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La planétologie comparée est une discipline méconnue du grand public. Elle consiste à étudier les propriétés des planètes telluriques (Mercure, VénusVénus, la Terre et Mars) et à mettre en évidence leurs similitudes et leurs différences. Une comparaison qui permet de comprendre, par exemple, pourquoi Vénus, à peu près de même taille et de même masse que la Terre, est le siège d'un effet de serreeffet de serre qui s'est emballé, pourquoi il existe sur Mars (deux fois plus petite que la Terre) des structures géologiques gigantesques, ou encore pourquoi la Lune est un astre mort alors que la Terre, sa très proche voisine, déborde de vie.
Récemment, une collaboration entre des chercheurs provenant de différentes disciplines (sciences planétaires, géophysique et géographie) a permis de lever le voile sur les mécanismes de formation des dunes linéaires du désertdésert du Ténéré au Niger, en plein cœur du Sahara. En observant sur plus d'un demi-siècle l'allongement de ces dunes de quelques dizaines de mètres par an suivant une direction très précise, cette étude démontre que l'évolution de la forme des dunes permet d'apporter de nouvelles indications climatiques dans des zones soumises à des régimes de ventvent complexes.
Ces résultats intéressent particulièrement les astrophysiciensastrophysiciens ayant participé à l'étude car ils pourront les transposer aux dunes observées sur Titan, le plus grand satellite de SaturneSaturne, et sur Mars, selon le principe de la planétologie comparée. En effet, « ces régimes venteux, observés sur Terre, se rencontrent également sur Mars et TitanTitan », nous explique Antoine Lucas, géophysicien au service d'astrophysiqueastrophysique de l'Institut de recherche sur les lois fondamentales de l'universunivers (CEA-Irfu).
Évolution de l'allongement de dunes du désert du Ténéré, au Sahara, de 1957 à 2013. © IGN, Cnes, Google Earth, Antoine Lucas
Comme le souligne ce chercheur français, en première ligne sur ces travaux, l'intérêt de cette étude « permet d'acquérir de nouvelles connaissances sur une structure topographique observée - les dunes linéaires - mais dont les mécanismes de formation-évolution n'étaient pas établis ». Cela permet d'extrapoler ces résultats sur les dunes similaires observées sur Mars et Titan et « d'établir un lien entre régime venteux local et évolution des dunes. De quoi fournir une approche très intéressante pour reconstituer les régimes venteux présents sur Mars et Titan ».
Des dunes loin d'être statiques
En couplant plus d'un demi-siècle d'imagerie et des résultats de modèles numériquesmodèles numériques, les chercheurs ont montré que les dunes sahariennes « s'allongent de plusieurs dizaines de mètres par an sans opérer de migration latérale ». Elles forment alors de longs « cordons » dunaires tout en conservant la même orientation sur de très longues distances, « parfois sur plus de 50 km ! » Ainsi, la position de chaque dune reste stable au cours du temps « mais le taux d'extension de l'extrémité de la dune permet de remonter à l'intensité du transport sédimentaire le long de la crête ». L'orientation et la vitessevitesse d'élongationélongation des dunes linéaires peuvent alors être directement reliées aux propriétés des vents (direction et intensité) qui les sculptent. Dans des zones dans lesquelles les vents sont mal connus, ce type d'observation peut donc apporter de nouvelles données sur le climatclimat et sur le transport sédimentaire. « C'est typiquement le cas sur Terre mais aussi sur Mars et sur Titan, où de nombreuses dunes linéaires ont été observées. »
Résultat, la connaissance des dunes martiennes et de Titan s'améliore. « Ces travaux pourraient confirmer ce que nous avions précédemment décrit, à savoir que, contrairement à ce qui était communément admis, les dunes de Titan ne peuvent pas se développer à partir d'un lit de sédimentssédiments entièrement mobilisable ». Au contraire, leur orientation suggère « qu'elles se développent sur un sol non érodable (soit constitué d'un socle solidesolide, soit de sédiments trop gros pour être transportés) en s'allongeant à partir d'une source locale de sédiment ». Dans ce cas, elles sont alignées avec la résultante des vents et peuvent garder une orientation et une forme constante sur des centaines de kilomètres, ce qui est effectivement observé sur Titan, comme au Niger.
Pour le chercheur et ses collègues, l'étape suivante consistera à « comprendre, par exemple, la dynamique des motifs superposés (comme les ripplesripples) ». En effet, elle nous renseigne sur les vents secondaires comme sur la nature du sédiment. Là encore, « l'approche parallèle Terre, Mars, Titan est envisagée pour mieux comprendre ces systèmes dunaires sous différents environnements planétaires ».
Pour aller plus loin dans la compréhension des dunes, Antoine Lucas vous invite à visiter exodunes360.fr.