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Le lithium est un élément chimique léger dont la création, au même titre que celle d'autres éléments, remonterait au Big Bang, soit à 13,8 milliards d'années. Pour autant, la compréhension des quantités de lithium détectées au sein des étoiles de l'univers contemporain est devenue un véritable casse-tête pour les astronomesastronomes. Les étoiles plus âgées renferment moins de lithium que prévu, tandis que quelques autres, plus jeunes, peuvent en contenir dix fois plus. Les qualificatifs « plus jeunes » et « plus âgées » s'appliquent aux étoiles que les astronomes classent, respectivement, parmi celles de Population I et de Population II.
Au sein de la Population I figure le Soleil - plus généralement, les étoiles riches en éléments chimiques lourds qui constituent le disque de la Voie lactéeVoie lactée. Les étoiles de Population II, plus âgées, renfermant moins d'éléments lourds, peuplent le bulbe et le halo de la Voie lactée ainsi que les amas globulairesamas globulaires. Notons que les étoiles de la Population I, quoique « plus jeunes », peuvent être déjà âgées de quelques milliards d'années...
Dans les années 1970, les astronomes ont envisagé la possibilité que la surabondance de lithium observée dans les jeunes étoiles résulte de novaenovae - soit de l'explosion d'étoiles qui expulsent de la matièrematière dans l'espace interstellaire, et contribuent par là même à la création d'une nouvelle génération d'étoiles. Mais aucune étude poussée de plusieurs novae n'a jusqu'à présent permis de confirmer ou infirmer cette hypothèse.
Une équipe menée par Luca Izzo (université La Sapienza de Rome et Icranet, Pescara, Italie) a utilisé l'instrument Feros qui équipe le télescopetélescope MPG/ESOESO de 2,2 m à l'observatoire de La Silla de l'ESO, ainsi que le spectrographespectrographe Pucheros installé sur le télescope de 0,5 m de l'ESO à l'observatoire de l'université Catholique Pontificale du Chili à Santa Marina, près de Santiago, dans le but d'étudier la nova Centauri 2013 (V1369 Centauri). Cette étoile, située non loin de la très brillante Beta Centauri dans le ciel austral, a explosé en décembre 2013. Elle est à ce jour la nova la plus brillante de ce siècle et est facilement observable à l'œilœil nu.
Ces télescopes de dimensions relativement faibles, équipés de spectrographes appropriés, constituent de puissants outils pour ce type de recherche. Ainsi donc, même à l'ère des télescopes extrêmement grands, les télescopes plus petits, dédiés à des tâches spécifiques, sont susceptibles d'offrir de précieux services.
Sur cette image figure la partie australe de la Voie lactée, vue depuis l'observatoire de La Silla. Une étoile particulière se distingue des autres par sa luminosité : Nova Centauri 2013, également baptisée V1369 Centauri. À gauche, figure le Télescope submillimétrique suédois de l'ESO (SEST). © European Southern Observatory (ESO), YouTube, Raif Badawi
Du lithium expulsé à 2 millions de km/h
Très détaillées, les données nouvellement acquises ont révélé la signature claire de lithium expulsé de la nova à quelque deux millions de kilomètres par heure (cette vitessevitesse élevée, de la nova vers la Terre, se traduit par un décalage significatif, vers l'extrémité bleue du spectrespectre, de la raie en absorptionabsorption témoignant de la présence de lithium). Il s'agit là de la première détection à ce jour de cet élément au sein de la matière éjectée par une nova.
Massimo Della Valle (INAF-Observatoire Astronomique de Capodimonte, Naples, et Icranet, Pescara, Italie), co-auteur de l'étude (consultable dans un article sur arxiv), explique toute l'importance de cette découverte : « Il s'agit d'une réelle avancée. Si nous nous figurons l'histoire de l'évolution chimique de la Voie lactée sous l'aspect d'un puzzle, alors le lithium en provenance des novae en constituait l'une des plus importantes et des plus énigmatiques pièces manquantes. En outre, tout modèle de Big BangBig Bang est susceptible d'être remis en question tant que l'énigme du lithium n'est pas résolue ».
La massemasse du lithium éjecté de la Nova Centauri 2013 semble faible - elle représenterait moins d'un milliardième de la masse du Soleil. Mais le fait que plusieurs milliards d'étoiles se soient changées en novae au cours de l'histoire de la Voie lactée suffit à rendre compte de la présence inattendue de vastes quantités de lithium au sein de notre galaxiegalaxie.
Les co-auteurs Luca Pasquini (ESO, Garching, Allemagne) et Massimo Della Valle ont recherché des preuves de l'existence de lithium au sein des novae durant plus d'un quart de siècle. Leurs efforts se trouvent enfin récompensés. Pour le jeune scientifique qu'est Luca Izzo, auteur principal de cette étude, le plaisir est tout autre : « Il est excitant de faire la découverte d'une chose prévue bien avant ma naissance et de l'observer pour la toute première fois le jour de mon anniversaire en 2013 ! »