Le télescope James-Webb continue d'arpenter les sentiers ouverts par le télescope Hubble avec pour but d'aller plus loin que lui. Dernière découverte en date, le plus lointain trou noir supermassif connu, qui est également le plus lointain AGN connu.


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    En 2015, le télescope HubbleHubble battait son record de distance pour une galaxie en observant celle que l'on appelait alors EGSY8p7, mais renommée depuis en CEERS_1019. Les astronomesastronomes l'observaient telle qu'elle était il y a environ 570 millions d'années. Les photons émis par cette galaxie dans le visible ou l'ultraviolet ont vu leur longueur d'onde dilatée par l'expansion de l'espace au cours de leur voyage avant d'être capturés par le miroirmiroir de Hubble, puis d'être absorbés par ses capteurs CCD.

    Une partie du spectrespectre de CEERS_1019 s'est donc retrouvée décalée vers le rouge et plus précisément vers l'infrarougeinfrarouge. La galaxie elle-même est une sorte d'échantillon de l'époque du cosmoscosmos observable où se produisait ce que les cosmologistes appellent la réionisationréionisation. L'émissionémission du rayonnement fossilerayonnement fossile, environ 380 000 après le Big BangBig Bang, avait produit pour la première fois des atomesatomes neutres. Mais quelques centaines de millions d'années plus tard, le rayonnement ultraviolet des premières étoilesétoiles et des trous noirs géants accrétant de la matièrematière allait ioniser à nouveau largement ces atomes.

    Nous ignorons encore bien des choses sur ce qui se passait pendant l'époque de la réionisation, mais nous savons qu'avec le télescope James-Webb et son grand miroir collecteur de photons provenant d'objets lointains et peu lumineux, notre connaissance va faire un bond de géant. C'est pourquoi CEERS_1019 a reçu toute l'attention des chercheurs utilisant le James-Webb.

    Il en a résulté un article provenant d'une équipe menée par l'astrophysicienne Rebecca Larson de l'Université du Texas à Austin (États-Unis) et que l'on peut déjà lire sur arXiv en attendant sa publication dans The Astrophysical Journal.


    Jean-Pierre Luminet, directeur de recherche au CNRS et Françoise Combes, professeur au Collège de France, nous parlent des trous noirs et en particulier des trous noirs supermassifs dans les galaxies et qui sont derrière les AGN (noyaux actifs de galaxies). © Fondation Hugot du Collège de France

    CEERS_1019, un laboratoire pour comprendre l'origine des trous noirs supermassifs ?

    Il apparaît clairement maintenant que CEERS_1019 contenait déjà un trou noir supermassiftrou noir supermassif d'environ 10 millions de massesmasses solaires, soit plus que le trou noir central géant de notre Voie lactée, mais que ce trou noir faisait déjà aussi de cette galaxie un AGN, un noyau actif de galaxiesnoyau actif de galaxies dont certains exemples sont aussi connus sous la forme de quasars.

    Pour les chercheurs, CEERS_1019 contient même en fait le plus lointain trou noir supermassif et le plus lointain AGN connu à ce jour.

    Larson et ses collègues étaient occupés à analyser les données collectées pendant une heure par les quatre instruments du JWSTJWST lorsqu'ils ont été confrontés à une conclusion surprenante. D'habitude, les galaxies que l'on observe possèdent des émissions qui sont dominantes soit en rapport avec la formation de jeunes étoiles, soit en raison de la présence d'un AGN. Mais dans le cas de CEERS_1019, les deux signatures étaient également importantes, du jamais-vu jusqu'à présent.

    Des AGN avec des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs beaucoup plus grands et guère plus vieux que CEERS_1019 étaient déjà connus, en pleine croissance. Il semble donc que la galaxie soit en fait une sorte de chaînon manquantchaînon manquant entre les premières galaxies formant fiévreusement des étoiles et celles avec de grands trous noirs supermassifs.

    Il est donc possible qu'elle contienne des traces de l'origine des trous noirs supermassifs que l'on ne comprend toujours pas. Faut-il faire intervenir des étoiles elles aussi supermassives au début de la réionisation ou simplement un effondrementeffondrement direct d'immenses nuagesnuages de matière en trou noir géant, ou encore une autre hypothèse ? Personne ne le sait encore et le débat dure toujours.