Le pas récemment accompli au télescope Yepun du VLT (Very Large Telescope), équipé de NaCo et de Sinfoni, deux systèmes complémentaires d'optique adaptative, est certes une découverte majeure, mais marque aussi une des étapes les plus importantes de l'histoire de l'Astronomie. Car pour la première fois, un trou noir a été mis en évidence par l'observation directe, performance inimaginable il y a seulement quelques années. Retour sur cette découverte.

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    Le mouvement d’une étoile autour du trou noir super massif au centre de la voie lactée: à gauche, Sagittarius (SgrA*) et S2; à droite, schéma de l’orbite de S2 autour de SgrA*, observée entre 1992 et 2002. Crédit ESO.

    Le mouvement d’une étoile autour du trou noir super massif au centre de la voie lactée: à gauche, Sagittarius (SgrA*) et S2; à droite, schéma de l’orbite de S2 autour de SgrA*, observée entre 1992 et 2002. Crédit ESO.

    Et pas n'importe quel trou noir, puisqu'il s'agit de celui qui passionne le plus les astronomesastronomes : le trou noir massif situé au centre de notre propre galaxie, Sagittarius A.

    Plusieurs découvertes récentes démontrent que l'ère de l'observation directe des trous noirs a bel et bien commencé, chose qui, il y a moins de 10 ans, relevait encore de l'impensable. La toute première d'entre elles remonte au 8 mai 2003, lorsqu'un astronome de l'équipe de Reinhard Genzel, au VLT, observant en direction du centre de notre galaxie, aperçut soudain une étoile non référencée. Ce fut la première surprise. La seconde survint quelques minutes plus tard : l'étoile avait complètement disparu, sans laisser la moindre trace.

    L'explication vint plus tard. Les scientifiques venait tout simplement d'observer, pour la première fois, le flashflash très puissant émis en proche infrarouge par de la matière "tombant" dans un trou noir. D'autres observations du même type suivirent et la signature spectrale caractéristique, attendue pour de telles bouffées IFR produites par les processus d'accrétionaccrétion, et liée spécifiquement à un trou noir fut là encore bien visible. Prédit théoriquement il y a longtemps, son observation n'avait jusqu'à présent jamais été faite.

    La mort d'une étoile en direct ?

    Lorsqu'un astreastre, ou de la matière provenant de celui-ci, parvient à la limite du champ attractif d'un trou noir et y est absorbé, il se produit une conversion rapide de l'énergieénergie gravitationnelle associée. La matière chutant vers le trou noir s'échauffe et rayonne intensément, d'abord en ondes radio, puis en infrarougesinfrarouges, puis en lumièrelumière visible, en UVUV et ensuite en rayonnement X. L'équipe observant en infrarouge le 8 mai 2003, c'est donc ce rayonnement qui avait été aperçu. On se prend à rêver d'une possibilité extraordinaire, s'il ne s'agissait pas d'un nuagenuage de gazgaz mais d'une petite étoile, alors les astronomes avaient simplement eu la chance fabuleuse d'observer au bon endroit, au bon moment et dans la bonne fréquencefréquence la mort d'une étoile avalée par le trou noir central !

    Mais cet exploit confirmait aussi l'hypothèse émise par les astronomes, qui postulaient, sans pouvoir le démontrer, que le centre de notre propre galaxie, la Voie LactéeVoie Lactée, abritait bien un trou noir. Depuis longtemps déjà, ils s'interrogeaient sur la nature exacte d'une puissance source de rayonnement radio, nommée Sagittarius A, considérée comme candidate potentielle.

    On sait aujourd'hui que, si les trous noirs sont à considérer comme des régions de l'espace-tempsespace-temps d'où rien de ce qui y pénètre ne peut plus s'échapper (sauf sous forme de rayonnement Hawking), pas même la lumière, leur observation indirecte est néanmoins possible via les rayonnements émis par la matière sous forme de gaz, chauffée par les frictionsfrictions internes de celui-ci lors de sa chute vers le trou noir. L'émissionémission de rayonnements se poursuit jusqu'à ce que le gaz soit absorbé au moment où il atteint l'extrême limite, dite aussi l'"horizon", du trou noir.

    Première confirmation directe

    La confirmation "définitive", probablement aussi irréfutable que précise de la présence d'un trou noir massif au centre de notre galaxie a été apportée par une équipe d'astronomes aux commandes d'un des quatre télescopes géantstélescopes géants (8 mètres de diamètre) du VLT au Chili. Plusieurs années d'observations de l'étoile S2 confirment que celle-ci décrit bien une orbiteorbite elliptique autour de Sagittarius A.

    La vitessevitesse orbitaleorbitale de S2 (5000 km/seconde, soit 200 fois plus que la Terre autour du SoleilSoleil), sa massemasse (15 masses solaires) et le diamètre de l'orbite permettent de déterminer que l'un des foyersfoyers de l'orbite est occupé par un objet de masse énorme. Celle-ci représente 2,7 million de masses solaires pour un tout petit volumevolume de 10 minutes-lumière de diamètre, soit à peine plus que la distance qui nous sépare du Soleil. Ces données n'étant compatibles qu'avec le profil d'un trou noir, preuve est ainsi faite que Sagittarius A est bien le trou noir massif du centre de notre galaxie.


    Cette animation vidéo a été réalisée par succession d'images obtenues du centre de notre galaxie entre 1992 et fin 2002. Elle montre, d'abord sous deux valeurs d'agrandissement, le mouvement des étoiles entourant Sagittarius A. La troisième séquence montre très nettement la trajectoire de deux d'entre elles, ainsi qu'une orbite complète de l'étoile S2 autour du trou noir. Bien que ce dernier restera à tout jamais invisible par définition, ce document est considéré comme la première observation directe d'un trou noir, ce qui en fait à la fois un document historique et d'une valeur scientifique considérable.

    Une des prochaines étapes de ce domaine de recherche consistera vraisemblablement à comprendre, outre la nature exacte des trous noirs, quand et comment ils se sont formés, et surtout pourquoi presque toutes les galaxies en comportent un en leur centre.