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Article paru le 8 janvier 2016
Dans le bestiaire des astrophysiciensastrophysiciens, nul astre ne fait probablement autant rêver, à l'exception peut-être des exoplanètes habitables, que les trous noirs. En témoignent des films comme Interstellar ou Le Grand Tout. Mais qu'ils soient membres de systèmes binairessystèmes binaires ou à l'origine des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies que sont les quasars, ces objets issus de la physique d'EinsteinEinstein semblent ne pouvoir être explorés que par les professionnels, ou peu s'en faut. D'un point de vue théorique déjà, la relativité générale et la théorie des trous noirs, développées par des pointures comme Wheeler, Penrose, Bekenstein, Hawking et Chandrasekhar, exigent un certain investissement de travail et quelques années d'études supérieures pour être bien comprises.
D'un point de vue expérimental, les trous noirs, bien que nombreux dans la Voie lactée, semblaient se dérober à des observations dans le domaine du visible. Pour détecter des trous noirs stellairestrous noirs stellaires, il avait fallu attendre les années 1970 et l'essor de l'astronomie spatiale avec des télescopestélescopes capables d'observations dans le domaine des rayons Xrayons X et gamma. Et encore, il ne s'agissait pas des trous noirs eux-mêmes, bien trop froids pour devenir lumineux du fait du rayonnement Hawking, mais des disques d'accrétiondisques d'accrétion qui les entourent.
La théorie de ces disques a justement été développée dans les années 1960 dans l'espoir de détecter des trous noirs faisant partie de systèmes binaires. L'idée était de repérer la chute de matièrematière arrachée à leurs étoilesétoiles compagnes. Les phénomènes se déroulant dans ces disques d'accrétion sont très complexes, le milieu ressemblant au plasma produit par un réacteur à fusion contrôlée. On cherche à mieux les comprendre et c'est pourquoi des instruments comme ChandraChandra et SwiftSwift sont utilisés pour étudier les trous noirs.
Le système binaire V404 Cygni a été observé dans le visible le 23 juin 2015. Ces images montrent ses fluctuations de luminosité, pendant quelques heures, dans le cercle jaune. © Michael Richmond, Rochester Institute of Technology, YouTube
Des fluctuations de lumière dans le visible corrélées à celles en rayons X
L'un d'entre eux a défrayé le chronique le 15 juin 2015. Visible dans la constellationconstellation Cygne, le trou noir stellaire V404 Cygni a été à plusieurs reprises l'objet le plus brillant du ciel dans le rayonnement X -- jusqu'à 50 fois plus que la nébuleuse du Crabenébuleuse du Crabe, l'une des sources les plus importantes. Or, justement, cette année-là et après 26 ans d'un calme relatif, il a connu un brusque sursautsursaut d'activité durant environ deux semaines avec une émissionémission de rayons X importante provenant de la partie intérieure de son disque d'accrétion chauffée à plus de 10 millions de kelvinskelvins.
Rappelons que V404 Cygni est, avec son voisin le célèbre Cygnus X-1, l'un des trous noirs les plus proches du SoleilSoleil. Il en est tout de même situé à environ 7.800 années-lumièreannées-lumière, pour nous dans la constellation du Cygne (actuellement visible dans l'hémisphère nordhémisphère nord en début de nuit, bas sur l'horizon). Il contient environ 10 massesmasses solaires et ses forces de maréeforces de marée arrachent de la matière à une étoile compagne dont la masse est de l'ordre de la moitié de celle du Soleil.
Un groupe d'astronomesastronomes japonais a révélé dans un article publié dans le journal Nature que le dernier soubresaut de V404 Cygni a été étonnant. Des fluctuations dans le domaine visible sur des échelles de temps de 100 secondes à 150 minutes ont été retrouvées également dans le domaine des rayons X, prouvant qu'il s'agissait d'un phénomène lié au disque d'accrétion du trou noir lui-même. C'est une première. Il semble donc bel et bien que l'on peut aussi observer et étudier l'activité d'un trou noir stellaire dans le visible.
Selon les astrophysiciens, la raison de ce phénomène s'explique ultimement parce que V404 Cygni et l'étoile lui tournant autour sont exceptionnellement éloignés. Le disque d'accrétion est donc de plus grande taille qu'à l'ordinaire, même si le flux de matière accrétée est moins important, et sa partie externe est plus froide. Les bouffées plus intenses de rayons X, apparaissant à l'occasion d'instabilités dans le disque ou dans le flux plongeant vers le trou noir, chauffent alors cette partie externe qui n'émet pas intensément dans les X, comme d'habitude, puisqu'elle est moins chaude. Elle se met alors à émettre dans le visible de façon conséquente. Le résultat final est qu'un astronome amateur observant le trou noir avec un télescope de 200 mm de diamètre, précisent les chercheurs japonais, pourrait détecter et étudier les variations de son activité dans ces longueurs d'ondelongueurs d'onde !
Peut-être n'est il pas absurde d'imaginer que d'ici quelques années va naître un groupement dédié aux trous noirs semblable à l'AFOEV, l'Association française des observateurs d'étoiles variablesétoiles variables, dont les membres, professionnels et amateurs, observent scrupuleusement la luminositéluminosité des étoiles variables.