Turbulences, tempêtes, phénomènes météo extrêmes... Le climat ne semble pas très clément pour les pilotes d'avion ni leurs passagers, dernièrement. Mais cela veut-il dire que prendre l'avion est définitivement devenu dangereux ? Décryptage.


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    Comme vous l'avez probablement vu passer dans les médias, les compagnies aériennes ont connu quelques vols... agités ces derniers temps. Pluies torrentielles sur le tarmac de Dubaï en avril, turbulences responsables d'un mort et de dizaines de blessés à bord d'un vol de Singapore Airlines en mai, puis, il y a 2 jours, A320 fracassé contraint d'atterrir sous une tempêtetempête de grêle ; la météométéo ne semble pas franchement au beau fixe pour les pilotes ni pour leurs passagers. Alors, est-il vraiment devenu plus dangereux de prendre l'avion ?

    Pas le temps de lire ? Découvrez cette news au format audio dans notre podcast Vitamine Tech. © Futura

    Accidents isolés ou tendance qui se confirme ?

    Pour commencer, il est important de noter que le changement climatiquechangement climatique - car oui, c'est bien de lui qu'on va parler aujourd'hui - est un phénomène progressif. Même s'il est impossible de nier que sa progression est de plus en plus rapide - et, on ne va pas se mentir, brutale -, les quelques incidents survenus dernièrement ne sont pas le signe d'un revirement climatique instantané. Soit il s'agit d'incidents isolés, auquel cas, il sera bien difficile d'en extrapoler une prédiction concernant l'avenir de l'aviation, soit on arrive à prouver qu'ils s'inscrivent dans une série d'événements similaires de plus en plus fréquents et intenses, et là... on a effectivement des raisons de s'inquiéter.

    Lors de turbulences violentes, le vol Londres-Singapour aurait perdu 1 800 mètres d'altitude en 3 minutes. © X, @UltraDane

    Commençons par le cas des turbulences. Dans un article du 21 mai pour Euronews, la journaliste Rebecca Ann Hughes souligne que les turbulences assez sévères pour faire des blessés, voire des morts, sont rares. Elle reporte que, d'après l'administration fédérale de l'aviation, entre 2009 et 2021, « seulement » 146 blessés graves ont été décomptés suite à des turbulences. En 2022, ce sont 20 personnes qui ont été hospitalisées après un vol tumultueux entre PhoenixPhoenix et Honolulu. Puis en 2023, deux incidents, dont un mortel, sont à déplorer. Ajoutez à cela deux vols périlleux en ce début de 2024, faisant un mort et plusieurs dizaines de blessés, et on pourrait se demander si la tendance ne serait pas effectivement à la hausse. Ceci dit, il est encore un peu tôt pour généraliser et savoir si les trajets vont devenir plus dangereux.

    Les turbulences sont en hausse

    Ce qui est certain, par contre, c'est que le changement climatique est bel et bien responsable d'un accroissement des situations pouvant engendrer des turbulences. Ça ne veut pas forcément dire que les accidentsaccidents seront plus nombreux - le secteur prend très au sérieux la nécessité de s'adapter à ces nouvelles données - mais ça signifie par contre que les vols vont devenir plus complexes pour les pilotes. Les turbulences peuvent être dues à des changements de relief importants, comme la présence de montagnes sur le trajet, mais aussi à des tempêtes - auxquelles ont reviendra dans un instant - et à l'existence de courants-jetcourants-jet, ou jet streams, des courants d'air rapide confinés sur une bande de 1 à 5 kilomètres de large, mais pouvant atteindre une longueur de plusieurs milliers de kilomètres. Ces jet streams sont comme des voies rapides pour les pilotes, ils servent d'autoroutes aériennes qui permettent aux compagnies de réduire les temps de trajet et les émissions des avions. Si vous avez vu Le Monde de Némo, c'est en quelque sorte un équivalent du courant est-australien mais dans les airs.

    Une visualisation accélérée du jet stream, formant un ruban de vents dans l'atmosphère. © Nasa

    Lorsque le ventvent change de direction dans ou autour de ce courant, on obtient une zone dite « de cisaillement des vents » dans laquelle des turbulences peuvent prendre naissance. Or, avec les émissions de gaz à effet de serregaz à effet de serre qui contribuent à réchauffer l'air de notre atmosphèreatmosphère, le cisaillement des vents prend de l'ampleur. L'année dernière, des chercheurs de l'université de Reading ont démontré que la durée des turbulences dans l'Atlantique Nord a augmenté de 55 % depuis 1979, et la tendance, bien évidemment, n'est pas près de se renverser. Cet accroissement des turbulences est également amplifié par des tempêtes de plus en plus intenses, résultat de la montée des températures et de l'humidité emmagasinée dans l'atmosphère. Les nuagesnuages d'orageorage, qui surplombent les routes aériennes, sont sujets à des courants ascendants et descendants violents, qui peuvent embarquer avec eux l'avion et ses passagers. 

    Des phénomènes météo plus extrêmes

    Ce 9 juin 2024, un Airbus A320 d'Austrian Airlines s'est posé sur le tarmac viennois en bien piteux état. Sous le pare-brise de la cabine de pilotage, complètement opacifié par une myriade de fissures, le neznez de l'avion, son radôme, avait laissé place... à un trou surplombé d'un piteux morceau de coque déchiqueté par la grêle. Une tempête de grêle que le radar n'avait pas révélée aux pilotes, qui ont dû tant bien que mal voler entre les grêlons pour rejoindre leur destination. Fort heureusement, tout le monde est arrivé sain et sauf à terre. Qu'elles tombent sous forme solidesolide ou liquideliquide, les précipitationsprécipitations, on l'a dit, s'intensifient, en parallèle d'autres manifestations météorologiques de plus en plus extrêmes. TornadesTornades, ouragansouragans, inondationsinondations, pluies torrentielles, grêle, neige, froid et chaleurchaleur accrus, tous ces facteurs contribuent à complexifier la vie des pilotes.

    Le nez – surnommé radôme – de cet A320 a été arraché par une tempête de grêle au-dessus de Vienne. © X, @aviationbrk

    L'été dernier, en pleine caniculecanicule, plusieurs médias rapportaient que le temps devenait trop chaud pour permettre aux avions de voler. En effet, lorsque le mercuremercure grimpe, les masses d'airmasses d'air deviennent moins denses, ce qui signifie moins de portanceportance, avec un décollage et un maintien en vol plus compliqués. Pour contrebalancer cet effet, attendez-vous donc à des restrictions de poids plus importantes à bord des avions, en particulier durant les périodes de forte chaleur. Pour le reste, ce sont surtout des retards ou des reports auxquels il faudra s'attendre, mais effectivement, la possibilité d'une mauvaise surprise en vol n'est jamais complètement écartée. Le site Climate Central souligne ainsi que le changement climatique augmente également le risque que les avions soient frappés par la foudrefoudre, avec des dégâts matériels et électroniques potentiellement importants.

    Verdict ?

    Tout ceci étant dit, il est bon de rappeler que les accidents sont et restent rares pour le moment. Faire voler une bestiole de métalmétal de plusieurs dizaines voire centaines de tonnes à des kilomètres du sol est une prouesse qui exige une prudence extrême, donc la proportion d'accidents mortels reste très faible en comparaison au trafic qui sillonne le ciel chaque jour. Chaque mort est néanmoins une tragédie, et il va de soi que les compagnies aériennes entendent bien les éviter. Pour parer aux caprices du climatclimat, des évolutions technologiques sont déjà lancées. Perfectionnement des systèmes de prévision météo, création de nouveaux protocolesprotocoles de vol, nouvelles ailes, prenant exemple sur le monde du vivant, les cerveaux tournent déjà à plein régime pour rendre les trajets en avion plus sûrs. Après, ne vaudrait-il pas mieux profiter de cette opportunité pour requestionner nos méthodes de transport ? Ça, c'est une question qu'il vous appartiendra de trancher avec vous-mêmes.