Il y a 200 ans, Sagittarius A* (Sgr A*), le trou noir supermassif qui dort au cœur de notre Voie lactée, s’est réveillé. Des chercheurs viennent de détecter l’écho de l’activité intense qui a alors été la sienne pendant toute une année. Du jamais vu auparavant.
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Au cœur de notre Voie lactée se cache un objet déroutant. Un trou noir supermassif comme disent les astronomesastronomes. Ils l'ont baptisé Sagittarius A* (Sgr A*). Et il a fait la Une il y a un peu plus d'un an, déjà. Lorsque des chercheurs ont dévoilé la toute première photo de cet objet mystérieux. Mystérieux parce que même s'ils les étudient depuis bien des années maintenant, les astronomes n'ont toujours pas compris comme se forment les trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs. « Nous imaginons qu'il y en a un dans chaque grande galaxie. Un et un seul, rappelle Frédéric Marin, chercheur au CNRS à l'Observatoire astronomique de Strasbourg. Mais ce que nous ne savons pas, par exemple, c'est qui apparaît en premier dans l'histoire. Le trou noir supermassif ou la galaxie ? »
Il est important de trouver la réponse à cette question. Pour mieux comprendre comment l'Univers a évolué vers la forme que nous lui connaissons aujourd'hui. Comment se forment les galaxies et leur trou noir supermassif, leurs gaz, leurs étoilesétoiles et leurs planètes. La vie, même, en fin de compte.
Et étudier Sgr A*, en particulier, est finalement intéressant d'abord parce qu'il est le trou noir supermassif le plus proche de nous. Ensuite parce qu'il s'agit d'un trou noir extrêmement classique. « Il fait partie des 90 % des trous noirs supermassifs quiescents », nous précise Frédéric Marin. La plupart des trous noirs supermassifs sont en effet comme endormis au cœur des galaxies. Ils sont inactifs. « Ils avalent bien un peu de matièrematière qui passe dans les environs. Un peu de poussière interstellairepoussière interstellaire ou une étoile de temps en temps. Mais à un rythme très faible. » Les chercheurs le savent parce que lorsqu'un trou noir supermassif s'autorise un encas, il émet de la lumièrelumière. « Une lumière, toutefois, elle aussi très faible. »
« Dans les années 1990, les premiers télescopes à rayons X que nous avons pointés sur Sagittarius A*Sagittarius A* ont confirmé que notre trou noir supermassif était bien quiescent. Les images ne laissaient paraître qu'une très faible émissionémission de rayons Xrayons X, poursuit le chercheur du CNRS. En revanche, autour de Sagittarius A* des nuagesnuages moléculaires sont apparus étonnamment brillants ». Étonnamment parce que ces nuages sont remplis de poussières et de glace. Ils sont donc extrêmement froids. Et ne devraient pas apparaître sur les images aux rayons X. Alors pourquoi ?
La polarisation de la lumière au cœur de la découverte
Plusieurs hypothèses ont été émises. Et c'est dans l'espoir de vérifier l'une d'entre elles que l'équipe internationale dirigée par Frédéric Marin a observé récemment le centre de notre Voie lactée. Avec un instrument pas tout à fait comme les autres. Un satellite du nom de IXPE, pour Imaging X-ray Polarimetry Explorer. Sa particularité étant qu'il est capable de mesurer, avec une précision sans égal, la polarisation des rayons X.
La polarisation ? Avec l'intensité et la couleurcouleur -- la fréquencefréquence, pour les physiciensphysiciens --, c'est l'une des caractéristiques de la lumière. Quelque chose qui est invisible à notre œilœil. La polarisation, « c'est la direction privilégiée de la vibrationvibration du champ électriquechamp électrique de la lumière ». C'est une caractéristique vectorielle, comme disent les scientifiques. Comprenez qu'elle est orientée. Qu'elle a un sens et une direction.
« Globalement, le centre de notre Galaxie n'est pas polarisé. Mais en pointant IXPE sur les nuages moléculaires qui entourent Sagittarius A*, nous avons découvert que ces nuages, eux, le sont », nous raconte Frédéric Marin. Or cette polarisation-ci ne peut apparaître que s'il y a eu, au préalable, une diffusiondiffusion. Que la lumière ait été réfléchie. « Comme sur un miroirmiroir. » Les astronomes de l'équipe de Frédéric Marin venaient donc de montrer que les nuages moléculaires du centre de la Voie lactée ne brillent pas par eux-mêmes. Ils ne font que diffuser la lumière émise par une autre source.
Les chercheurs ont converti en ondes sonores les différentes intensités lumineuses de l’image du centre de notre Voie lactée. Les sources lumineuses émettent un bruit court et fort. En orange sur l’image apparaît aussi l’écho enregistré par les astronomes. Il est associé à un son plus lourd, plus grave. Si elle n’apporte pas d’information supplémentaire aux astronomes, ce genre de sonification est l’occasion d’offrir, notamment aux personnes malvoyantes, la possibilité de saisir différemment la complexité du champ des étoiles. © Nasa, CXC, SAO, IXPE
Des réponses et de nouvelles questions
« Ce qui est intéressant, c'est que la direction de la polarisation, c'est exactement comme une boussole. La boussole pointe le nord. La polarisation des nuages moléculaires pointe... Sagittarius A* ! » La preuve que notre trou noir supermassif est à l'origine du rayonnement diffusé par les nuages moléculaires. « Ce que nous avons détecté, c'est l'écho d'une activité passée de Sagittarius A* », nous confirme Frédéric Marin. Mais ce qui est peut-être le plus étonnant encore, c'est que pour créer un rayonnement aussi puissant que celui dont l'écho est aujourd'hui observé par les astronomes, il a fallu que Sgr A* soit au moins un million de fois plus brillant, plus actif, quelque part dans son passé. Comme si une petite lucioleluciole de jardin s'était mise à briller aussi intensément que le SoleilSoleil !
Compte tenu de la vitesse de la lumièrevitesse de la lumière et de la distance à laquelle les nuages moléculaires se trouvent du trou noir supermassif au cœur de la Voie lactée, les astronomes ont calculé que le sursautsursaut d'activité a eu lieu il y a environ 200 ans. En ajoutant aux équationséquations l'épaisseur de la brillance des nuages, ils peuvent même dire que le sursaut en question à durer environ une année.
“Une variation d’un facteur un million dont nous ignorons totalement la cause.”
« C'est extrêmement important parce que c'est unique. Nous voyons parfois la luminositéluminosité d'un trou noir varier d'un facteur 10. Plus rarement d'un facteur 100. En fonction de son activité. Ici, il est question au minimum d'un facteur 1 million ! Et puis, les variations que l'on observe habituellement sur les trous noirs ne durent généralement pas plus de quelques heures. » Un regain d'activité inhabituel donc aussi bien du point de vue de son intensité que du point de vue de sa duréedurée.
De quoi apporter aux astronomes des précisions importantes sur la manière dont les trous noirs quiescents se comportent. « Nous savons désormais notamment qu'ils peuvent présenter des épisodes d'activité très courts avec une influence sur la matière, la formation d'étoiles ou l'apparition de la vie, au moins dans des régions proches des centres galactiquescentres galactiques », nous explique Frédéric Marin. Reste à savoir ce qui a ainsi réveillé Sgr A*. « L'accrétionaccrétion de poussières sur la durée ou d'une ou plusieurs étoiles ? Pour le comprendre, nous allons tourner à nouveau IXPE vers le centre de la Voie lactée dès septembre. Avec dans l'idée de trouver des traces de l'accrétion dans l'écho. » Car chaque type d'accrétion laisse une trace différente. En détectant des changements dans la polarisation de l'écho et en les comparant à leurs modèles, les astronomes espèrent donc pouvoir conclure. Affaire à suivre...