observations de routine au moyen du télescopetélescope HubbleHubble.

    Dans un communiqué de l'ESO, l'astronome Tom Seccull explique en effet que : « Le spectre de réflectance de 2004 EW95 différait notablement de celui des autres objets situés en périphérie du Système solaire. Il était suffisamment inhabituel pour susciter notre intérêt. » Le chercheur précise que : « 2004 EW95 est non seulement en mouvementmouvement. Il est également très peu lumineux ! Il nous a fallu utiliser une méthode de traitement de données particulièrement avancée pour extraire le maximum d'informations ».

    Les données elles-mêmes ont été fournies par des spectrographesspectrographes équipant le VLT. Les instruments X-Shooter et FORS2 ont permis d'acquérir des spectres présentant les signatures de minérauxminéraux reflétant des conditions de formation proche du Système solaire interne en plus de la présence de composés carbonés en surface, à savoir des oxydes ferreux et de phyllosilicatesphyllosilicates.

    Toujours dans la communiqué de l'ESO, Tom Seccull conclut de ces données que : « Le fait que 2004 EW95 occupe à présent les régions froides et externes du Système solaire suggère qu'une planète en mouvement dans le Système solaire naissant l'a projeté sur son orbite actuelle ». Ce qui fait dire à OlivierOlivier Hainaut, un astronome de l'ESO, qui n'a pas participé à cette avancée scientifique, que : « La découverte d'un astéroïde carboné au sein de la ceinture de Kuiper constitue un élément clé en faveur de l'une des prédictions fondamentales des modèles dynamiques du jeune Système solaire. »