Les comètes se forment à distance de leurs étoiles, dans un environnement froid. Pourtant, dans le système solaire, elles se montrent riches en cristaux de silicates formés à hautes températures. En se basant sur les observations de Spitzer, un groupe d’astronomes propose dans Nature un début d'explication à ce paradoxe.

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En 1950, l'astronome Fred Whipple a formulé la théorie de la boule de neige sale pour expliquer la nature des comètes. Dans cette théorie, soutenue par les observations des sondes interplanétaires depuis 1986 comme Giotto pour Halley et Stardust pour Wild 2, les comètes sont des mélanges de glaces et de poussières qui se sont formées à grande distance du Soleil, au tout début de la formation du système solaire.

Parmi ces poussières, on ne devrait trouver que des silicates amorphes apparus à basse température. Ce n'est pas le cas, comme l'étude des poussières cométaires l'a montré. On trouve des cristaux de silicates dont les lois de la thermodynamique chimique nous disent qu'ils ne peuvent s'être formés dans le disque protosolaire qu'à des températures élevées, particulièrement proche du Soleil donc.

Confrontés à ce paradoxe, les astrophysiciens avaient imaginés deux scénarios possibles. Dans le premier, une longue exposition à des températures modérément élevées aurait fini par transformer des silicates amorphes en cristaux. Dans le second, des ondes de choc, générées par exemple par un objet de taille assez importante se déplaçant dans le disque gazeux et poussiéreux, auraient créé les conditions de changement de phase des silicates. Il se crée en effet alors des zones de surpression temporaires qui chauffent localement le mélange de gaz et de poussières. Bien que se refroidissant très vite, ces zones peuvent être le lieu de formation de cristaux de silicates.

Les observations de Spitzer montrent que des cristaux se forment lors d'une éruption stellaire importante dans un disque de poussières. Crédit : Nasa/JPL/Caltech

Les observations de Spitzer montrent que des cristaux se forment lors d'une éruption stellaire importante dans un disque de poussières. Crédit : Nasa/JPL/Caltech

Tout le monde se trompait

D'après les observations du disque d'accrétion de l'étoile de type solaire EX Lupi par le télescope Spitzer, aucun de ces scénarios n'est la bonne solution au paradoxe des cristaux de silicates des comètes. Un groupe d'astronomes allemands, hongrois et hollandais vient en effet de comparer les observations, effectuées en infrarouge par Spitzer, du disque de poussières entourant la jeune étoile EX Lupi au mois d'avril 2008 avec celles datant de 2005.

Il faut savoir que les étoiles comme EX Lupi sont des naines de type K ou M accrétant de la matière provenant de leur disque protoplanétaire et qui sont sujettes à de brusques variations de luminosité, lorsque le processus d'accrétion s'emballe temporairement. Leur luminosité est alors multipliée parfois une centaine de fois et elles exhibent des raies d'émission similaires aux fameuses étoiles T Tauri. Le phénomène dure de 10 à 100 jours et peut se répéter à quelques mois d'intervalle. Dans le cas de EX Lupi, il semble qu'un maximum de luminosité ait lieu tous les 50 ans environ.

En janvier de cette année, une éruption particulièrement lumineuse s'est produite. Les observations de Spitzer en avril ont montré que l'étoile était encore 30 fois plus lumineuse que lors des phases calmes.

Le spectre du disque entourant <em>EX Lupi</em> montre clairement l'apparition de cristaux de silicates si l'on compare sa forme en 2005 à celle en 2008. Crédit : Nasa/JPL/Caltech

Le spectre du disque entourant EX Lupi montre clairement l'apparition de cristaux de silicates si l'on compare sa forme en 2005 à celle en 2008. Crédit : Nasa/JPL/Caltech

A leur surprise, les chercheurs ont découvert dans le nouveau spectre de EX Lupi la signature incontestable de la présence de la forme cristalline des silicates alors qu'en 2005, seule la forme amorphe était présente.

L'éruption du début de l'année a donc porté une partie de la nébuleuse ordinairement froide à des températures dépassant les mille kelvins, la limite inférieure pour produire un changement de phase des poussières silicatées. Il ne peut s'agir d'un effet d'ondes de choc, dont aussi bien les théories que les observations montrent l’existence, car les cristaux observés, de la forsterite, sont encore assez chauds d'après les mesures de Spitzer. Or, s'ils avaient été produits par des ondes de choc, ils se seraient refroidis rapidement, et il ne faut pas oublier non plus l'occurrence d'une éruption puissante il y a quelques mois. Les températures n'ont cependant pas dû dépasser les 1.500 kelvins dans la majeure partie du disque, sans quoi les grains de silicates se seraient évaporés.


Une brusque augmentation de la quantité de matière accrétée par EX Lupi provoque une éruption multipliant par 100 la luminosité de l'étoile. La température du disque augmente dans la portion correspondant à la zone de formation des planètes rocheuses et les grains amorphes de silicates cristallisent alors (cristaux verts). Crédit : Nasa-JPL-Caltech

Toutefois, les observations montrent que la zone dans laquelle la production de cristaux de forsterite s'est produite correspond à peu près à celle de la formation des planètes telluriques. Même si ce mécanisme est important pour expliquer la présence de grande quantité de silicates cristallins dans le système solaire primitif, des mécanismes de transport dans les parties externes du jeune système solaire ont tout de même dû intervenir pour qu'on les retrouve aujourd'hui dans les comètes. Peut-être de la turbulence ou des vents X.