C'est un spectrographe hors du commun, Muse, qui équipera bientôt le VLT, le plus grand télescope de l'ESO. Objectif : observer de lointaines et jeunes galaxies pour mieux comprendre comment la nôtre s'est formée.

Malgré la taille imposante des miroirs de télescopes aujourd'hui, collecter la lumière de galaxies très lointaines reste un défi de taille. La lumière de ces astres est principalement concentrée dans les raies spectrales de l'atome d'hydrogène, le constituant majeur de l'Univers. La première idée qui vient à l'esprit serait de l'analyser avec des filtres sélectifs centrés sur cet élément chimique. Malheureusement l'effet Doppler-Fizeau, qui décale vers le rouge le spectre des astres en train de s'éloigner de nous, empêche de les détecter avec cette méthode. L'autre possibilité serait d'utiliser un spectrographe, mais comment le pointer exactement sur des sources lumineuses trop lointaines pour être visibles ?

C'est le Cral, le Centre de Recherche Astrophysique de Lyon qui a eu l'idée il y a quelques années d'un spectrographe intégral de champ, un instrument qui serait capable de prendre des spectres de tous les astres situés dans le champ pointé par un télescope. Le concept était séduisant, la réalisation allait demander du temps et des efforts.

Le champ céleste étudié par Muse formera un côté d'une minute d'arc où tous les objets lumineux produiront un spectre. Quatre étoiles lasers (en vert) fourniront des informations sur l'agitation atmosphérique que compensera l'optique adaptative. Crédit ESO

Le champ céleste étudié par Muse formera un côté d'une minute d'arc où tous les objets lumineux produiront un spectre. Quatre étoiles lasers (en vert) fourniront des informations sur l'agitation atmosphérique que compensera l'optique adaptative. Crédit ESO

Un projet scientifique européen majeur

Depuis 2004, plus d'une centaine de chercheurs issus de sept laboratoires européens développent l'instrument Muse (Multi Unit Spectroscopic Explorer). Il sera implanté en 2012 sur le VLT (Very Large Telescope), le télescope géant de l'ESO. Muse est un ensemble de 24 spectrographes 3D couplés à un système d'optique adaptative qui corrigera les effets néfastes de la turbulence atmosphérique.

Le premier spectrographe a été livré et testé avec succès au Cral pendant que l'ESO assemblait et essayait le système cryogénique qui refroidira les 24 détecteurs. Chacun d'entre eux est équipé d'une caméra CCD de 16 millions de pixels et sera associé à un découpeur de champ, un dispositif nouveau qui distribue l'intégralité de l'information lumineuse sur chaque détecteur. Une fois l'ensemble des détecteurs assemblés et refroidis, il faudra les installer derrière un système optique compensant l'agitation atmosphérique.

Le système de cryogénie de Muse en test à l'ESO. Crédit ESO

Le système de cryogénie de Muse en test à l'ESO. Crédit ESO

Cette tâche incombera à un miroir se déformant sous les effets conjugués d'un millier de petits vérins qui appliqueront en temps réel d'infimes corrections dictées par un ordinateur. Celui-ci connaîtra l'état de l'atmosphère en analysant les fluctuations de luminosité de 4 « étoiles lasers ». Le champ observé par l'ensemble du spectrographe couvrira 1 x 1 minute d'arc.

Toutes ces innovations technologiques seront indispensables pour espérer obtenir les spectres de galaxies cent millions de fois moins lumineuses que les plus faibles étoiles visibles à l'œil nu, au cours de phases d'observations qui pourront atteindre cent heures cumulées.

Si tout va bien, Muse donnera la pleine mesure de ses capacités dans deux ans et permettra alors de commencer à répondre aux grandes questions de l'astrophysique sur la formation et l'évolution des galaxies.