Cérès, autrefois vue comme le plus grand corps céleste de la ceinture principale d'astéroïdes, apparait aujourd'hui aux planétologues comme un embryon de planète, vestige de la formation du Système solaire. Ils soupçonnent maintenant qu'il fut jadis un monde océanique avec une chimie organique peut-être suffisamment active pour s'être engagée sur le chemin menant à la Vie.
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Équipée d'un moteur ionique pour les voyages interplanétaires, la sonde Dawn avait été lancée en 2007 par la Nasa pour « boldly go where no man has gone before ! » en l'occurrence se mettre en orbite d'abord autour de l'astéroïde Vesta en 2011 et ensuite CérèsCérès de 2015 à 2018.
Les données fournies par les instruments de la sonde et concernant cette planète naine qui est aussi le plus gros astéroïde de notre Système solaire (avec un rayon de 470 kilomètres) ont surpris les planétologues et même les exobiologistes. Quand il l'a découverte en 1801, l'astronomeastronome italien Giuseppe Piazzi ne pouvait certainement pas prévoir que ses collègues modernes verraient en Cérès tout à la fois un embryonembryon de planète et une protoplanète, vestiges de celles qui abondaient dans le disque protoplanétairedisque protoplanétaire où naissaient les planètes que nous connaissons aujourd'hui dans notre Système solaire.
Ces mêmes collègues il y a quelques décennies seraient peut-être surpris d'apprendre que l'on imagine même depuis quelque temps, en se basant toujours sur les observations de DawnDawn, que Cérès était peut-être dans un passé lointain un monde océanique comme c'est le cas actuellement avec Europe et Encelade - les luneslunes de JupiterJupiter et SaturneSaturne - enfin presque plutôt avec un océan global boueux. Cérès semble contenir beaucoup d'eau, déjà peut-être sous forme de glace mélangée à de la roche et provenant de son ancien océan, constituant peut-être également une enveloppe gelée autour d'un reste liquideliquide de cet océan.
Un vaste réservoir de saumure
Or, il se trouve que ces dernières années, en sondant les données de Dawn, on trouve de plus en plus de traces de moléculesmolécules organiques en surface occupant certaines régions de Cérès. On pourrait donc imaginer que de la vie, ou pour le moins une chimiechimie prébiotiqueprébiotique complexe similaire à celle qui a dû exister sur la Terre primitive il y a plus de 4 milliards d'années, a laissé des traces que l'on pourrait découvrir en envoyant des missions robotisées ou même habitées à la surface de Cérès dans les décennies à venir.
Ce qui est certain, c'est que la densité de la protoplanète est proche de celle de la glace et qu'en 2020, les planétologues avaient découvert dans les données de Dawn les signes de l'existence à l'intérieur de Cérès un vaste réservoir de saumuresaumure et montré la présence de chlorure de sodiumsodium hydraté sur la plus grande zone brillante dans le fond du cratère Occator.
Aujourd'hui, une équipe de chercheurs menée par des membres de l'Instituto de Astrofísica de Andalucía (IAA-CSIC) a publié un article dans The Planetary Science Journal où, selon un communiqué de l'IAA qui l'accompagne, il est expliqué que onze nouvelles régions suggérant l'existence d'un réservoir interne de matièresmatières organiques dans la planète naine ont été identifiées.
Des processus biologiques dans la Cérès primitive ?
Avant ce travail, on avait plutôt tendance à penser que les traces de matière organique détectées à la surface de Cérès en 2017 pouvaient être simplement les restes d'impact de comètescomètes ou de petits corps célestes dont la composition est similaire à celles des chondriteschondrites carbonées retrouvées sur Terre, comme celle de la météoritemétéorite de Murchison.
Mais les nouvelles analyses au sujet de ces traces près du cratère Ernutet dans l'hémisphère nordhémisphère nord de Cérès laissent penser qu'il en est tout autrement et que de la matière organique s'est formée à l'intérieur de Cérès et qu'elle a été initialement stockée dans un réservoir protégé du rayonnement solairerayonnement solaire ; c'est ce qu'explique le communiqué dans lequel Juan Luis Rizos, chercheur à l'Institut d'astrophysiqueastrophysique d'Andalousie et auteur principal de l'étude déclare que « l'importance de cette découverte réside dans le fait que, s'il s'agit de matières endogènesendogènes, elle confirmerait l'existence de sources d'énergie internesénergie internes qui pourraient soutenir les processus biologiques ».
Les chercheurs sont arrivés à cette conclusion en étudiant en particulier une région entre les bassins d'Urvara et de Yalode où l'on constate que les composés organiques sont répartis au sein d'une unité géologique formée par l'éjection de matière lors des impacts qui ont créé ces bassins.
« Ces impacts ont été les plus violents que Cérès ait jamais connus, donc la matière doit provenir de régions plus profondes que la matière éjectée d'autres bassins ou cratères. Si la présence de composés organiques est confirmée, leur origine laisse peu de doute sur le fait que ces composés sont des matériaux endogènes », précise Rizos.
Une présentation des résultats du travail de l'IAA. © Instituto de Astrofísica de Andalucía (IAA-CSIC)
Le raisonnement est d'autant plus convaincant qu'une autre équipe vient de publier dans Science le résultat d'expériences en laboratoire sur Terre qui montrent que les composés organiques du genre de ceux détectés sur Cérès se dégradent plus rapidement, sous l'effet du rayonnement solaire dans l'espace interplanétaire et à la surface de corps comme Cérès, que ce que l'on pensait auparavant. Compte tenu des quantités détectées, elles doivent provenir de réservoirs importants sous la surface de Cérès.
Par Hervé Cottin, astrochimiste, professeur des universités, LISA, Université Paris Est Créteil/Université de Paris/CNRS. Sommes-nous seuls dans l’univers ? Vous vous êtes peut-être déjà posé la question ? On peut trouver des réponses dans les films, la littérature ou les bandes dessinées de science-fiction et notre imaginaire est peuplé de créatures extraterrestres ! Mais que dit la science à ce sujet ? Le site AstrobioEducation vous propose de partir à la découverte de l’exobiologie, une science interdisciplinaire qui a pour objet l’étude de l’origine de la vie et sa recherche ailleurs dans l’Univers. À travers un parcours pédagogique divisé en 12 étapes, des chercheurs et chercheuses de différentes disciplines vous aideront à comprendre comment la science s’emploie à répondre aux fascinantes questions des origines de la vie et de sa recherche ailleurs que sur la Terre. © Société Française d'Exobiologie
Cela reste bien sûr à démontrer, mais comme l'explique toujours Rizos, « Cérès jouera un rôle clé dans l’exploration spatiale future. Son eau, présente sous forme de glace et peut-être sous forme liquide sous la surface, en fait un lieu intrigant pour l'exploration des ressources. Dans le contexte de la colonisation spatiale, Cérès pourrait servir d'escale ou de base de ressources pour de futures missions vers Mars ou au-delà ».