Les mystérieuses naines brunes, des sortes d'étoiles ratées qui ressemblent aux géantes gazeuses comme Jupiter, n'existeraient pas seulement dans la Voie lactée. À partir des observations réalisés jadis par le télescope Hubble de l'amas d'étoiles NGC 602 proche du Petit Nuage de Magellan, le James-Webb a été utilisé en 2023 pour révéler une population de possibles naines brunes dans cet amas.


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    Ni vraiment des étoiles ni vraiment des planètes, les naines brunes sont des astres qui sont des nouveaux venus en astronomie, car on ne les observe que depuis une trentaine d'années, bien qu'elles aient été prédites théoriquement il y a environ 60 ans. On n'en connaissait encore que dans notre Voie lactée, mais la mise en service du télescope spatial James-Webb (JWST) a permis pour la première fois de découvrir plusieurs candidats possibles dans le monde extragalactique proche, comme l'explique une publication dans The Astrophysical Journal.

    La trouvaille a été faite en arpentant à nouveau des chemins déjà explorés avec le télescope Hubble en observant le Petit Nuage de Magellan, une galaxie peut-être satellite de la Voie lactée (il y a débat) située à environ 200 000 années-lumièreannées-lumière. Le JWST y a fait un zoom sur le jeune amas d'étoiles NGCNGC 602, et c'est dans son voisinage que les possibles naines brunesnaines brunes se sont dévoilées.

    « C'est seulement grâce à une sensibilité et une résolutionrésolution spatiale incroyables dans le régime de longueur d'ondelongueur d'onde approprié qu'il est possible de détecter ces objets à de si grandes distances », a déclaré l'auteur principal de l'article, Peter Zeidler d'AURA/STScI pour l'Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne. « Cela n'a jamais été possible auparavant et restera également impossible depuis la Terre dans un avenir prévisible », explique le chercheur dans un communiqué de l'ESA  au sujet de son travail avec ses collègues, Elena Sabbi, Elena Manjavacas et Antonella Nota.


    Un zoom vers NGC 602 jadis avec Hubble. © NASA, ESA, and G. Bacon and the Hubble Heritage Team (STScI/AURA

    Des zooms conjoints de Hubble et James-Webb

    Dans le même communiqué, que nous reprenons en partie, Elena Manjavacas, membre de l'équipe d'AURA/STScI pour l'Agence spatiale européenne ajoute que « jusqu'à présent, nous connaissions environ 3 000 naines brunes, mais elles vivent toutes dans notre propre Galaxie... Ce sont les premiers objets sous-stellaires en dehors de la Voie lactée. Nous devons être prêts pour de nouvelles découvertes révolutionnaires dans ces nouveaux objets ! ».

    Antonella Nota, membre de l'équipe, directrice exécutive de l'Institut international des sciences spatiales en Suisse et ancienne scientifique du projet Webb pour l'ESA déclare, quant à elle, que « cette découverte met en évidence la puissance de l'utilisation conjointe de Hubble et de Webb pour étudier les jeunes amas stellaires. Hubble a montré que NGC 602 abrite de très jeunes étoiles de faible massemasse, mais seul Webb nous permet enfin de voir l'étendue et l'importance de la formation de masse sous-stellaire dans cet amas. Hubble et Webb forment un duo de télescopes incroyablement puissant ! »

    « Nos résultats concordent très bien avec la théorie selon laquelle la distribution de masse des corps en dessous de la limite de combustioncombustion de l'hydrogènehydrogène n'est qu'une continuation de la distribution stellaire. Il semble qu'ils se forment de la même manière, ils n'accumulent simplement pas suffisamment de masse pour devenir une étoile à part entière. »


    Un autre zoom vers NGC 602, mais avec le JWST maintenant. © ESA/Webb, NASA & CSA, P. Zeidler, E. Sabbi, A. Nota, M. Zamani (ESA/Webb), N. Bartmann (ESA/Webb)

    Ce qui est certain, c'est que l'environnement local de cet amas est très proche de celui qui existait dans l'UniversUnivers primitif, avec de très faibles abondances d'éléments plus lourds que l'hydrogène et l'héliumhélium. Cet amas offre donc une opportunité précieuse d'examiner des scénarios de formation d'étoiles dans des conditions radicalement différentes de celles du voisinage solaire selon les termes de communiqués de l'ESA.

    « En étudiant les jeunes naines brunes pauvres en métauxmétaux récemment découvertes dans NGC 602, nous nous rapprochons de la découverte des secrets de la formation des étoiles et des planètes dans les conditions difficiles de l'Univers primitif », conclut Elena Sabbi, membre de l'équipe du NOIRLab de la NSF, de l'université d'Arizona et du Space Telescope Science Institute.

    Les naines brunes, des astres prédits il y a plus de 60 ans

    L'existence des naines brunes a été prédite théoriquement par l’astronome indien Shiv S. Kumar pendant sa thèse au cours de la période 1958-1962. Il s'intéressait à la théorie des étoiles de très faible masse (M < 0.1 masse solaire), étoiles qu'il avait appelées des naines noires. Mais, notamment parce ces objets peuvent être lumineux aux longueurs d'onde visibles au début de leur vie car ils sont chauffés par la contraction gravitationnelle lors de leur formation et selon le mécanisme de KelvinKelvin-Helmholtz, c'est une autre dénomination à leur sujet qui fera fortune et qui est utilisée depuis que les premières naines brunes ont été observées au milieu des années 1990. Ces astres, trop massifs pour être des géantes gazeusesgéantes gazeuses comme JupiterJupiter, mais pas assez pour être considérés comme des étoiles, doivent en effet leur nom de naine brune à Jill Tarter, une exobiologiste connue pour être l'une des figures de proue de Seti.

    Les naines brunes sont intéressantes car il s'agit d'astres intermédiaires entre une étoile et une planète en matièrematière de masse et qui ne se trouvent pas dans notre Système solaireSystème solaire. Elles sont également utiles pour étudier l'évolution et l'atmosphèreatmosphère des planètes géantes, car les planètes de type Jupiter et les naines brunes les plus légères devraient avoir des caractéristiques similaires.


    Une présentation du monde des naines brunes présentée le 7 mai 2020 par Frédérique Baron, de l'Institut de recherche sur les exoplanètes - iREx. © Chaine du programme À la découverte de l'Univers

    Le saviez-vous ?

    Les naines brunes s’inscrivent plus ou moins toujours dans le débat concernant d’une part, la limite en masse au-delà de laquelle un astre fait partie des étoiles (et non des naines brunes) et d’autre part, concernant la limite en dessous de laquelle l'astre est une géante gazeuse. Les astrophysiciens s'accordent toutefois sur un point : ce qui différencie une étoile d'une naine brune est le fait qu'elle est suffisamment massive pour que des réactions de fusion thermonucléaire durables, comme celles décrites par la chaîne proton-proton ou le cycle de Bethe-Weizsäcker, s'y enclenchent. On trouve alors des masses comprises entre 75 et 80 fois la masse de Jupiter (MJ), c'est-à-dire environ 0,07 masse solaire.

    En ce qui concerne le critère de distinction entre une géante gazeuse et une naine brune, les scientifiques utilisent généralement le seuil de 13 MJ. Des réactions de fusion temporaires, en l'occurrence celle du deutérium, peuvent alors se produire, comme celle du lithium à partir de 65 MJ.

    Les naines brunes se subdivisent en plusieurs types spectraux comme les étoiles ordinaires. Les plus chaudes et les plus lumineuses font ainsi partie des naines dites M, voisines donc des naines rouges de même type. Viennent ensuite les deux sortes principales de naines brunes avec tout d’abord celles de types L, qui ont des températures grossièrement comprises entre 1 500 K et 2 500 K, et les naines de type T, là aussi avec des températures grossièrement entre 1 500 et 500 K. Les naines Y ont des températures en dessous de 500 K.

    Il existe toutefois de légères variations dans la littérature à leur sujet, on trouve ainsi parfois pour les naines T qu’elles doivent avoir des températures de surface inférieures à 1 200 K.


    NGC 602 s'observe aussi en rayons X, ici avec Chandra. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l'écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Chandra X-ray Observatory