En fin de vie, les étoiles massives explosent en supernova et créent de violentes ondes de choc. Lorsque celles-ci frappent des nuages de poussière dans l’espace interstellaire, elles déclenchent la formation d’étoiles. Un processus qu’a réussi à recréer une équipe de scientifiques, à l’aide d’un laser et… d’un ballon en mousse !

Lorsque les étoiles épuisent tout leur carburant et ne peuvent plus alors assurer les réactions de fusion nucléaire qui alimentent leur cœur, elles arrivent en fin de vie. Dans le cas des étoiles massives, de plus de 8 masses solaires, elles s'effondrent petit à petit sur elles-mêmes, jusqu'à ce que, sous des effets de pression encore mal connus, toutes leurs couches supérieures s'éjectent à grande vitesse dans l'espace interstellaire : c'est le phénomène que l'on appelle supernova. Cette explosion cataclysmique crée des ondes de choc qui vont se propager à très grande vitesse, jusqu'à aller chatouiller des nuages de gaz et de poussière. 

Mais ces morts d'étoiles sont aussi génératrices de vie : lorsque la matière éjectée de l'étoile appelée rémanent de supernova, atteint des nuages moléculaires suffisamment denses, ceux-ci se contractent jusqu'à parfois s'effondrer sur eux-mêmes : c'est le processus à la base de la naissance des étoiles. Car, dans le vide interstellaire se trouvent bien sûr des zones de très faible densité, mais aussi de nombreuses zones qui, laissées seules, resteront dans leur état d'équilibre, mais pour lesquelles un rien suffit à déclencher une réaction en chaîne

Ici, le rémanent de la supernova de Tycho photographié par l'observatoire à rayons X Chandra. © Chandra X-ray : Nasa/CXC/Riken & GSFC/T. Sato et <em>al.</em>; Optical : DSS 
Ici, le rémanent de la supernova de Tycho photographié par l'observatoire à rayons X Chandra. © Chandra X-ray : Nasa/CXC/Riken & GSFC/T. Sato et al.; Optical : DSS 

Impossible à observer, impossible à reproduire avec des simulations

Si ce phénomène de création d'étoiles est compris dans sa globalité, de nombreux détails demeurent mystérieux : c'est pourquoi les chercheurs tentent de le reproduire le plus fidèlement possible. Mais impossible de le capturer de manière précise à cause des limites de résolution des appareils d'observation actuels. Quant aux simulations numériques, les interactions entre nuages moléculaires et ondes de choc sont si complexes qu'elles ne permettent pas de les recréer avec exactitude.

Alors comment étudier ces naissances d'étoiles ? Une équipe internationale de chercheurs a trouvé la réponse à l'aide de lasers à haute puissance et de balles en mousse. Comme l'explique leur étude publiée dans la revue Matter and Radiation at Extremes, la boule de mousse représente une zone dense au sein d'un nuage moléculaire, tandis que le laser haute puissance sert à recréer l'onde de choc qui suit la supernova.

Deux faisceaux lasers focalisent sur des tiges de carbone, qui vont ensuite produire une explosion générant des ondes de choc. Dans ce cas précis, deux ondes de choc différentes, dont le but est de simuler une onde sphérique caractéristique des supernovas, vont se propager à travers la chambre expérimentale, puis frapper la balle en mousse qui va alors se compresser d’un côté et s’étirer de l’autre. L’observation de l’expérience se fait grâce à de l’imagerie à rayons X. © B. Albertazzi & <em>al.</em>
Deux faisceaux lasers focalisent sur des tiges de carbone, qui vont ensuite produire une explosion générant des ondes de choc. Dans ce cas précis, deux ondes de choc différentes, dont le but est de simuler une onde sphérique caractéristique des supernovas, vont se propager à travers la chambre expérimentale, puis frapper la balle en mousse qui va alors se compresser d’un côté et s’étirer de l’autre. L’observation de l’expérience se fait grâce à de l’imagerie à rayons X. © B. Albertazzi & al.

Résultat de l'expérience : après avoir subi l'onde de choc, une partie de la mousse s'est comprimée, tandis que l'autre s'est étirée. « Nous regardons vraiment le début de l'interaction, a déclaré Bruno Albertazzi, premier auteur de l'étude et chercheur au Laboratoire pour l'Utilisation des Lasers Intenses (Luli). De cette façon, vous pouvez voir si la densité moyenne de la mousse augmente et si vous commencerez à former des étoiles plus facilement. » En effet, comme dit dans l'étude, « l'auto-gravitation de la mousse est négligeable, ce qui implique que l'expérience n'est pertinente qu'au stade précoce de l'interaction entre le BW (blast wave : onde de choc, ndlr) et la mousse, c'est-à-dire lorsque les forces gravitationnelles sont négligeables par rapport aux autres forces thermiques, radiatives, magnétiques, et les forces de rotation. »

Des réponses sur la naissance du Soleil ?

Reste donc encore à améliorer l'expérience, comme l'expliquent les chercheurs dans leur étude, qui comptent par la suite tester d'autres paramètres expérimentaux et reproduire au mieux les conditions réelles. « Ce premier article visait vraiment à démontrer les possibilités de cette nouvelle plateforme ouvrant un nouveau sujet qui pourrait être étudié à l'aide de lasers de haute puissance », a déclaré B.Albertazzi.

Mais ces expériences pourraient aussi, à terme, donner des réponses sur la naissance de notre propre étoile. « Ce phénomène est particulièrement important dans l'Univers primordial pour déclencher l'effondrement d'amas denses, et former de nouvelles étoiles à un rythme rapide », explique-t-il. Notre Soleil ne fait d'ailleurs pas exception : c'est grâce à la mort d’une étoile qu'il a pu naître, comme l'explique B.Albertazzi. « Notre nuage moléculaire primitif, où le soleil s'est formé, a probablement été déclenché par des restes de supernova. Cette expérience ouvre une voie nouvelle et prometteuse pour l'astrophysique de laboratoire pour comprendre tous ces points majeurs. »