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Les amas globulaires constituent des mémoires de la formation des galaxies et de l'état de la matière au moment où elle a démarré. Ces ensembles sont majoritairement peuplés d'étoiles âgées d'au moins 10 milliards d'années et ayant atteint un stade d'évolution similaire. Pauvres en métauxmétaux, c'est-à-dire, dans le jargon des astrophysiciensastrophysiciens, en éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium, ces étoiles ont dû se former en même temps et sont contemporaines des plus vieilles étoiles des galaxies.
On peut donc espérer y mesurer des abondances des éléments légers qui vont des isotopesisotopes de l'hydrogène à ceux du lithiumlithium avant que ceux-ci ne fussent significativement transformés en éléments plus lourds par la nucléosynthèsenucléosynthèse. Des mesures fines de ces abondances peuvent donc servir à contraindre la théorie de la nucléosynthèse primordiale décrivant la production d'éléments légers quelques minutes après le Big Bang.
La théorie du Big Bang produit des prédictions bien précises pour les abondances des éléments légers synthétisés quelques minutes après la naissance de l’univers. En fonction de la densité de matière ordinaire, les abondances de deutérium et d’hélium 3 ne sont pas les mêmes, comme le montre ce schéma. Les mesures de WMap, affinées par celles de Planck, conduisent aux prédictions des abondances relatives des éléments légers par rapport à l’hydrogène que l’on voit indiqué par la barre rouge verticale. Dans la Voie lactée, l’accord est bon avec les observations, sauf pour le lithium 7. © Nasa
Un amas globulaire autour de la galaxie naine du Sagittaire
Une équipe internationale d'astrophysiciens dirigée par Alessio Mucciarelli (université de Bologne, Italie), impliquant un chercheur du CNRS travaillant au laboratoire Galaxies, étoiles, physiquephysique et instrumentation de l'Observatoire de Paris (Gepi), s'est penchée sur la détermination des abondances de lithium dans les étoiles âgées dans l'amas globulaireamas globulaire Messier 54 (M54). On pensait autrefois qu'il était un des nombreux amas satellites de notre Voie lactée, mais on a fini par découvrir en 1994 qu'en réalité, il est en orbiteorbite autour de la galaxie nainegalaxie naine du Sagittaire. Le spectrographe Giraffe construit au Gepi et qui équipe le VLT (Very Large TelescopeVery Large Telescope) de l'ESOESO depuis 2002 a ainsi permis d'évaluer les abondances de lithium dans un environnement situé à environ 90.000 années-lumièreannées-lumière de notre galaxie. Les résultats de ces observations viennent d'être publiés dans un article disponible en accès libre sur arxiv.
Un voyage au-delà du centre galactique, de l’autre côté de la Voie lactée, non loin de l’amas globulaire Messier 54 (M54). Le cliché final a été acquis par le télescope de sondage du VLT à l’Observatoire de Paranal de l’ESO au nord du Chili. © ESO, N. Risinger, YouTube
Vers une nouvelle physique ?
Les observations ont porté sur des étoiles géantesétoiles géantes de M54, mais la théorie de l'évolutionthéorie de l'évolution stellaire permet de connecter les abondances de lithium dans ces étoiles à celles des naines dans cet amas globulaire, ce qui permet, finalement, d'établir des comparaisons avec les étoiles nainesétoiles naines âgées de la Voie lactéeVoie lactée. Dans notre galaxie, les abondances de lithium mesurées sont trois fois plus faibles que celles prédites par la théorie du Big BangBig Bang. Toutefois, ce désaccord pouvait être le fruit de fluctuations statistiques dans la répartition des éléments légers faisant de notre Voie lactée un simple accidentaccident historique local. En moyenne, à plus grande échelle et dans d'autres galaxies, la distribution de lithium resterait alors en bon accord avec la théorie de la nucléosynthèse primordiale.
Mais d'après les mesures faites avec M54, ce ne serait pas le cas. Les abondances de lithium sont très similaires à celles mesurées dans notre galaxie. Le lithium est donc au cœur d'une belle énigme au niveau de la cosmologiecosmologie elle-même.
Comment résoudre ce problème ? Les calculs issus de la nucléosynthèse primordiale sont basés sur de la physique nucléaire bien connue et reproductible en laboratoire. Il semble qu'il faille introduire des éléments nouveaux, soit en ce qui concerne la période de la nucléosynthèse quelques minutes après le Big Bang (par exemple avec des particules supersymétriques qui se désintègrent), soit au niveau de la physique des étoiles. Du lithium a peut-être été détruit au sein des étoiles de première génération dont on sait encore peu de choses, ou bien encore au cours de l'évolution des étoiles standards sur la séquence principaleséquence principale.